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Turquie: Erdogan, stop ou encore


Les 49,5% de voix que M. Erdogan a recueillies au premier tour le 14 mai ont témoigné du large soutien que lui accorde une majorité conservatrice. (Photo : AFP)

La Turquie est rappelée aux urnes dimanche pour clore ou prolonger l’ère Erdogan qui entamera, en cas de victoire, un nouveau mandat de cinq ans après deux décennies au pouvoir.

Recep Tayyip Erdogan, qui termine son second mandat présidentiel, aborde ce second tour inédit en position de favori, face au social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu. Pour Emir Bilgin, 24 ans, employé du textile qui vote dans le quartier populaire de Kasimpasa, là où est né et a grandi M. Erdogan, c’est une évidence: « Je vais voter Erdogan, il n’y a personne d’autre que lui », assure le jeune homme. « Je ne peux pas voter pour les terroristes ».

En revanche, dans le quartier résidentiel de Sisli, Ersin Avci, un vendeur de 32 ans venu parmi les premiers, espère « un miracle toujours possible » et la victoire de la vaste alliance présentée par l’opposition.

Des files d’électeurs se sont formées avant même l’ouverture des bureaux à 8H00 (5H00 GMT) malgré la pluie qui s’abat, comme dans le quartier conservateur d’Usküdar sur la rive asiatique d’Istanbul où le chef de l’Etat doit voter à la mi-journée, ont constaté les journalistes de l’AFP. M. Kiliçdaroglu devait lui voter en fin de matinée à Ankara, la capitale.

La présence des observateurs déployés par l’opposition est particulièrement notable, celle-ci ayant prévu « cinq observateurs par urne », soit un million de personnes au total pour surveiller le scrutin.

A Ankara, Mehmet Emin Ayaz, chef d’entreprise de 64 ans, estime « important de conserver ce qui a été acquis au cours des vingt dernières années en Turquie » sous l’ère Erdogan. A l’opposé, pour Aysen Gunday, retraitée de 61 ans, « ces élections sont un référendum » et elle a choisi Kemal Kiliçdaroglu.

Deux visions

Deux visions du pays, de la société et de la gouvernance s’offrent aux 60 millions d’électeurs de Turquie (la diaspora a déjà voté) appelés aux urnes dimanche. La stabilité au risque de l’autocratie avec l’hyper-président sortant, islamo-conservateur de 69 ans; ou le retour à une démocratie apaisée, selon ses termes, avec son adversaire, un ancien fonctionnaire de 74 ans.

Les 49,5% de voix que M. Erdogan, ancien maire d’Istanbul et musulman dévot, a recueillies au premier tour le 14 mai ont témoigné du large soutien que lui accorde, malgré l’inflation, une majorité conservatrice. Y compris dans les zones dévastées par le séisme du 6 février qui a fait au moins 50.000 morts et trois millions de déplacés.

Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, le « demokrat dede » – le papy démocrate – comme se présente cet économiste de formation aux cheveux blancs et fines lunettes, n’a pas su capitaliser sur la grave crise économique qui plombe les ménages turcs et la jeunesse. Président du CHP – le parti de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la république, il a promis le « retour du printemps » et du régime parlementaire, de l’indépendance de la justice et de la presse.

« Nous voulons la démocratie, la justice, le retour aux anciennes institutions, l’éducation, tout ça a été démoli. On espère très fort que ce retour arrivera « , estime à Istanbul Zehra Edost, retraitée de 77 ans.

Mais Kemal Kiliçdaroglu, avec 45% de suffrages au premier tour, fait figure d’outsider: malgré le soutien réitéré du HDP pro-kurde, il est crédité dans les sondages de cinq points de retard sur le chef de l’Etat qui bénéficie déjà d’une majorité au parlement issue des législatives du 14 mai. « Veuillez utiliser votre droit de vote », a rappelé dimanche sur Twitter, depuis sa cellule, Selahattin Demirtas, figure de proue du principal parti pro-kurde HDP.

Confiance

Atone après le premier tour, comme sidéré de n’avoir pas remporté la victoire que son camp pensait acquise, Kemal Kiliçdaroglu a resurgi après quatre jours, plus offensif et moins souriant que l’humble « Monsieur tout le monde » de son début de campagne.

Faute d’accès aux grands médias et surtout aux chaînes de télévision officielles, dédiées à la campagne du président, il a bataillé sur Twitter quand ses partisans tentaient de remobiliser les électeurs par du porte-à-porte dans les grandes villes. En jeu, les 8,3 millions d’inscrits qui ne se sont pas déplacés le 14 mai – malgré un taux de participation de 87%.

Face à cet homme discret d’obédience alévie – une branche de l’islam jugée hérétique par les sunnites ultra, Recep Tayyip Erdogan a multiplié les meetings, s’appuyant sur les transformations qu’il a su apporter au pays depuis son accession au pouvoir comme Premier ministre en 2003, puis comme président depuis 2014.

M. Erdogan, qui a déjà relevé par trois fois en un an le salaire minimum, a multiplié ses largesses de campagne, comme ces bourses gratuites promises in extremis aux étudiants en deuil après le séisme. La date de ce second tour intervient dix ans jour pour jour après le début des grandes manifestations de « Gezi » qui, d’Istanbul, se sont répandues dans tout le pays. Première vague de contestation anti-Erdogan, elles avaient été sévèrement réprimées.

Mais dimanche, le camp Erdogan affichait sa confiance assurant préparer le discours du président sortant, en soirée, depuis le palais présidentiel d’Ankara – et non le siège de son parti, l’AKP. A moins d’une surprise, les résultats sont attendus dès dimanche dans la soirée, et seront scrutés par les alliés de la Turquie, en particulier au sein de l’Otan.

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