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L’Amérique de Garry Winogrand


Des businessmen à Manhattan, des élégantes saisies au vol : l’Américain Garry Winogrand est célèbre pour ses photos de rue, mais le Jeu de Paume, à Paris, dévoile un pan méconnu de son travail parmi les milliers de négatifs trouvés après sa mort, à 56 ans.

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Le Jeu de Paume présente la première rétrospective depuis 25 ans de Garry Winogrand (1928-1984). (Photos : ©the estate of garry winogrand)

Cette rétrospective embrasse pour la première fois la totalité de l’œuvre de Winogrand, un des plus brillants représentants de l’école de la photographie de rue avec son ami Lee Friedlander. Pur new-yorkais, il a consacré presque exclusivement la première partie de sa carrière à la grosse pomme avant de partir s’installer en Californie en 1971.

Mort prématurément d’un cancer en 1984, Garry Winogrand a laissé un énorme héritage pictural : 6 500 pellicules (soit environ 250 000 photos) dont il n’a jamais vu le contenu, sans compter celles qu’il a vues mais sont restées sans tirage. « C’était un homme d’une intense énergie, qui avait toujours de l’appétit pour une nouvelle série de prises de vues », explique Leo Rubinfien, un des commissaires de l’exposition, lui-même photographe et ami de Winogrand.

Il préférait « traquer l’image plutôt que développer ses pellicules », assurant qu’il se consacrerait à ce travail lorsqu’il reviendrait vivre à New York. Près de la moitié des photographies de cette exposition n’ont jamais été montrées, ni publiées à ce jour et plus de 100 n’avaient encore jamais été tirées.

Les choix effectués par Leo Rubinfien, notamment dans les 20 000 planches-contacts conservées au Center for Creative Photography, ont suscité une controverse aux États-Unis. Malgré sa proximité avec Garry Winogrand, avait-il le droit de montrer des photos que l’artiste lui-même n’avait pas forcément décidé de publier ? « Si je ne l’avais pas fait, ce travail aurait été perdu », répond Leo Rubinfien, qui a conçu l’exposition avec Erin O’Toole et Sarah Greenough. « Rien n’a été éliminé par Garry, il marquait parfois les photos qu’il voulait voir tirées mais après 1971, presque rien n’est marqué », souligne Leo Rubinfien. Pour chaque photo, l’exposition précise s’il s’agit d’un tirage d’époque ou d’une reproduction posthume à partir d’un négatif marqué ou non par le photographe. Près de la moitié des photos figurant dans le remarquable ouvrage qui accompagne l’exposition (coédité par le Jeu de Paume et Flammarion) n’ont jamais été vues.

Si Garry Winogrand est connu pour ses images de rue, il avait envie de tout photographier, souligne Leo Rubinfien, « d’embrasser le monde tout entier », comme en témoignent les photos prises en Californie ou au Texas, ses deux régions de prédilection après New York. Conventions démocrates, rodéos, aéroports, supermarchés, snacks-bars, plages… Tout l’intéresse. « C’est l’Amérique que j’étudie », dira-t-il, l’Amérique de la croissance économique et des sixties, à la fois triviale et dynamique, celle des matches de football, des ventes de bétail au Texas, des pin-up de Venice Beach…

Winogrand était un homme chaleureux et exubérant, qui parlait beaucoup (une vidéo réalisée en 1977 et présentée à l’exposition permet de se faire une idée de sa personnalité). Mais « il y avait aussi chez lui une noirceur pas vraiment secrète », selon Leo Rubinfien. Dans les années 70 et 80, cette noirceur devient plus présente dans son travail et « l’exubérance et la jubilation qui marquaient son œuvre s’épuisent lentement ».

« Cela vient-il de lui ou de la vie qui a changé aux États-Unis dans ces années-là ? », s’interroge Leo Rubinfien. Mais ses images se transforment : davantage d’espaces vides, une lumière plus dure, peu d’événements. Signe de ce désenchantement ? La plupart des photos de cette période n’ont pas été développées ou examinées par Winogrand.

Le Quotidien

Jusqu’au 8 février.
www.jeudepaume.org

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