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[Critique ciné] «Renfield» : Dracula, patron toxique


Nicholas Hoult aimerait bien se défaire de l'emprise de son "patron". (photo AFP)

Critique du dernier film de de Chris McKay, « Renfield », avec Nicholas Hoult, Nicolas Cage, Awkwafina…

Depuis la parution du roman de Bram Stoker en 1897, Dracula est devenu le mort-vivant préféré du cinéma. On l’a ainsi vu, baroque et effrayant, joué par Béla Lugosi et Christopher Lee, ses deux plus belles incarnations. Mais il s’est aussi fait les crocs dans d’autres productions nettement moins pointues, comme, pêle-mêle, un western (Billy the Kid contre Dracula, 1966), un film d’action façon «lucha libre» (Santo contre le trésor de Dracula, 1968) et des comédies à la pelle, dont une américaine signée Mel Brooks (Dracula, mort et heureux de l’être, 1995) et une française (l’incontournable navet Les Charlots contre Dracula, 1980). Autant dire qu’avec ce personnage, on ne manque jamais d’idée !

Ainsi, devant la caméra de Chris McKay (Lego Movie), le maître des ténèbres devient… un pervers narcissique ! Car derrière sa cape et son rire sardonique, on oublie souvent une autre figure, essentielle, bien que toujours dans l’ombre du maître : Robert Montaigu Renfield, jeune avocat venu faire affaire en Transylvanie, tombé finalement sous la coupe de Dracula, et qui dans le livre, finit dans un asile psychiatrique où il se nourrit d’insectes.

Quel plus bel exemple d’estime de soi et d’auto-affirmation que celui de Nicolas Cage

On se rappelle qu’en 1992, c’est Tom Waits qui l’interprétait dans la version lyrique et érotisée de Francis Ford Coppola. Ici, c’est Nicholas Hoult qui tient la vedette, bien que «codépendant» de ce monstre de vampire, manipulateur et beau parleur. C’est même tout l’objet de ce film.

On retrouve l’assistant après des décennies de servitude à satisfaire tous les désirs de son patron et à nettoyer les dégâts quand celui-ci fait un carnage sanglant. Il est alors en plein doute. Ça lui apprendra à chercher des proies potentielles durant une thérapie de groupe ! Ainsi, à force d’écouter les autres parler de leur malheur et de leur soumission «volontaire», il se rend compte que lui aussi est seul, perdu, en manque de confiance.

La faute à cette relation toxique qu’il entretient avec son tyran, démiurge immortel à l’ego surdimensionné. «C’est un pervers narcissique!», lui dit-on lors de ces cercles de paroles. Il est donc temps qu’il se libère de son emprise, «pire que l’enfer». Bref, qu’il tue son démon intérieur.

 

Pour saisir l’intention (et le ton) de ce Renfield, il faut se pencher sur les deux scénaristes à l’œuvre : soit d’un côté, Ryan Ridley, l’homme derrière la série d’animation déjantée Rick et Morty. Et de l’autre, Robert Kirkman, l’auteur de la BD devenue culte Walking Dead. De la franche rigolade et beaucoup d’hémoglobine (c’est peu dire !), voilà sur quoi se base ce film qui assume ce qu’il est : une parodie décalée et saignante. Ce qui s’observe d’ailleurs dès l’introduction, recyclant de manière humoristique les extraits du premier film consacré au célèbre vampire (Tod Browning, 1931).

Les décalages entre passé et présent sont les moments les plus savoureux – comme quand le valet cherche un sort maléfique sur internet ou qu’il quitte son look «new wave» pour se transformer en une sorte de gendre idéal à la Hugh Grant. Cela dit, Nicholas Hoult est le seul à jouer sans trop en rajouter (et ce, même quand il sort les muscles), ce qui n’est pas le cas de sa compère Awkwafina, flic grand-guignolesque coincée entre plusieurs histoires de famille (la sienne, la mafia et la police, ici corrompue). Ni de tous les autres d’ailleurs, qui assument pleinement la farce et l’aspect proche des «comics» de la réalisation.

Au milieu des corps qui se découpent à coups de griffes (ou, moins commun, de plateau de cuisine), des os qui craquent et du sang qui ruisselle en abondance, il y a Nicolas Cage, abonné aux films d’action alimentaires et aux résurrections infaillibles (souvent en mode série Z). Sous un maquillage purulent, dégainant un sourire carnassier et parfois un accent improbable (est-ce lui le mafieux de l’histoire ?), il est clairement dans son élément. Ses excès, ses mimiques et son jeu forcé collent en tout cas bien à l’ambiance, et surtout à la thématique. En effet, quel plus bel exemple d’estime de soi et d’auto-affirmation que le sien.

 

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