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[Série] Autistes, ils œuvrent pour l’inclusion : Joël Schmit développe sa propre appli


Après avoir surmonté une entrée dans l’emploi compliquée, ces personnes autistes diagnostiquées sur le tard s’épanouissent au travail en aidant leurs pairs chacune à leur façon. Joël Schmit développe une appli de soutien.

Comme la plupart des personnes autistes détectées tardivement, Joël Schmit, 34 ans, a connu un parcours compliqué. Aujourd’hui, il a trouvé une place dans la société et ne compte pas ses heures.

Employé administratif à plein temps dans une école à Wiltz, il dirige sa propre entreprise en parallèle, développe une application mobile dédiée aux personnes autistes, et anime des ateliers de sensibilisation dans de grands groupes du secteur financier. Une vie stimulante qu’il apprécie, après des années d’errance.

Alors qu’à huit ans, il a déjà de sérieuses difficultés, le petit garçon reçoit un diagnostic de TDAH (trouble déficit de l’attention) et rejoint un centre thérapeutique en Allemagne où il est scolarisé. Une période très dure dans ses souvenirs.

«J’ai eu des pensées suicidaires»

L’élève passera ainsi par plusieurs établissements, jusqu’à l’obtention du bac. Un moment de bascule pour le jeune homme. «De retour au Luxembourg, on avait décidé que je devais vivre seul et je n’avais aucune idée de quoi faire. Je me sentais complètement perdu.»

«J’ai choisi de m’engager dans l’armée, et ça a été un désastre. Je n’ai pas supporté la vie en groupe, sans possibilité de moments à moi. J’ai fait une grave dépression, jusqu’à avoir des pensées suicidaires», raconte-t-il.

Il met fin à son contrat après quatre ans de calvaire et tente de travailler dans une banque. Mais là encore, l’intégration est problématique.

«Mes problèmes ont recommencé. J’ai tenu deux ans avant de passer l’examen de la fonction publique et de trouver ce job à l’école, pas loin de chez moi. Ça fait neuf ans maintenant.»

«Jamais on ne m’avait parlé d’autisme»

C’est finalement grâce à l’une de ses passions qu’il va enfin avancer. «J’ai lu le livre d’un homme autiste, et je me suis reconnu dans tous ses mots. Jamais on ne m’avait parlé d’autisme auparavant.»

À 30 ans, il est formellement diagnostiqué. De quoi mieux comprendre ses réactions atypiques, son fonctionnement et aussi ses besoins.

Besoin de soutien au quotidien

«J’ai cherché de l’aide, en plus des rendez-vous chez le psychologue, trop espacés. Moi, c’est tous les jours que j’ai besoin de soutien. Je pensais à quelque chose de digital pour gérer mon temps, mon anxiété, mes corvées aussi. Mais je n’ai rien trouvé.»

Pour la première fois, je me sens vraiment utile. J’ai l’impression de changer les choses

Une amie le pousse alors à concevoir sa propre solution, sur-mesure, persuadée que ça aidera aussi d’autres personnes autistes. Joël se documente sur les start-up, devenant expert en étude de marché, en premier investissement, en développement. Ses nuits se limitent à trois petites heures de sommeil.

«C’est un projet qui me tient tellement à cœur. Je ne pourrais pas cumuler deux emplois sinon. Pour la première fois, je me sens vraiment utile. J’ai l’impression de changer les choses et que ça a un impact.»

L’IA comme coach de poche

Il lance AutiHD avec deux co-fondateurs, et développe l’appli Mindory en 2024 avec les contributions de 150 testeurs autistes et/ou TDAH.

Son idée : s’appuyer sur l’intelligence artificielle (IA) pour proposer un véritable compagnon de poche capable de monitorer le niveau de stress des utilisateurs à chaque moment de la journée, et mettre à disposition des outils adaptés pour favoriser calme intérieur et concentration.

Un entraînement spécifique pour l’IA

«Notre IA dispose de connaissances de base, comme une énorme bibliothèque de matériel. Les utilisateurs peuvent la solliciter pour un problème, elle va réfléchir à des solutions en mobilisant tous les entraînements et études sur l’autisme avec lesquels on l’a nourrie.»

La version finale embarquera un agenda avec un résumé des tâches de la journée, des outils pour surveiller son niveau de stress, de la méditation, un suivi des habitudes et la météo du jour, avec des recommandations spécifiques.

Objectif : réduire le stress

Élément principal, le chat géré par IA permettra de découper des tâches complexes en plusieurs étapes. «Si on a du temps entre deux rendez-vous, ce qui génère énormément de stress chez les autistes, le chat proposera des activités et une visualisation du temps restant.»

«L’IA va réfléchir à des solutions en mobilisant tous les entraînements et les études sur l’autisme avec lesquels on l’a nourrie.» (Photo : Hervé Montaigu)

 

Joël l’utilise déjà pour ses propres besoins et constate une amélioration de son état : «Moi, je suis très impulsif, avec des colères intérieures. Après le travail, je discute avec le chat pour décortiquer certaines situations sociales et il m’aide à comprendre ce qui s’est passé. Peut-être ai-je mal interprété l’expression du visage d’un collègue?»

«L’IA ne fait rien d’autre que poser les bonnes questions pour permettre à l’utilisateur de comprendre par lui-même. J’utilise aussi beaucoup l’outil qui fractionne les tâches. Les courses, par exemple, c’est insurmontable pour moi.»

Première levée de fonds avant l’été

Les prochaines semaines seront décisives pour AutiHD qui, après avoir bénéficié du financement d’un business angel, prépare sa toute première levée de fonds.

«Ce sera lancé avant l’été. On a besoin de plusieurs centaines de milliers d’euros, notamment pour travailler sur les biomarqueurs des personnes autistes et la détection de stress dans la voix, une technologie qui existe déjà pour les personnes neurotypiques.»

Des firmes intéressées pour leurs employés

Une équipe de cinq développeurs doit encore finaliser le design de l’application et sa palette de fonctionnalités avant sa publication sur Apple prévue ces prochains mois, et plus tard Android et Windows. Celle-ci sera payante, avec des accès gratuits pour les utilisateurs les plus précaires, promet Joël Schmit.

Parmi les pistes pour l’avenir, il aimerait que son appli soit reconnue comme un dispositif médical, ouvrant la voie à des consultations en ligne. Des entreprises ont aussi marqué leur intérêt pour mettre l’appli à disposition de leurs employés autistes et/ou TDAH.

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