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Eurovision : Liverpool aux couleurs de l’Ukraine


(photo AFP)

Vingt-six pays concourent, ce samedi, en finale de l’Eurovision. Faute de pouvoir se tenir chez le vainqueur de l’année passée, comme traditionnellement, c’est Liverpool qui accueille l’évènement à la place de l’Ukraine. Et qui porte haut les couleurs du pays.

La ville de Liverpool, qui accueille le concours de l’Eurovision au nom de l’Ukraine, s’est parée de bleu et de jaune. Mais chez les Ukrainiens, le sentiment de reconnaissance et la chaleur de la fête côtoient les regrets de ne pouvoir l’accueillir à domicile. «On peut voir une organisation merveilleuse.» Devant son stand au village de l’Eurovision, Lioudmyla Kaminski, créatrice ukrainienne, applaudit la mobilisation, les couleurs de l’Ukraine qui sont partout dans la ville du nord de l’Angleterre.

«Ça signifie beaucoup», souligne-t-elle, évoquant «toutes les installations partout dans la ville». Mais aussi les témoignages, comme ce «je peux vous faire un câlin?», immédiatement lancé dans un magasin quand le personnel a compris qu’elle était ukrainienne. La jeune femme, venue depuis l’Ukraine spécialement pour l’Eurovision, présente des foulards aux messages tels que «l’Ukraine est mon superpouvoir» ou «je pensais que je savais ce qu’est le courage, puis j’ai vu l’Ukraine».

Dans un stand voisin, Mariya Suant, créatrice de mode de 26 ans, raconte qu’elle se demande sans cesse «comment est-ce que ça se passerait si on avait été en Ukraine» pour l’Eurovision. Si les regrets que le concours ne puisse se tenir en Ukraine l’étreignent, elle trouve du réconfort dans l’ampleur du soutien qui se manifeste à travers la ville. «Je suis très reconnaissante envers Liverpool et le Royaume-Uni de nous accueillir», explique-t-elle, «super heureuse de voir des drapeaux ukrainiens partout».

Victoire peu probable, l’Ukraine vise le top 5

Dans le centre-ville, un monument de la ville a été recouvert de sacs de sable, autre geste symbolique. «Ça représente ce qu’on a dans nos villes» pour essayer de protéger les statues. «C’est très touchant», souligne Mariya Suant, née à Marioupol mais installée depuis une dizaine d’années au Royaume-Uni. Liverpool a en outre dévoilé un autre monument «symbole d’espoir» : une statue d’aluminium, qui représente un homme tenant un livre d’où s’échappe une colombe avec un drapeau ukrainien. Elle doit rester à Strawberry Field, jardin entourant l’orphelinat de l’Armée du salut qui a donné son nom à la chanson culte des Beatles, avant d’être envoyée en Ukraine au retour de la paix.

La ville du sud de l’Ukraine dont Mariya Suant est originaire, conquise par Moscou après avoir été dévastée par des bombardements, se trouve au cœur de la chanson du duo electro Tvorchi, Heart of Steel, qui représente l’Ukraine pour le concours Eurovision cette année. «Je ne pense pas qu’on puisse gagner chaque année», «mais ils ont une bonne chance d’être dans le top 5», pronostique la jeune femme. Selon Jeffrey Kenny, le chanteur de Tvorchi, leur chanson, inspirée par la résistance pendant un mois de siège à l’usine Azovstal, «symbolise la force et le courage». Malgré l’immense sympathie que s’attire le groupe, observateurs et bookmakers, qui comptent pourtant l’Ukraine parmi les cinq favoris (avec la France, la Suède, la Finlande et la Belgique), s’accordent à juger peu probable une deuxième victoire consécutive lors de cette 67e édition du concours.

Arrivé deuxième l’an dernier, le Royaume-Uni a été désigné pour accueillir la finale de l’Eurovision au nom de l’Ukraine, empêchée par le conflit. Dès la candidature de Liverpool pour accueillir le concours, la branche locale de l’Association des Ukrainiens en Grande-Bretagne a été invitée à prendre part aux discussions, explique son président, le père Taras Khomych. «Nous sommes heureux de voir que Liverpool a pris les choses très sérieusement. Et pas seulement Liverpool, le Royaume-Uni en général», se félicite-t-il.

«Rappeler au monde la tragédie»

«Ce concours est la représentation du soutien que, non seulement le Royaume-Uni, mais toute l’Europe a offert à l’Ukraine», renchérit Liudmyla Martin-Roberts, vice-présidente de l’antenne locale de l’association. Cet Eurovision, «c’est une célébration de cette chaleur et de cette aide qui a été donnée à l’Ukraine». Impliqués, les Ukrainiens – qu’elle estime à environ un millier à Liverpool – participent pour certains à l’organisation. «Ils envoient des photos à leur famille pour dire : « Regardez, c’est incroyable ce qui se passe ici, voilà à quoi ressemble Liverpool », poursuit la vice-présidente, et dire merci à la communauté européenne.»

Mais plus d’un an après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, cette fête a «un goût amer», dit-elle. «Au début, je crois que les sentiments étaient mitigés parce que les gens ne savaient pas. Faut-il faire la fête alors que tant d’Ukrainiens sont en train de mourir? Mais en même temps, avec l’Eurovision, nous pouvons porter haut notre drapeau», explique Taras Khomych.

L’Eurovision servira aussi à «rappeler au monde la tragédie qui se déroule en Ukraine», «mais aussi souligner cette solidarité avec l’Ukraine que l’Europe manifeste à travers ce concours», a-t-il ajouté, espérant que l’attention dont bénéficie son pays «ne s’estompera pas». Pour preuve : les militaires travestis moustachus du groupe croate Let 3 concourent, eux, avec Mama ŠČ!, un titre corrosif qui s’en prend de manière à peine voilée à Vladimir Poutine, tandis que le jeune chanteur suisse Remo Forrer opte pour un message de paix plus classique, avec Watergun. Tout se jouera ce samedi devant 6 000 spectateurs, sur une scène, conçue par le créateur Julio Himede comme un «grand câlin», «ouvrant ses bras à l’Ukraine, au spectacle des artistes et aux invités du monde entier». À l’exception de la Russie, exclue du concours, comme en 2022.

Zelensky empêché de parler :
avant la fête, la polémique

Avant de laisser la place à l’extravagance et aux paillettes, l’Eurovision s’est retrouvée prise vendredi dans l’une de ces polémiques qui ont marqué son histoire, en raison du refus opposé à Volodymyr Zelensky, qui voulait s’exprimer ce samedi, lors de la finale. Car, si le show à Liverpool s’annonce très ukrainien, pas question de laisser le président du pays s’y exprimer par message vidéo comme il l’a fait dans de nombreux évènements, ont tranché jeudi soir les organisateurs de l’évènement.

L’European Broadcasting Union (EBU), l’organisation des diffuseurs derrière le concours, a expliqué avoir rejeté sa demande au nom de «la nature non politique de l’évènement» : «Ce principe interdit les déclarations politiques ou assimilées durant le concours», a expliqué l’EBU dans un communiqué. «La requête de (Volodymyr) Zelensky de s’adresser au public du concours Eurovision de la chanson, bien que faite avec des intentions louables, ne peut à regret être acceptée car cela briserait les règles de l’évènement.»

«Les valeurs et libertés pour lesquelles le président Zelensky et le peuple ukrainien se battent en Ukraine ne sont pas politiques, mais fondamentales», a regretté un porte-parole du Premier ministre britannique, Rishi Sunak, affirmant que le gouvernement était «déçu» par cette décision. Le sentiment est partagé par le prédécesseur de Richi Sunak, Boris Johnson, qui s’est souvent rendu en Ukraine, y compris depuis son départ de Downing Street. Dans un entretien à la BBC cette semaine, Volodymyr Zelensky avait affirmé que, malgré le «grand respect» qu’il a pour le Royaume-Uni, il aurait préféré que le concours soit organisé cette année par un pays partageant une frontière avec l’Ukraine.

L’EBU a fait valoir que même sans message de Volodymyr Zelensky, le concours prévoit un hommage appuyé à l’Ukraine durant la finale de ce samedi, avec la présence de onze artistes ukrainiens sur scène, dont Kalush Orchestra, le gagnant de l’an dernier. Des clips vidéo diffusés durant la soirée donneront à voir différents endroits du pays et les couleurs bleu et jaune du drapeau ukrainien devraient flotter en masse dans la salle.

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