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[Album de la semaine] «UGLY» : Slowthai en verve et contre tout


L’Anglais arrive à son album le plus brut, d’ores et déjà l’un des disques les plus puissants entendus cette année. (Photo : DR)

UGLY (punk/rap), de Slowthai. Sorti le 3 mars chez Method Records.

On connaît depuis Doorman, le titre explosif qui l’a révélé fin 2018, la proximité de Slowthai avec le punk rock. C’est que le garçon de 28 ans, qui a grandi dans un logement social délabré en marge de la société, dans un quartier défavorisé de Northampton, a ça dans le sang : un sens électrique de la révolte, à l’anglaise.

Si c’est vers un autre genre qu’il s’est tourné, le rappeur monté sur ressorts s’est lancé avec un premier album politiquement chargé contre la gouvernance de l’ex-Première ministre Theresa May, architecte du Brexit, sortant les crocs et les mélodies agressives (Nothing Great About Britain, 2019).

Son énergie inépuisable, il la contenait (un peu) sur son deuxième album, Tyron (2021), autoportrait en deux temps enclin à l’introspection. Et puis Slowthai a grandi – il est même récemment devenu papa d’un petit garçon – mais il ne s’est pas assagi. Au contraire.

Pour ce nouvel album, le rappeur, toujours cheveux à ras et dégaine de petite frappe des Midlands, s’est fait tatouer les lettres «UGLY» sur la face – un engagement qui n’aurait rien d’exceptionnel s’il n’était pas destiné à y rester toute sa vie.

Humour sombre

Slowthai manie à merveille un humour sombre, et ce «moche», qui colle bien au grisâtre de ses observations, devient chez lui l’acronyme de «U Gotta Love Yourself», expression autrement plus positive et réjouie. Un appel à l’amour-propre qui sonne moins comme un ordre que comme une invitation, et dans lequel Slowthai nous embarque, lui qui n’a pas peur de creuser de nouveaux sillons dans un parcours déjà exemplaire, avec les mots comme armes, un sens aiguisé du récit et un univers sonore survolté.

On entend régulièrement les artistes parler de leur musique comme de leur thérapie, avec plus ou moins de conviction. Dès l’ouverture de UGLY, Slowthai met les points sur les i et fait valdinguer le rôle du psy, selon lui futile et aliénant.

Raconter sa vie, c’est bien, mais lui se libère de ses poids en inspirant, puis expirant, de plus en plus fort, de plus en plus vite, jusqu’à un hurlement cathartique. La rage de Yum, nourrie par le bruit d’une electro industrielle, traduit un sentiment général et qui s’exprime à point nommé.

L’album est ainsi lancé, sous le signe du punk. Le rappeur, qui abandonne ses influences grime, poursuit son analyse du «vrai monde». Ici et là, il célèbre la vie (sur le sautillant Sooner, énorme hymne pop-punk), mais lorsqu’il vient à raconter le plus grave, il est assuré comme jamais. La preuve : il chante beaucoup, dévoilant dans cet album un nouveau talent.

Des musiciens issus de la fine fleur du punk et de l’alt-rock

Never Again offre le premier moment de respiration, la mélodie ressemblant à une marche funèbre atmosphérique avant que Slowthai ne se livre, dans un tour de spoken word déchirant, à une réflexion sur le féminicide.

En affirmant plus franchement le lien de parenté entre son rap aux «beats» bardés de bidouillages électroniques et ses racines punk, Slowthai affine aussi ses textes, qui transcendent ce qu’il sait faire de mieux – le brûlot politique, le récit déjanté et l’introspection – et témoignent plus que jamais de la sincérité de sa démarche.

Celle-ci est justifiée, avant tout, par les compositions musicales, où les consoles sont mises en arrière-plan derrière des musiciens que Slowthai est allé cueillir parmi la fine fleur du punk et de l’alt-rock contemporain : dans son supergroupe, on retrouve des membres de Jockstrap, de Beebadoobee, mais aussi les Irlandais de Fontaines D.C. au complet, que l’on reconnaît bien sur le morceau homonyme, porté par un Slowthai qui se lance dans un chant désabusé à la Pixies.

On adore quand il redevient une pile électrique (le court et cinglé Fuck It Puppet ou le purement punk Wotz Funny, avec son refrain ponctué de «Oi! Oi!»), mais Slowthai prouve avec UGLY qu’il sait se libérer des contraintes et attentes.

En suivant son propre chemin et en y mettant toute son énergie, l’Anglais arrive à son album le plus brut, d’ores et déjà l’un des disques les plus puissants entendus cette année.

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