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L’ADR en campagne : «Il faudrait mettre en œuvre la comparution immédiate»


«Il nous faut réagir, aussi, pour améliorer le sentiment de sécurité.» Photo : Alain Rischard

Très à cheval sur la sécurité intérieure, l’ADR du président Fred Keup ne soutient pas les plans du CSV visant à créer un nouveau corps de police. Le parti réformateur prône d’autres alternatives, dont la comparution immédiate.

Le programme-cadre de l’ADR pour les élections communales comprend 100 points, avec comme priorités la sécurité et l’intégration, mais également la participation citoyenne, le logement, la famille et la qualité de vie. «Il s’agit de sujets qui identifient très bien l’ADR. La lutte contre la criminalité, le maintien de la famille ou encore l’intégration par la langue luxembourgeoise sont des thèmes que nous défendons aussi à l’échelle nationale», commente Fred Keup, le président du parti réformateur.

À trois semaines du premier scrutin de l’année, celui qui est également tête de liste pour les législatives du 8 octobre développe les revendications de l’ADR. Un renforcement global du parti, surtout aux élections nationales, est l’objectif recherché.

Thème phare de votre parti, la sécurité intérieure prend de l’ampleur dans la campagne pour le scrutin du 11 juin. S’agit-il selon vous d’une problématique généralisée ou est-ce qu’elle se limite à certaines communes?

Fred Keup : Il s’agit bien d’un problème général. La criminalité qui préoccupe le plus les gens, à savoir les agressions et cambriolages, connaît une hausse globale à travers le Luxembourg. Il est clair qu’une ville comme Luxembourg est plus touchée que d’autres, notamment en ce qui concerne les vols à l’arraché. Le même constat est à dresser pour d’autres communes de plus grande taille.

La sécurité demeure néanmoins une problématique qui touche l’ensemble du pays. La thématique a une forte connotation nationale. On constate que beaucoup de gens hésitent aujourd’hui à ne plus sortir dans la rue à certaines heures, par exemple dans la capitale. Tout le monde est concerné.

Quelles sont les solutions que l’ADR préconise pour combattre ce phénomène?

Des leviers sont à activer à la fois sur les plans national et local. Les deux s’entrecoupent d’ailleurs. À l’échelle des communes, on peut agir beaucoup, de prime abord, en dénonçant les choses. Le bourgmestre doit avoir le courage de reconnaître qu’un problème existe. Malheureusement, ils sont nombreux à ne pas le faire et préfèrent embellir la situation.

Or il nous faut réagir, aussi, pour améliorer le sentiment de sécurité. Il faut prendre le problème au sérieux. S’il n’existe pas d’autre solution, comme c’est le cas à Luxembourg, la commune doit pouvoir recourir à des agents de sécurité privés. Une idée serait également de déployer davantage d’agents municipaux pour marquer une présence sur le terrain.

Une autre de vos revendications est le renforcement de la vidéosurveillance. À Luxembourg, mais aussi dans d’autres communes du pays?

En soi, les caméras de surveillance sont un outil que l’on ne cautionne pas vraiment. Il est triste de se retrouver dans une situation où notre parti se doit de revendiquer une vidéosurveillance renforcée. La sécurité nous importe beaucoup. Et s’il n’existe plus d’autre moyen, dans une situation où les gens, en l’absence de caméras, ont peur de se balader dans le parc, il faut bien y recourir. C’est triste comme constat.

Le CSV plaide pour la création d’une police communale afin de renforcer la sécurité sur le plan local. S’agit-il d’une idée que l’ADR est prête à supporter?

Non, on n’est pas forcément favorable à un tel corps. Par le passé, on a eu la séparation entre gendarmerie et police. Il importe peu que ce soient des agents de la police nationale ou d’une police communale qui soient disponibles. Je ne vois pas de véritable plus-value à créer une police communale. Cela risque encore de compliquer les choses. Nous saluons d’ailleurs le fait que les effectifs de la police soient enfin renforcés après de longues années de manquements. Le plus important est que davantage de policiers soient présents sur le terrain.

Mercredi dernier, la ministre de l’Intérieur a accordé une fin de non-recevoir à l’interdiction généralisée de la mendicité, intentée par la Ville de Luxembourg. La décision des édiles est motivée par un problème de sécurité. Comment jugez-vous ce dossier?

Je tiens à préciser d’abord qu’on ne peut plus parler de sentiment d’insécurité, mais bien d’une insécurité qui est réelle. Les chiffres le démontrent clairement. Pour ce qui est de l’interdiction de la mendicité, j’estime qu’il s’agit d’un écran de fumée. Les mendiants qui sont assis tranquillement dans la rue peuvent être dérangeants, mais ce ne sont pas eux qui agressent les gens.

À nos yeux, il ne s’agit donc pas d’un problème majeur. Ce qui a le don de m’énerver, c’est que l’on se focalise soudainement sur ce phénomène secondaire, alors que nous sommes confrontés à un véritable problème lié aux agressions et cambriolages. Ceci dit, il existe bien des cas où des mendiants se montrent plus agressifs. Il faut anéantir ce genre de comportement, mais à la base, le grand problème n’est pas celui de faire la manche dans la rue.

Selon Fred Keup, l’interdiction de la mendicité à Luxembourg est un «écran de fumée». Photos : alain rischard

L’ADR plaide pour la tolérance zéro. Induisez-vous que la police et la justice ne se montrent pas assez sévères?

Parfois, nos autorités se montrent trop hésitantes. S’y ajoute le fait qu’on manque de moyens. Je citerais la situation catastrophique qui existe à l’Unité de sécurité pour jeunes délinquants à Dreiborn. Il faudrait aussi songer à mettre en œuvre la comparution immédiate. Cela éviterait les mois et années d’attente avant la tenue d’un procès.

Votre parti porte également beaucoup d’attention à l’intégration. Le problème de la criminalité n’est-il pas lié à celui d’un problème social, aussi à cause d’une intégration défaillante?

Pas forcément. Il existe des gens qui sont plus vulnérables socialement, d’autres ne sont pas bien intégrés. Cela ne veut cependant pas dire qu’ils deviennent des criminels. Il faut aussi savoir qu’une grande partie des délits qui sont commis sur le territoire de la Ville de Luxembourg sont l’œuvre de personnes non résidentes. Nous n’avons donc aucune influence sur leur situation sociale ou sur le travail de prévention. Dans ce contexte, seule la répression est efficace.

Dans le domaine du logement, vous plaidez pour que les communes créent non seulement davantage d’unités, mais qu’elles accordent la priorité à leurs citoyens pour l’attribution de ces habitations. S’agit-il d’une piste crédible pour s’attaquer à cette crise nationale?

Tout d’abord, le problème du logement ne pourra pas être résolu dans un délai de 100 jours, comme le clament certains politiciens ou spécialistes. Il faut être sincère. La demande est tout simplement trop forte par rapport à l’offre. Une concurrence acharnée se crée pour pouvoir se loger. En fait, le nombre de logements construits n’est pas si mal. Il faut néanmoins se poser la question suivante : pour qui construisons-nous?

Les communes devraient s’engager plus fortement pour offrir des logements aux citoyens qui ont un lien avec cette même commune. Cela permettrait aussi de constituer une plus-value pour le vivre-ensemble et la cohésion sociale. Il est dommageable que des gens bien intégrés dans une communauté se voient forcés à déménager faute de logement adéquat. Quelque chose se perd alors au sein du village.

Une autre revendication clé est le renforcement de la participation citoyenne dans les communes. La ministre de l’Intérieur a présenté le 11 mai ses plans pour justement ancrer l’implication plus étroite des citoyens dans le processus décisionnel. Êtes-vous satisfait de l’initiative du gouvernement sortant?

Je ne suis pas étonné qu’à l’approche des élections, la ministre de l’Intérieur découvre la participation citoyenne. Dans les faits, très peu de choses se sont passées à ce niveau lors des dernières années. Seules les communes de Sandweiler et Weiswampach ont organisé des référendums locaux. Les autres auraient pu le faire, mais ne l’ont pas fait. Les bourgmestres et leurs échevins posent un choix clair de consulter ou non leurs citoyens.

Nous sommes clairement en faveur d’intégrer davantage les habitants dans le processus décisionnel. Ils seraient ainsi plus impliqués dans la politique, avec, à la clé, davantage de transparence et d’informations. Pour l’instant, les grands projets sont décidés un peu au nez et à la barbe des habitants. J’ai même l’impression que certains bourgmestres préfèrent garder le plus longtemps possible le secret sur des projets d’envergure pour ne pas susciter la colère des gens. L’organisation de davantage de référendums est une nécessité absolue.

Vos concepts de mobilité tiennent à ne pas écarter la voiture des communes et quartiers d’habitation. En même temps, vous plaidez pour la protection de la nature. Ne s’agit-il pas d’une contradiction?

On retrouve ici une nette différence entre l’ADR et quasiment tous les autres partis. Eux mènent plutôt une politique où ils passent sous silence la voiture ou veulent carrément la bannir. Nous, on se montre plus réalistes en disant que la voiture a toujours une raison d’être dans les villes et communes. Beaucoup de gens continuent à être dépendants de leur véhicule.

Pour l’instant, les grands projets sont décidés un peu au nez et à la barbe des habitants

L’ADR aborde les communales avec 167 candidats et présente des listes complètes dans 11 communes. Êtes-vous satisfait du recrutement?

Notre parti n’est pas très fortement ancré dans les communes. Là où nous comptons des gens engagés, des listes ont été constituées. Une vingtaine de candidats se présentent dans les communes au suffrage majoritaire. Il est surtout important d’être présent dans les grandes communes. Et notre objectif est bien entendu de décrocher des sièges, même s’il est très compliqué de faire une estimation sur l’issue des deux scrutins à venir.

Ces derniers mois, vous avez affiché un grand optimisme quant aux chances de l’ADR de sortir renforcé des élections législatives. Vous sentez-vous vraiment capables de devenir un des grands gagnants du scrutin?

Il existe une tendance à plus long terme pour que l’ADR continue à gagner du terrain. On ne vise pas seulement l’échéance électorale de cette année. Je suis convaincu que l’on va clairement être renforcé à plus long terme. En octobre, nous visons au moins à obtenir cinq sièges pour regagner le statut de groupe parlementaire à part entière.

L’ambition d’intégrer une coalition est-elle réaliste, sachant que pratiquement tous les partis excluent de collaborer avec l’ADR, y compris le CSV, qui espère pouvoir former un gouvernement à deux partis?

Il est clair que nous aurons d’importantes difficultés à trouver un dénominateur commun avec certains partis, en priorité avec déi gréng. Le CSV peut bien rêver d’une coalition à deux partis, mais ce scénario ne va pas devenir une réalité. Nous ne sommes pas obligés d’intégrer un gouvernement. On peut tout aussi bien mener une politique d’opposition de qualité.

Notre rôle en tant que parti d’opposition est d’autant plus important que nous défendons des avis très différents. Même ceux qui ne nous sont pas favorables reconnaissent au moins que l’on contribue au débat politique. Sans nous, ce débat serait bien plus ennuyeux.

Le reproche d’être un parti d’extrême droite ressurgit souvent. Vous vous défendez corps et âme contre cette classification. Comment définissez-vous l’ADN de l’ADR?

S’il y a un mot qui caractérise notre parti, c’est bien « courage« . Avoir le courage de défendre nos positions qui sont contraires à celles défendues par d’autres partis. Je mentionnerai aussi le courage des gens qui sont prêts à s’engager à l’ADR. Il n’est pas toujours facile de défendre une position contraire à celles qui sont plus largement défendues, y compris dans les médias.

Pour le reste, j’invite tous ceux qui clament que l’on est d’extrême droite à nous livrer des exemples où c’est le cas. Ils n’en trouveront pas. Il s’agit tout simplement de tactiques employées par peur de perdre des voix face à l’ADR.

«J’invite tous ceux qui clament que l’on est d’extrême droite à nous livrer des exemples où c’est le cas. Ils n’en trouveront pas», se défend Fred Keup.

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