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Romain Wolff (CGFP) : «C’est le moment de revendiquer une revalorisation des traitements»


«Je doute que la réduction des taux de TVA provoquera une baisse réelle des prix. Cette mesure ne va donc pas forcément contribuer à tacler l’inflation», énonce Romain Wolff. (Photos : julien garroy)

Romain Wolff, le président de la CGFP, lance les tractations. Après deux années sans révision à la hausse de l’accord salarial, le syndicat de la fonction publique s’attend à obtenir, encore avant les prochaines législatives, une majoration «raisonnable» des traitements.

La tripartite à peine évacuée, la CGFP s’apprête à solliciter le gouvernement sur un autre front. Après s’être montré solidaire lors de la crise sanitaire, le syndicat de la fonction publique va entamer les prochaines négociations salariales avec l’objectif d’obtenir une revalorisation du point indiciaire. «Nos revendications ne vont toutefois pas se limiter au volet financier. L’intention sera aussi de rendre la fonction publique plus attrayante», annonce Romain Wolff. Le président syndical dit rester également attentif à l’évolution de l’inflation et des finances publiques. En outre, la CGFP compte défendre bec et ongles la liberté syndicale.

Le dernier accord tripartite a été signé le 28 septembre. Avec le recul, restez-vous confiant sur le fait que les mesures prises seront suffisantes pour tacler l’inflation galopante?

Romain Wolff : Il est difficile d’être affirmatif. La pandémie n’est toujours pas complètement évacuée. Des incertitudes persistent. Nous sommes confrontés à la guerre en Ukraine où des gens meurent au jour le jour. C’est très grave. Nous continuons aussi de subir les conséquences de cette guerre.

Et une fin n’est pas en vue. Les deux tripartites se sont imposées au vu de la perte du pouvoir d’achat des gens qui ne cesse de s’accentuer. L’inflation est la principale cause de ce phénomène. Elle ne se limite toutefois pas à l’énergie, mais aussi à d’autres domaines tels que l’alimentation. À nos yeux, les mesures prises sont les bonnes.

Pour quelles raisons?

Le paquet tripartite vise clairement à tacler l’inflation, ce qui est primordial. Les décisions concernent entre autres le plafonnement, le gel et le subventionnement des prix de l’énergie. Le maintien intégral du mécanisme de l’indexation nous satisfait également. L’adaptation du barème d’imposition à l’inflation a, par contre, été mise entre parenthèses. Le barème actuel a pour effet que les classes moyennes génèrent un important surplus de recettes fiscales, alors que cette frange de la population est lourdement impactée par la crise.

L’opposition parlementaire juge que ce surplus de recettes représente une marge nécessaire pour mener à bien la réforme fiscale que vous revendiquez également. À juste titre?

Il serait très intéressant de voir quelle est l’évolution des finances publiques. Les derniers chiffres dont on dispose datent de fin août. Concernant l’administration centrale, le projet du budget initial misait sur un déficit de 1,6 milliard d’euros pour fin 2022 par rapport à un surplus de 969 millions d’euros fin août 2022. En amont de la tripartite, le gouvernement nous avait assuré que nous serions tenus au courant de l’évolution de la situation financière de l’État, mais nous n’avons plus rien entendu depuis deux mois. L’autre donnée clé est l’évolution de l’inflation. On devrait en savoir plus la semaine prochaine (NDLR : l’entretien a été réalisé jeudi dernier).

L’objectif de ramener l’inflation grâce au paquet tripartite à 2,8 %, comme le prédit le Statec, est-il réaliste?

Les prix du gaz pour les ménages ont d’ores et déjà été plafonnés. De l’autre côté, une large panoplie de prix reste à la hausse. Le paquet comprend aussi une baisse de la TVA. Au vu de mon expérience professionnelle à l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, je doute que la réduction des taux provoquera une baisse réelle des prix. Cette mesure ne va donc pas forcément contribuer à tacler l’inflation. On verra plus clair (cette) semaine, si l’on se dirige vers les 2,8 % pronostiqués ou si l’inflation stagne, voire repart à la hausse.

L’inflation est étroitement liée au déclenchement de tranches indiciaires. La Chambre de commerce se dit convaincue qu’une troisième tranche, une de plus que prévu dans l’accord tripartite, sera due en 2023. Partagez-vous cette analyse?

Nous avons procédé à notre propre analyse de la situation. Si l’inflation continuait à tourner autour des 7 %, il devient réaliste qu’une tranche supplémentaire tombera mi-2023. Je préférerais que ce scénario ne se produise pas, mais il est assez probable que la tripartite doive à nouveau se réunir avant l’été prochain.

On ne se mêle pas des affaires de l’OGBL et nous attendons qu’il fasse de même avec les nôtres

L’annonce que l’État financerait une éventuelle troisième tranche risque de peser lourdement sur les finances publiques. Le camp syndical peut-il accepter que le contribuable doive payer cette tranche indiciaire au patronat?

Le gouvernement a pris cet engagement pour convaincre le patronat de signer l’accord tripartite. En tant que CGFP, nous ne remettons pas en cause cette décision. On est toutefois conscients que plus tôt tombera cette tranche supplémentaire, plus importante sera la charge financière pour l’État. Mais le problème majeur demeure qu’en l’état actuel des choses, on ne peut pas faire des prévisions fiables.

De nouvelles tractations s’annoncent désormais. Dans la dernière édition du journal syndical Fonction publique, la CGFP réclame une augmentation du point indiciaire servant de base pour le calcul du traitement d’un fonctionnaire. Comment justifiez-vous cette revendication?

Le dernier accord salarial portant sur deux ans vient à échéance au 31 décembre. Nous ne mettons cependant pas un chiffre précis sur la table. Il nous faut encore faire la synthèse des consultations menées avec le comité fédéral. C’est le moment de revendiquer une revalorisation des traitements. La fonction publique s’est montrée solidaire pendant les deux années de pandémie. Lors du dernier accord salarial, la CGFP a renoncé à une augmentation du point indiciaire. Cette fois, la donne est différente.

Le prochain accord salarial a-t-il déjà été évoqué lors des négociations de la tripartite?

Non, mais notre ministre de tutelle, Marc Hansen, est au courant que nous visons une telle revalorisation. La tripartite doit être strictement séparée des négociations salariales pour la fonction publique. La CGFP ne se mêle pas non plus des négociations de conventions collectives dans le privé. Nous partons d’ailleurs du principe que ce prochain accord sera signé uniquement avec la CGFP, qui reste le seul syndicat représentatif sur le plan national de la fonction publique.

Vous faites allusion à la récente revendication de l’OGBL pour être associé aux négociations à venir. Un front syndical commun n’est donc pas une option?

On ne se mêle pas de leurs affaires et nous attendons qu’ils fassent de même avec les nôtres. En toute objectivité, il faut constater que la représentativité nationale à l’échelle de la fonction publique repose sur le résultat des élections sociales. La CGFP a décroché 21 des 22 sièges à la Chambre des fonctionnaires et employés publics (CHFEP) qui sont réservés à l’État. La volonté électorale indique clairement que la CGFP est assise à la table des négociations, et personne d’autre.

Un accord doit-il intervenir avant les législatives d’octobre 2023?

Je répondrai par l’affirmative, car les législatives n’auront lieu que dans un an. L’accord salarial en vigueur vient à échéance en décembre. Habituellement, nous remettons notre catalogue de revendications avant la fin de l’année. Il est réaliste que ce soit encore le cas. On ne va néanmoins pas mener les négociations sur la place publique. L’objectif est de dégager un accord avec le ministre Marc Hansen.

Estimez-vous que la marge existe pour obtenir une revalorisation des traitements?

Le coût dépendra fortement de ce qui sera décidé. Nous n’avons pas encore mis de chiffres sur la table. On sait néanmoins que le pouvoir d’achat diminue. On sait aussi que les fonctionnaires et employés publics ont fait un très bon travail pendant la pandémie. Il ne suffit plus de les applaudir. Nos revendications ne vont toutefois pas se limiter au volet financier.

L’intention sera aussi de rendre plus attrayante la fonction publique. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons négocié l’accord tacite sur la réglementation du télétravail dans notre secteur. La crise sanitaire est venue démontrer l’importance d’un État qui fonctionne bien. Cela nous a probablement permis de mieux gérer la pandémie que d’autres pays.

Et puis, il suffit de regarder autour de soi. En Allemagne, une revalorisation des traitements de 10 % et plus est revendiquée. Certes, ils n’ont pas d’index. Vous pouvez néanmoins être assuré que nous allons émettre des revendications raisonnables.

Le budget de l’État 2023 est qualifié de budget de crise. La ministre des Finances se refuse à tout harakiri. En attendant l’avis détaillé de la CHFEP, quelle est dans les grandes lignes votre analyse du projet de budget?

Plusieurs éléments sont à saluer. Je citerai le niveau élevé des investissements. Il a aussi été annoncé la création de 1 400 nouveaux postes auprès de l’État. Reste à savoir s’il s’agira de remplacements de personnes partant à la retraite ou d’une hausse nette. Une autre question importante est de savoir si tous ces nouveaux postes vont pouvoir être occupés. En outre, le problème du logement va continuer à nous préoccuper. Beaucoup de personnes ne peuvent plus se loger dignement. Les prix ne tendent pas à la baisse. S’y ajoute désormais la hausse des taux d’intérêt, rendant l’obtention d’un prêt immobilier plus compliquée.

La tripartite doit être strictement séparée des négociations salariales pour la fonction publique. La CGFP ne se mêle pas non plus des négociations de conventions collectives dans le privé. Photos : julien garroy

Ces soucis existent-ils aussi pour les fonctionnaires, dont les traitements sont considérés bien plus importants que dans le secteur privé?

Un grand nombre de personnes qui travaillent pour l’État ou les communes font partie intégrante de la classe moyenne. En abordant la tripartite, le camp syndical, mais aussi le gouvernement, étaient d’accord sur le besoin de prendre des mesures pour soulager également cette frange de la population. Il est clair que les personnes en début de carrière sont davantage impactées, mais les difficultés touchent désormais aussi de plus en plus de personnes se situant plus haut sur l’échelle. On s’était donc attendus à plus d’annonces pour faire baisser la charge fiscale des personnes physiques. Il semblerait que des mesures fiscales supplémentaires pourraient être prises à la sortie du prochain printemps. Nous les attendons de pied ferme.

La dette publique se rapproche du seuil fixé à 30 % du PIB. Le pays peut-il supporter de contracter des emprunts supplémentaires sans encourir le risque de perdre son triple AAA, jugé essentiel par le gouvernement?

Nous soutenons toute dette publique qui est contractée pour réaliser des projets qui sont au bénéfice des générations futures. Je ne vais cependant pas me prononcer sur le seuil de 30 %. Le gouvernement s’est accordé sur ce taux. Au sein même de la coalition, les avis divergent. J’ajouterai toutefois que beaucoup de responsables politiques ont tendance à perdre le contact avec les citoyens. Il serait important qu’ils se rapprochent à nouveau d’eux pour mieux se rendre compte des soucis qui les préoccupent.

La liberté syndicale est aujourd’hui menacée, estime le syndicat de la police SNPGL. Vous-même avez fait part de votre ras-le-bol. Les pressions exercées par les supérieurs se sont-elles vraiment accentuées à ce point?

La liberté syndicale est d’une importance cruciale. Comment faire le travail de syndicaliste sans disposer de cette liberté? Il faut différencier si vous vous prononcez en tant que syndicaliste ou en tant qu’agent public dans le cadre d’une administration. En tant que syndicaliste, vous pouvez dénoncer plus clairement les problèmes qui se présentent. Mais il ne suffit pas de pouvoir se prononcer, il faut aussi disposer de la sécurité nécessaire pour accomplir sa mission de syndicaliste. Même si un supérieur se sent offensé, il doit être assuré que le syndicaliste ne puisse pas être écarté ou sanctionné. Lors des négociations salariales à venir, nous allons clairement réclamer une meilleure protection pour les syndicalistes.

Repères

État civil. Romain Wolff est né le 14 mars 1961 (61 ans). Il est marié et père de deux enfants.

Formation. Il a fréquenté le lycée de garçons à Luxembourg-Limpertsberg.

Carrière professionnelle. Romain Wolff entre à l’administration de l’Enregistrement et des Domaines en 1982. Il y exercera ses fonctions à temps plein jusqu’en 2002, mais y restera jusqu’en 2005. Il était notamment en charge de la lutte antifraude à la TVA.

CGFP et CESI. Il devient vice-président de la Confédération générale de la fonction publique en 2002. En 2005, il prend la fonction de secrétaire général avant d’être élu, en 2016, président fédéral de la CGFP. Parallèlement, Romain Wolff est, depuis 2012, président de la Confédération européenne des syndicats indépendants (CESI).

CHFEP. Le 29 juin 2015, Romain Wolff devient président de la Chambre des fonctionnaires et employés publics (CHFEP). Il en était vice-président depuis 2010.

Un commentaire

  1. Ben voyons, l’Europe est en pleine déconfiture, on se dirige vers une dépression de grande ampleur, résultat des décisions toujours plus stupides de l’UE et vous ne pensez qu’à augmenter vos salaires déjà fort élevés?
    Un peu de décence, s’il vous plait.

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