L’état de siège

Des blocs de béton blanc antichars s’étendant à perte de vue et, juste derrière, des machines monstrueuses creusant d’immenses tranchées dans un vacarme assourdissant… La ligne de front entre la Russie et l’Ukraine se transforme. Les images sont surréalistes. Nous sommes au XXI^e siècle et, sous nos yeux, semble se préparer un affrontement datant d’il y a un siècle. Avec la même stratégie, la même férocité. L’hiver s’annonce long et sanglant dans l’est de l’Ukraine.

Que nous prépare encore Vladimir Poutine? Il ne sait plus comment faire baisser les yeux à un peuple qui lui tient tête et qui lui tiendra toujours tête même s’il réussit un jour à grignoter du terrain, voire à envahir des pans entiers de ce pays. Le tsar rêvait d’une victoire rapide. Mais le songe s’est évanoui dans les faubourgs de Kiev après quelques semaines de combats. Et il aura ensuite tout essayé pour tenter de garder la main : les bombardements, les massacres, les exactions… Rien n’y fait. Mais le maître du Kremlin a bien d’autres cordes à son arc et paraît feuilleter aujourd’hui le catalogue des atrocités possibles et imaginables pour s’assurer un joli défilé de la Victoire, avec lui sur un immense podium et des drapeaux claquant au vent.

Si la guerre de tranchées semble au programme ces prochains mois, il y a aussi une guerre de siège de la pire espèce qui se met en place. Il faut user la combativité des Ukrainiens. Plus d’électricité, plus de chauffage… Un hiver glacial va s’abattre sur les populations civiles. Le temps va être bien long jusqu’au printemps. Il va falloir encore aider et mobiliser pour venir en aide aux habitants, aux familles, piégés par cette stratégie. Après huit mois et demi de guerre, Moscou espère aussi que les alliés des Ukrainiens, c’est-à-dire nous, se lassent de la situation et commencent à détourner le regard ou à demander à Kiev de ne plus insister dans son combat pour son indépendance, sa survie. Poutine sait que le temps joue pour lui. Il lui suffit d’attendre. Il lui suffit d’espérer que ses appuis en Europe se fassent de plus en plus entendre pour saper un moral fragilisé par la crise. Ce conflit se joue aussi bien loin de l’Ukraine.