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Le racisme progresse, les circonstances s’aggravent


Manifestation contre la haine, le racisme et le populisme en janvier 2020. Depuis, la situation ne s’est pas améliorée, selon le ministère de la Justice.  (photo archives LQ/Tania Feller)

Une nouvelle circonstance aggravante sera introduite dans le code pénal, celle liée à une motivation raciste, homophobe ou transphobe, entre autres, valable pour toute infraction de droit commun.

Le code pénal luxembourgeois ne connaît pas la circonstance aggravante pour les crimes et délit commis en raison d’une caractéristique particulière liée à la victime. Il peut s’agir, entre autres, de l’origine, la couleur de la peau, le sexe, l’orientation sexuelle, la situation de famille, l’âge, le handicap, les mœurs, les opinions politiques ou philosophiques, les activités syndicales, l’appartenance ou non à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Le texte actuellement examiné par les députés en commission comble une lacune qu’avaient pointée les instances du Conseil de l’Europe dans un rapport de 2016. Elles recommandaient au gouvernement «de prévoir expressément que la motivation raciste et homo/transphobe constitue une circonstance aggravante pour toute infraction de droit commun». Le projet de loi, qui comporte un seul article, dispose que quiconque aura commis un crime ou un délit en raison d’une ou plusieurs des caractéristiques visées risquera un doublement de la peine maximale.

Rien n’avait encore été entrepris dans ce sens, sinon des adaptations ponctuelles pour transposer une décision-cadre de la Commission européenne datant de 2008, dans le domaine de la lutte contre le racisme et la xénophobie. Le Luxembourg n’avait pas retenu, pour autant, l’infraction de crime de haine et estimait alors inopportun d’introduire dans le code pénal une circonstance aggravante généralisée, fondée sur la motivation raciste et xénophobe.

Les incitations à la haine et à la violence progressent

Ce qui n’empêche pas le juge de prendre cette circonstance en considération dans son jugement, comme l’expliquait le gouvernement à l’époque, alors que le Luxembourg était l’un des seuls États membres à n’avoir pas introduit de disposition spéciale dans son code pénal.

Pourquoi instaurer une circonstance aggravante aujourd’hui ? Parce que les incitations à la haine et à la violence progressent, comme le soulignent les auteurs du projet de loi dans l’exposé des motifs. Selon le rapport d’activité de 2020 du ministère de la Justice, 183 affaires d’incitation à la haine ont été enregistrées, dont 77 ont donné lieu à une enquête préliminaire et 15 ont abouti à un jugement.

«Il est toutefois regrettable qu’aucune indication ne soit donnée sur les peines appliquées, respectivement sur les condamnations prononcées», avise le Centre pour l’égalité de traitement. Il aurait souhaité pouvoir comparer avec les années précédentes pour «saisir l’ampleur du phénomène et son évolution dans le temps». Malheureusement, le manque de données statistiques par rapport aux crimes de haine a aussi été souligné par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Le Conseil de l’ordre des avocats est du même avis et il dit ignorer, d’ailleurs, si les juridictions pénales prennent actuellement effectivement en compte la motivation discriminatoire d’une infraction dans l’appréciation des peines.

La qualité de la victime

Quoi qu’il en soit, les auteurs du texte en examen estiment que cette circonstance aggravante générale s’impose aujourd’hui «pour sensibiliser le grand public et le conduire à la conscience nécessaire que les crimes de haine sont des crimes identitaires» ou des crimes «de message», de ceux qui humilient la victime.

Jusqu’à présent, les circonstances aggravantes sont reconnues en cas de danger supplémentaire pour la société, si l’auteur de l’infraction fait preuve de perversité ou s’il a déjà des antécédents judiciaires, si sa qualité ou son statut ajoutent à la gravité de l’infraction. Une nouvelle catégorie serait créée, à savoir la qualité de la victime.

Le parquet général comprend bien qu’il s’agit là d’une circonstance aggravante générale qui s’applique à tous les crimes et délits. Dès lors, les infractions existantes en matière de racisme et de révisionnisme peuvent également être doublées en appliquant cette nouvelle circonstance aggravante. Il y a déjà doublon avec cet exemple cité par le parquet. Les députés ont corrigé le tir par amendement.

Le gouvernement, qui n’avait pas compté les contraventions à côté des crimes et délits, a réparé aussi son erreur par un amendement. Pour les auteurs, ces «comportements quotidiens (…) ne doivent pas échapper à l’aggravation».

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