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[Exposition] Peter Halley entre quatre murs au Mudam


Avec son humour particulier, Peter Halley pose devant ce qu’il appelle sa «vue freudienne d’un parent et d’un enfant prisons». (Photo : Valentin Maniglia)

Le Mudam a réuni trente peintures de l’artiste new-yorkais Peter Halley, retraçant les dix premières années de la carrière du peintre minimaliste et visionnaire, traversé par d’importants questionnements sociaux.

En proposant de traverser la décennie 1980 en compagnie de Peter Halley et de ses œuvres, le Mudam offre au public une nouvelle exposition monographique au caractère rare et exceptionnel dont lui seul a le secret. C’est à la naissance d’une œuvre que l’on assiste ici, en trente peintures et dix ans de travail.

«Faire une exposition érudite et sérieuse», telle était la volonté de la commissaire, Michelle Cotton. C’est que Peter Halley, figure de la scène new-yorkaise et du mouvement «Neo-Geo» (avec Meyer Vaisman, Ashley Bickerton et Jeff Koons), se revendique autant de l’art abstrait et minimaliste que du théâtre de l’absurde – il cite Beckett et Ionesco comme influences. Le langage occupe alors une place centrale dans son travail, d’autant plus qu’ici, on s’attache à suivre le développement de «son» langage.

Tout commence avec le retour en 1980 de l’artiste à New York, ville qui l’a vu grandir. «Ça m’a fait une forte impression», se souvient l’artiste, aujourd’hui âgé de 69 ans. Les premiers mois furent difficiles, «sinistres», même, avec le décès de sa grand-mère et une œuvre qui en découlera, The Grave. «Puis la tombe devient une prison», poursuit Peter Halley, soulignant «l’humour à froid» qui habite son œuvre.

Le carré, figure centrale

Le carré, forme empruntée à Malevitch, est réinterprété et restera central dans le travail de Peter Halley pour les décennies à venir. «À New York, je me suis senti isolé; ma façon de l’exprimer, c’était d’ajouter des barres à ce carré, et de lui donner un nouveau sens.»

Avec son intérêt pour les formes géométriques basiques, Peter Halley procède à «une approche de la géométrie à travers l’architecture, l’urbanisme, l’environnement dans lequel nous vivons et, de manière plus empirique, ce qu’il y a à questionner à l’intérieur de cela», analyse Michelle Cotton.

En addition à son œuvre picturale, Peter Halley a aussi largement théorisé son travail artistique et les réflexions qui l’ont traversé dans des essais, influencés par la philosophie postmoderne de Jean Baudrillard, Roland Barthes ou Michel Foucault.

«Un monde géométrisé, rationalisé, quantifié»

En 1984, dans The Crisis of Geometry, Halley demande : «Dans quel but la forme géométrique a-t-elle été instaurée dans notre culture?». Il y répond de façon abstraite dans ses tableaux, puis en toutes lettres dans un autre essai, Geometry and the Social (1990) : «Je voulais attirer l’attention sur ce monde géométrisé, rationalisé, quantifié. (La géométrie est) le langage de l’entreprise et des organigrammes; c’est le langage de l’urbanisme et des communications.»

En parcourant l’exposition, ordonnée de façon chronologique et complétée par d’importantes indications murales, Peter Halley martèle qu’en «(s)e frottant à une division radicale de l’art», il souhaitait «(s’)engager dans une forme d’expérience, en visant à créer une somme de travail importante avec des moyens très limités».

Mais ses carrés et ses prisons racontent très justement l’isolement grandissant des humains et leur aliénation; quand, au milieu des années 1980, il commence à y ajouter plus de câbles et de connexions, Halley livre un discours conscient sur le rôle de la technologie à l’intérieur de la sphère privée, et le paradoxe, donc, d’une société toujours plus isolée et interconnectée. D’où le fait que, dans la deuxième moitié de la décennie, ses œuvres ne donnent plus du tout «l’impression d’une présence humaine».

Une sensation d’inconfort

Parmi les œuvres les plus saisissantes de l’exposition, Ideal City (1984) a la particularité d’offrir une vue du dessus; on croirait regarder le cadran d’un téléphone, alors que l’œuvre serait plutôt le plan pour un projet d’urbanisme lié à la connectivité entre les habitants, une perspective assez angoissante.

Two Cells with Circulating Conduit (1986) transmet la même sensation d’inconfort, impuissant que l’on est devant ce circuit fermé, tandis que Prison (1989) suscite encore un certain malaise, cette fois par la profusion de câbles qui émergent de toutes parts, de tailles et de couleurs différentes.

Michelle Cotton invite à imaginer ce dernier tableau «comme la première représentation jamais réalisée de l’intelligence artificielle». On est bien là en présence d’un artiste visionnaire.

Jusqu’au 15 octobre.
Mudam – Luxembourg.

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