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[Exposition] Olaf, Op de Beeck, Steichen : trois artistes en harmonie


Aux sublimes vues de la nature capturées par l’appareil photo d’Erwin Olaf, répondent les sculptures et les aquarelles grand format de Hans Op de Beeck. (Photo : mnha/tom lucas)

Fortement inspirés par les travaux d’Edward Steichen, Erwin Olaf et Hans Op de Beeck voient leurs œuvres, témoins d’une réalité cachée, se répondre dans une très belle exposition au MNHA.

Ce qui lie le photographe néerlandais Erwin Olaf et l’artiste plasticien belge Hans Op de Beeck est leur admiration commune pour le travail d’Edward Steichen (1879-1973). Ajoutez à cela leur renommée, qui les place parmi les meilleurs artistes vivants dans leurs domaines respectifs, et le fait que l’année 2023 sera celle des 50 ans de la mort du photographe américain né au Luxembourg, il n’en a pas fallu plus pour que le musée national d’Histoire et d’Art (MNHA) ait eu envie de faire se côtoyer leurs sensibilités et leurs œuvres à l’intérieur d’une exposition commune. L’élément décisif étant, donc, la figure de Steichen, qui pointe le bout de son nez tant comme inspiration que comme guide. Et le MNHA de proposer aux visiteurs qu’ils «portent un regard sur son travail d’un œil neuf», tel que l’affirme Ruud Priem, le commissaire de l’exposition «Erwin Olaf & Hans Op de Beeck. Inspired by Steichen».

Olaf, Op de Beeck et Steichen dialoguent ainsi à travers une quarantaine d’œuvres, disposées à la façon d’un «voyage visuel» dans lequel, explique le commissaire, «une nouvelle harmonie» se forme, composée par «d’illustres artistes qui font de la musique ensemble». L’analogie orchestrale est évidente face aux œuvres, qui frappent par leurs dimensions variables – les clichés taille réduite de Steichen et les tirages monumentaux d’Erwin Olaf, tout comme les aquarelles et sculptures imposantes de Hans Op de Beeck –, comme autant d’instruments de taille plus ou moins considérable au sein d’un même ensemble. On croit même pouvoir entendre certaines œuvres, comme la photographie Am Wasserfall d’Erwin Olaf, qui met en majesté une cascade en pleine nature, ou la dernière pièce de l’exposition, dans laquelle trône la sculpture de Hans Op de Beeck au titre poétique My Bed a Raft, the Room the Sea, and Then I Laughed Some Gloom in Me, entourée d’aquarelles représentant la mer.

Erwin Olaf l’assure : «Nous célébrons l’imagination. Nous créons nos propres histoires.» Plus encore qu’un parallèle avec la musique, l’exposition combine à merveille l’acte de contemplation et le fil narratif. Avec, au cœur, le pouvoir de la nature, qui rend singulière la présence de l’humain. C’est encore une fois le cas dans Am Wasserfall, où l’homme est minuscule, ou dans la série de portraits d’Erwin Olaf, avec des figures humaines semblant surgir de la végétation, sur le modèle de l’étrange portrait du poète américain Carl Sandburg par Edward Steichen. Ruud Priem dit de ce dernier qu’il fut le premier à «utiliser son appareil photo comme un pinceau»; Olaf, dont l’influence de la peinture romantique du XVIIIe siècle est au moins aussi forte que celle de Steichen, apparaît alors comme son héritier le plus doué.

Chez Hans Op de Beeck aussi, les œuvres racontent leurs propres récits. The Cliff, sculpture qui émerge du mur, montre deux adolescents assis au bord d’une falaise. Ce pourrait être la fin d’un premier amour, ou le début. Ce pourrait être une contemplation de la nature, ou une simple pause. L’œuvre, en tout cas, amène ce qu’il manque de relief par rapport à la majorité des œuvres encadrées et exposées. Relief aussi amené par la naissance de ses travaux sculptés. Ann Marcelis, son assistante, témoigne : «Pour Hans, ce sont les souvenirs – d’enfance en particulier – qui sont l’étincelle qui déclenche des histoires.»

En pénétrant dans l’exposition, on laisse derrière nous la réalité pour entrer dans un monde tout aussi réel mais bien caché. Le noir et blanc (et toutes les teintes de gris entre les deux), qui caractérise l’intégralité des œuvres, en est l’expression poétique par excellence, laissant le soin au visiteur d’amener de la couleur à l’intérieur de l’espace. À l’image de leur inspiration principale, Olaf et Op de Beeck font la part belle aux vues de nuit, capturées dans le réel («sans Photoshop», souligne le photographe) ou imaginées sur papier. Les œuvres, rappelle Ruud Priem, n’ont pas été commandées dans le cadre de l’exposition mais bien choisies parmi des travaux déjà existants (toutes les œuvres d’Erwin Olaf, par exemple, composent la série Im Wald, réalisée en 2020), sans que les artistes ne soient mis au courant des œuvres choisies chez l’autre, rendant le tout plus impressionnant encore. Et Erwin Olaf et Hans Op de Beeck seront de nouveau conviés au MNHA en mars prochain, où ils présenteront une sélection de 20 photographies… signées Edward Steichen. La boucle est bouclée.

«Erwin Olaf & Hans Op de Beeck.

Inspired by Steichen»,

jusqu’au 11 juin. MNHA – Luxembourg.

Nous célébrons l’imagination. Nous créons nos propres histoires

MNHA : la collection Steichen
pour la première fois en livre

En marge de l’exposition «Erwin Olaf & Hans Op de Beeck. Inspired by Steichen», le MNHA propose – juste à temps pour Noël – sa nouvelle publication. Edward Steichen. The Luxembourg Bequest arrive comme un ouvrage somme, dans lequel est présentée, discutée et analysée toute la collection de photographies léguée par la succession de l’artiste au musée en 1985. Soit 178 clichés, ici reproduits en pleine page et classés par thèmes (des portraits, qui vont de Greta Garbo à Winston Churchill en passant par Charlie Chaplin, expérimentations, paysages, photos de famille ou encore d’inattendus et impressionnants nus), qui permettent de découvrir la quasi-totalité des nombreux aspects de l’œuvre de Steichen.

La richesse de l’ouvrage est à la hauteur de sa densité – près de 500 pages pour plus de 3 kg! –, et les textes analytiques offrent non seulement un nouveau regard sur le travail de Steichen, mais aussi sur la signification du legs et de son contenu pour le Luxembourg, en même temps qu’ils observent de plus près les questions de la datation (chez Steichen, il n’est pas rare que des clichés pris à l’aube du XXe siècle aient été imprimés un demi-siècle plus tard) et de la conservation. Selon Michel Polfer, directeur du MNHA et curateur de l’ouvrage, avec Gilles Zeimet, c’est un travail d’environ dix ans qui est publié ici. Paru en ce mois de décembre, à la veille du 50e anniversaire de la disparition de l’artiste, le livre a des airs de cadeau idéal à mettre sous le sapin des amateurs d’art…

Edward Steichen. The Luxembourg Bequest,

ouvrage collectif. Silvana Editoriale.

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