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Carole Hartmann (DP) : «Il faut se débarrasser de toute cette lenteur administrative»


«C’est le moment de mobiliser les terrains dont disposent l’État et les communes et de laisser le secteur privé construire les logements.» (Photos : hervé montaigu)

Carole Hartmann, secrétaire générale du DP, a été désignée pour organiser cette campagne électorale pour les communales. À moins de deux semaines du scrutin, elle nous en livre les grandes lignes.

Comment avez-vous géré cette campagne ? Dans quelle mesure avez-vous été sollicitée par les candidats pour les aider localement ?

Carole Hartmann : À la base, on élabore un programme-cadre confié à des groupes de travail. Pour les candidats, le parti a été sollicité pour aller soutenir, convaincre et motiver les futurs participants aux élections, mais tous nos mandataires ont fait cela. Nous avons trouvé beaucoup de candidats et maintenant que nous avons toutes nos listes, il faut gérer l’organisation. Les sections locales rédigent leur programme et nous avons une équipe en interne au DP qui prépare le layout pour les 47 sections et certains candidats dans les communes au système majoritaire. C’était un gros travail cette année parce qu’on a beaucoup de listes et on n’a pas encore fini.

Tous les partis avouent qu’il est difficile de recruter du personnel politique. Vous semblez dire que, pour vous, ce fut assez simple…

Si vous m’aviez posé cette question il y a deux ou trois mois, j’aurais aussi répondu que c’est difficile. Au final, on a été très gâtés et on est satisfaits de la qualité des candidats. Beaucoup sont jeunes, un quart ont l’âge de nos membres de la Jeunesse démocrate et libérale (JDL). Cela signifie que de nombreux jeunes, motivés, accompagnent nos politiciens plus expérimentés.

Après une longue absence, le DP refait une apparition à Dudelange, un bastion socialiste où il n’était plus représenté…

Nous n’avions plus de liste les deux dernières élections. C’était très important pour nous de participer à ces élections car nous avons un renouveau de la section locale qui s’est bien mise en route depuis 2018, même si avoir une liste avec 19 candidats, c’était un autre challenge. Notre ambition est d’entrer au conseil communal.

S’il n’y a pas assez de policiers qui circulent, des patrouilles privées sont là pour rassurer les habitants

Comment est né votre slogan « No bei dir » (« À vos côtés ») ?

Il est né du vécu des personnes pendant ces dernières années avec, à la base, la pandémie et ses conséquences. Les gens se sont rapprochés et ont compris l’importance des services de proximité, surtout dans les communes rurales où il y avait plus d’animation que dans la capitale qui était déserte. Avec les crises qu’on traverse, le niveau local a une autre importance et ce slogan veut rassembler les gens, leur offrir des services de proximité. Par rapport aux infrastructures, ce slogan cherche aussi à les guider sur la voie des énergies renouvelables. J’ai vécu cela à Echternach après les grandes inondations il y a deux ans. Beaucoup ont voulu échanger leur ancienne citerne à mazout, mais la commune n’avait pas de solution et je pense qu’elle doit pouvoir accompagner les gens sur la voie de la transition énergétique et être un modèle pour les habitants.

Un service qui peut orienter les habitants vers toutes les aides auxquelles ils ont droit, une véritable jungle pour certains ?

Il y a les aides financières d’un côté, mais je pense surtout à une aide logistique. Ce sont des questions que beaucoup se posent et c’est la même chose pour le logement, on ne sait pas toujours ce que l’on peut construire. Un certain nombre de communes ont déjà mis en place des services logement, justement pour guider les gens et cela doit être mis en place dans les communes où c’est possible.

Justement, en matière de logement, vous dites « construisons et vite sur les terrains disponibles ». Quelle est votre solution pour y parvenir ?

Pour le logement, nous avons une idée que l’on développe dans notre programme électoral au niveau national et qui consiste à raccourcir les délais. Si au bout d’un certain temps, les autorisations ne sont pas délivrées, l’État donne un accord tacite. Il faut se débarrasser de toute cette lenteur administrative, véritable frein au développement du logement dans le pays.

Les communes doivent-elles devenir des promoteurs immobiliers ? 

Ce n’est pas leur métier de base, mais les instances publiques ont un rôle important à jouer. Il faut un équilibre entre les logements créés par le secteur public et le secteur privé. Il faut miser sur les promoteurs privés pour travailler avec le public. Actuellement, alors que l’on traverse une crise de la construction, c’est le moment de mobiliser les terrains dont disposent l’État et les communes et de laisser le secteur privé construire les logements en plus des projets du Fonds du logement et de la Société nationale des habitations à bon marché (SNHBM).

Attendez-vous des effets positifs du nouveau Pacte logement ?

Je pense que cette approche du Pacte logement 2.0 est la bonne. À côté du premier marché de l’immobilier, il nous faut des logements abordables dont la part qui leur est réservée dans ce pacte est un élément important. En principe, si le promoteur accorde 10 ou 20 % de ses logements à la main publique, selon le plan d’aménagement particulier, il peut construire plus haut, donc tout le monde y gagne.

Vous affectionnez les espaces partagés, les shared spaces. C’est pourtant une commune libérale, Bertrange, qui a inauguré ce dispositif au Luxembourg, mais peu l’ont suivi…

Comme à Bertrange, il faut associer les habitants dans la discussion. Ce n’est pas quelque chose que l’on met en place en prenant une décision en haut lieu, c’est au contraire un processus participatif qu’il faut suivre. Cela demande du temps et d’autres communes commencent à aménager des espaces partagés. C’est un moyen de responsabiliser chaque utilisateur de la voie publique, les piétons, les automobilistes et les cyclistes pour que chacun veille sur l’autre. J’aimerais beaucoup le faire à Echternach.

«Au final, on a été très gâtés et on est satisfaits de la qualité des candidats.» (Photos : hervé montaigu)

Vous alertez sur le manque de bénévoles pour faire vivre les associations, incontournable moyen d’intégration pour les communes. Comment motiver les bénévoles ?

Cela devient de plus en plus compliqué pour les associations et clubs sportifs. Beaucoup de personnes plus âgées ne sont plus revenues après la pandémie. Je pense notamment aux harmonies locales dont les membres sont vieillissants. À Echternach, nous avons encore 30 membres contre 60 avant la pandémie. Les communes ont aussi leur rôle à jouer pour encourager la population à participer à la vie associative. On peut le faire en organisant des journées de promotion des clubs locaux. Il y a aussi une offre abondante et les écoles peuvent aussi inciter les élèves à s’inscrire dans un club, et les parents à les encadrer. Trop souvent, les parents placent les enfants dans un club et reviennent les chercher deux heures plus tard comme si c’était une garderie. Les communes devraient les encourager et, sans les rémunérer, leur offrir des entrées à des évènements sportifs ou culturels, des cadeaux de ce genre. On constate tous que les bénévoles manquent à l’appel, alors il faut trouver des idées pour les inciter à venir s’occuper quelques heures par semaine dans une association. Dans le même ordre d’idées, il faut guider les nouveaux arrivants vers les associations de la commune.

En parlant d’intégration, les étrangers ne se sont pas rués sur leur droit de vote. Que leur dites-vous quand vous les croisez ? Est-ce lassant à la longue de vouloir à tout prix les intégrer ?

J’ai l’impression que ceux que je vois sont tous inscrits ou alors ils ne me le disent pas. Beaucoup d’étrangers sont aussi devenus luxembourgeois ces dernières années. Et non, il ne faut jamais être fatigué de vouloir l’intégration. On doit continuer encore et toujours. Ce n’est pas une obligation pour les étrangers de voter, mais on se doit de les encourager à le faire. De notre côté, on a essayé d’avoir des petites campagnes spécifiques. Le résultat n’est pas celui que nous espérions, mais notre travail ne sera pas terminé après les élections.

Concernant la sécurité, thème délicat, comment avez-vous décidé de l’aborder ?

On peut parler de sécurité dans beaucoup de domaines que l’on soit en milieu rural ou urbain. À Luxembourg, on parle de la sécurité des citoyens et il y a un constat que personne ne peut nier : certaines personnes ont peur de circuler dans certains quartiers. Il est donc normal que la commune veuille réagir. S’il n’y a pas assez de policiers qui circulent, des patrouilles privées sont là pour rassurer les habitants. Au niveau national, il faut plus de policiers, car les sociétés de gardiennage ne sont pas là pour les remplacer. À part cet aspect-là, je pense à la sécurité des usagers de nos routes. Il faut sécuriser les passages piétons, éclairer les zones sombres, par exemple.

Que pensez-vous de l’opposition entre la bourgmestre de Luxembourg, Lydie Polfer, et la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, dans le dossier de la mendicité ?

Ce qui a été fait à Luxembourg, c’est-à-dire l’interdiction de la mendicité, existe déjà depuis plusieurs années à Diekirch et à Dudelange, par exemple. Si cela a été autorisé ailleurs, pourquoi s’y opposer à Luxembourg? La décision a été prise d’introduire un recours, il faut donc attendre le jugement qui en sortira. Dans ce dossier, il y a l’aspect juridique, car il faut agir contre la mendicité organisée qui est très visible dans la ville, je le vois tous les jours depuis mon bureau situé Grand-Rue. Ce phénomène n’est pas assez réprimé et il prend de l’ampleur. Il y a un travail social qui est organisé avec nos street workers pour aider les sans-abri et faire un travail préventif. La ministre Corinne Cahen a fait un recensement des personnes à la rue pour avoir une vue d’ensemble et organiser les aides sociales qu’on peut mettre en place pour les aider.

La bataille pour la capitale est bien engagée et au sein même du DP, la concurrence entre Lydie Polfer et Corinne Cahen alimente les potins. Cela vous agace ?

(Elle sourit) Clairement non, cela signifie que l’on a des candidats très performants. Je vois ça d’un côté positif, parce que l’on discute de la possibilité de plusieurs vainqueurs dont Lydie Polfer et Corinne Cahen à côté de Patrick Goldschmidt, cotête de liste.

Que se passera-t-il au soir du 11 juin ? Quels sont vos arrangements ?

D’abord, nous allons attendre que les électeurs s’expriment et après notre équipe décidera de l’avenir. Il faudra trouver un partenaire de coalition, cela ne se fait pas tout seul et on regardera le résultat de nos candidats. Comme l’équipe est bonne, il y a plusieurs possibilités.

Repères

Députée. Carole Hartmann, née le 3 juin 1987, a été élue à la Chambre des députés pour la première fois en 2018.

Conseillère. Elle succède à son père, André Hartmann, au conseil communal d’Echternach en 2018. Aux élections communales de 2017, elle était sortie deuxième derrière son paternel.

Avocate. Juriste de formation, la jeune avocate travaille depuis 2013 dans une étude de contentieux à Luxembourg. En 2013, également, elle s’est présentée pour la première fois aux élections législatives.

Secrétaire générale. Lors du congrès du 12 juin 2022, Carole Hartmann a été élue nouvelle secrétaire générale du DP. Elle préside également le district est du DP

Sportive. Comme son père, Carole Hartmann est une ancienne joueuse nationale de tennis de table, et a représenté le Luxembourg à de nombreuses compétitions internationales.

Un commentaire

  1. Armand Jaminet

    Pour info au journaliste Geneviève Montaigu:
    Depuis une année Madame Carole Hartmann n‘est plus présidente du district ( région) Est du PD..L‘échevin Ben Riesc de Junglinster occupe ce poste.

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