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Editorial – Pragmatisme spatial

Le fil d’Ariane n’a pas été rompu, hier, à Luxembourg, où les États membres de l’Agence spatiale européenne ont décidé de prolonger l’histoire d’une des plus belles réussites techniques de l’Europe, sa fusée Ariane et ses deux cents lancements réussis depuis quarante ans.

Ariane 6 décollera et continuera d’arracher à l’attraction terrestre des satellites depuis sa base de Kourou, en Guyane. Ainsi va la folle histoire de l’espace européen.

Après une phase de conquête acharnée, qui a vu les plus beaux rêves rivaliser avec les plus folles utopies, le ciel est devenu un bas enjeu commercial. Ariane 6 était nécessaire pour que l’Europe propose des tarifs de lancement au niveau de ceux de la société américaine SpaceX. Mais Ariane 6 n’est pas conçue pour accueillir des vols habités, encore moins pour aller sur Mars. L’heure n’est plus aux découvertes mais aux dividendes. Demain, Ariane 6 enverra, régulièrement, des satellites qui diffuseront des images en haute définition sur des téléviseurs dernier cri. Parfois, elle mettra sur orbite un satellite scientifique, ou un ravitailleur de la station spatiale internationale. Rarement, des missions Rosetta y débuteront leur folle aventure.

Le développement d’Ariane 6 est estimé à quatre milliards d’euros. Soit le quart du budget nécessaire pour envoyer un homme sur Mars, selon les estimations les plus optimistes. Mais quel est l’intérêt, aujourd’hui, de poser le pied sur la planète rouge? Trop d’incertitudes pèsent sur une mission aux retombées économiques nulles sur le court terme. Reste à espérer que ce nouveau jalon de la conquête spatiale ne soit pas oublié par l’Europe comme il a été abandonné par les États-Unis. Ou qu’une nation en manque de reconnaissance ne tente ce pari fou. Si le premier homme sur Mars devait être Indien ou Chinois, cela signifierait qu’Ariane n’aurait pas servi à l’y envoyer. Et que l’Europe, pionnière de la conquête spatiale, devra à nouveau compter sur des petits robots pour briller dans les étoiles.

De notre rédacteur en chef adjoint Christophe Chohin

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