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[LuxFilmFest] Jérémie Renier change de cadre


Mathieu (Jérémie Renier) quitte la vie qu’il subit pour se réfugier dans la forêt. Tour à tour, les membres de son entourage lui rendent visite.

Dans la comédie poétique Ailleurs si j’y suis, de François Pirot, présentée en sélection «Made in/with Luxembourg», Jérémie Renier met sa vie en pause et part vivre une expérience hors du commun… dans la forêt qui borde son jardin!

Dans les premières minutes d’Ailleurs si j’y suis, Mathieu visite la «cabane de jardin» de son pote, en réalité un camping-car que Stéphane rêve de redémarrer pour tailler la route «comme à l’époque». Dix ans se sont passés depuis Mobile Home, «road movie» immobile et poétique avec lequel le scénariste belge François Pirot faisait ses débuts de réalisateur, mais celui-ci continue de creuser la veine de personnages en crise à la recherche d’un monde meilleur.

«Il y a une forme de continuation avec Mobile Home, expliquait-il, lundi, en amont de l’avant-première de son nouveau long métrage au LuxFilmFest. Je voulais continuer à aborder ces personnages un peu à côté de la plaque, qui ont du mal à accepter ce qu’ils sont en train de devenir et qui sont tentés de prendre la fuite. Mais en explorant d’autres âges, d’autres sexes, bref, des personnages plus éloignés de moi.»

Au centre de ce film choral – ou plutôt, précise le réalisateur, ce «film à plusieurs personnages principaux» –, il y a Mathieu (Jérémie Renier), mari et père de famille au bord de la rupture, sursollicité à la fois par son patron (Jean-Luc Bideau) et son père malade (Jackie Berroyer). Un jour, alors qu’il aperçoit un cerf à l’orée des bois qui bordent son jardin, Mathieu suit l’animal jusque dans la forêt… et décide d’y rester, sans penser aux conséquences que son retrait de la vie aura sur son entourage. En riant, François Pirot résume que son protagoniste traverse «un burn-out, mais poétisé».

Tour à tour, les proches de Mathieu rendent visite à cet étrange Robinson et vont, eux aussi, remettre en cause leur existence : sa femme, Catherine (Suzanne Clément), nourrit le projet d’une expérience au sein d’une tribu amazonienne aux côtés de son amant prof de tai-chi, Stéphane ressort ses vêtements chauds et ses compilations de reggae en prévoyant son «road trip»…

Le film se déploie comme une fable – «le cerf, dans les contes traditionnels, marque le passage d’un monde à un autre», souligne le réalisateur – et François Pirot liste ses références littéraires : Le Lièvre de Vatanen, d’Arto Paasilinna, Le Baron perché de Calvino… On pense aussi à Alice au pays des merveilles ou, dans un autre registre, à Oblomov. «Mathieu est dans un état presque irréel.

Il part dans la forêt et n’a pas honte de ne rien faire. Pour autant, il ne le revendique pas, c’est plus fort que lui.» Comme si l’animal prenait le dessus sur l’homme. François Pirot poursuit : «Dans l’un de ses textes de philosophie, Luc Dardenne parle de la façon dont l’animal est dans la présence et non dans la réflexion, ce qui peut rendre l’humain envieux. Mathieu, c’est un peu ce qu’il vit : il y a un contraste total entre l’agitation de son entourage et son calme.»

«Plus beau que nature»

Chacun, dans la galerie de personnages qui entourent Mathieu, choisit de faire son propre pas de côté, souvent maladroit. Tous les comédiens, par ailleurs, y sont brillants – mention spéciale à Samir Guesmi et Jean-Luc Bideau, hilarants, tandis que Jackie Berroyer livre la performance la plus forte du film. Mais ce que vit Mathieu a quelque chose de plus… que François Pirot a voulu souligner à l’image, en réduisant la taille du cadre pour les scènes en forêt, un «paradoxe» qu’il assume pour des raisons esthétiques («la forêt est un espace aussi vertical qu’horizontal et, bien qu’on s’attende à ce que l’image s’ouvre sur l’espace, ça me frustrait de la filmer en Cinémascope»).

Surtout, «Mathieu se retrouve dans un endroit réduit de la vie, explique le réalisateur. Ce qu’il vit là n’est pas pérenne, ce n’est pas la vraie vie. À l’image, son expérience est plus belle que nature.»

Comme Mobile Home, Ailleurs si j’y suis a été coproduit par Tarantula Luxembourg, et François Pirot a du mal à oublier les effets du covid, qui ont notamment interrompu le tournage – qui s’est majoritairement déroulé en Belgique – à deux reprises. Mais les confinements ont eu un effet bénéfique sur le résultat, tant ils trouvent un écho dans les thèmes abordés par le film :

«Durant la pandémie, il y a des choses qu’on a été empêchés de faire, mais on s’est aussi rendu compte qu’il y avait des choses qu’on ne faisait plus. Dans ce monde où l’on est constamment poussés à la rapidité, à la rentabilité et à la souplesse, il faut aussi pouvoir s’octroyer le droit de se mettre en pause.» Une idée qui a peut-être décidé Jérémie Renier à passer le pas, lui aussi : l’acteur a planifié une trêve de plusieurs mois pour partir explorer le Pôle Nord…

Ailleurs si j’y suis, de François Pirot.

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