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Young Thug, star du rap en procès pour crime organisé


Tatoué jusqu'au visage, il est connu pour son style psychédélique et flamboyant. Photo : AFP

Le rappeur Young Thug est-il membre d’un gang, son label musical sert-il de façade à des activités criminelles, et les paroles de ses chansons constituent-elles des preuves pouvant être retenues contre lui ? Le procès de cette figure du hip-hop contemporain, jugée avec 13 autres personnes, démarre lundi.

Young Thug, originaire d’Atlanta, et ses coaccusés, ont été inculpés au printemps dernier par un grand jury de l’État de Géorgie pour leur appartenance présumée à une branche du gang des « Bloods » identifiée comme « Young Slime Life », ou YSL. Des initiales qui correspondent à celles de son label fondé en 2016, Young Stoner Life Records.

Les quatorze protagonistes sont jugés pour association de malfaiteurs en vue d’extorsions de fonds. A l’appui de cette accusation: des faits présumés de meurtres, trafic de drogue, vols de voiture avec violence… Young Thug, lui, est jugé pour association de malfaiteurs et participation aux activités criminelles d’un gang de rue.

Son arrestation en mai a été un choc pour l’influente scène hip-hop d’Atlanta, dont le rappeur de 31 ans, qui a collaboré avec les plus grands noms du genre, est une figure.

Jeffery Williams, son vrai nom, a grandi dans les quartiers pauvres d’Atlanta. Comme 2 Chainz, il avait tapé dans l’œil de Gucci Mane, qui l’a signé en 2013. Ses single « Stoner » et « Danny Glover » lui ont ensuite apporté la célébrité.

Tatoué jusqu’au visage, il est connu pour son style psychédélique et flamboyant, et ses rimes teintées de craquements de voix en font l’un des meilleurs représentants du courant trap.

Preuves

L’affaire est aussi emblématique parce que les procureurs ont utilisé comme preuves des paroles de certaines chansons de Young Thug, celles d’un autre rappeur, Gunna — qui a plaidé coupable –, ainsi que les vers d’une chanson posthume de Juice WRLD, mort en 2019 d’une overdose.

« Si vous décidez d’admettre un crime sur un beat (un rythme de rap), je vais m’en servir », a assumé la procureure, Fani Willis.

Ce n’est pas la première fois que des vers de hip-hop atterrissent dans une salle d’audience. La défense, qui insiste sur le fait qu’YSL n’est rien d’autre qu’un label artistique, a cité comme témoin un spécialiste du sujet, le professeur à l’université de Richmond, Erik Nielson.

Dans son livre « Rap on trial : Race, Lyrics, and Guilt in America » (« Le rap en procès: race, paroles et culpabilité en Amérique », non-traduit) sorti en 2019, ce dernier indique que les tribunaux utilisent fréquemment cette méthode controversée: sortir des morceaux de textes artistiques de leur contexte pour appuyer des poursuites criminelles et condamner des rappeurs ou artistes en herbe, le plus souvent afro-américains.

« Avec une fréquence croissante et troublante, les procureurs tentent d’utiliser les paroles de rap comme des aveux », dénonce aussi une pétition lancée il y a quelques mois par Kevin Liles, le cofondateur du label musical 300 Entertainment, une filiale de Warner, dont YSL Records est une marque.

Premier amendement

« Ce n’est pas seulement une violation de la protection des libertés de parole et de création garanties par le Premier amendement (de la Constitution américaine, ndlr). Cela frappe des communautés déjà marginalisées et réduit au silence leurs histoires de famille, de lutte, de survie et de réussite », ajoute le texte.

La pétition, signée des dizaines de milliers de fois sur internet, demande que la loi limite, jusqu’au niveau fédéral, la capacité des procureurs à se servir d’une expression artistique comme preuve d’une activité ou d’une intention criminelle.

C’est déjà le cas en Californie, où le gouverneur Gavin Newsom a signé l’automne dernier une loi sur la décriminalisation de l’expression artistique, qui n’interdit pas complètement l’utilisation des paroles de chansons, mais leur confère une importance moindre.

Des textes similaires sont à l’étude dans les États de New York et du New Jersey, et les membres du Congrès Hank Johnson et Jamaal Bowman ont présenté l’été dernier une loi visant à protéger la liberté d’expression des artistes au titre du premier amendement.

« Le rap est par essence un discours politique : il peut être douloureux, déchirant, inconfortable, mais vital pour critiquer la société », soutient Brad Hoylman, un sénateur local qui a cosigné le projet dans l’Etat de New York. Selon lui, utiliser des paroles de chanson en procès pourrait « affaiblir la liberté d’expression » et « conduire à une erreur judiciaire ».

Sur les 28 personnes initialement nommées dans l’acte d’inculpation, 14 devraient se présenter au procès qui pourrait durer de six à neuf mois. Six seront jugées séparément et huit – dont Gunna et le frère de Young Thug, Quantavious Grier – ont conclu des accords de plaider-coupable.

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