Depuis son ouverture le 28 janvier, le restaurant Chiche! d’Ettelbruck connaît un succès au-delà des attentes de Marianne Donven, la responsable de la chaîne, au point d’être dépassée par les candidatures des demandeurs d’emploi.
Un mois à peine après avoir fermé son établissement à Leudelange, la chaîne de restaurants Chiche! a aussitôt ouvert une sixième succursale à Ettelbruck le 28 janvier dernier. Malgré une clientèle différente, cette première implantation dans le nord du pays est un succès. De quoi ravir Marianne Donven, la cofondatrice de Chiche!, qui ne perd pas de vue l’objectif social de l’enseigne qui emploie des réfugiés depuis sa création en décembre 2017.
Comment s’est effectuée la transition entre la fermeture de Leudelange et l’ouverture d’Ettelbruck ?
Marianne Donven : Nous avons dû fermer le restaurant à Leudelange fin 2024, car le bail n’a pas été renouvelé et la commune a transformé cette maison en maison de jeunes. Nous avons versé une petite larme parce que c’était vraiment un super restaurant, on avait vraiment l’impression d’être chez quelqu’un.
Alors, j’ai contacté beaucoup de communes pour voir si elles n’avaient pas un local libre qui leur appartenait ou dont elles avaient connaissance. J’ai appelé à Ettelbruck et le bourgmestre m’a rappelée en disant qu’il venait d’apprendre que l’exploitant du Central allait arrêter et en me demandant si je voulais venir voir. J’y suis allée dès le lendemain et une fois sur place, j’ai tout de suite dit qu’on le prenait.
Comment se passent les débuts ?
On aurait dû ouvrir dans le Nord depuis bien longtemps, cela marche super bien! Le restaurant est complet le midi, complet le soir. Au départ, on ne devait pas embaucher pour Ettelbruck, mais finalement, j’ai dû embaucher une personne. Pour l’instant, c’est fermé le lundi et le dimanche soir mais vu la demande, nous sommes en train de réfléchir à réévaluer les horaires.
Nous avons 45 couverts et nous sommes aussi en train de réfléchir à mettre plus de chaises parce que samedi dernier, il n’y avait pas assez de chaises (il rit). Peut-être que l’on va pouvoir atteindre les 50 couverts.
En tout cas, j’ai l’impression que la clientèle est différente à Ettelbruck. Quand je vois les noms des réservations, il y a plus de noms luxembourgeois qu’au Limpertsberg, où l’on reçoit le monde entier.
J’ai sous-estimé la demande dans le Nord
Craigniez-vous que Chiche! ne connaisse pas le même succès dans le Nord, avec une population différente ?
Je savais déjà qu’on avait beaucoup de clients dans le Nord parce que beaucoup nous demandaient quand est-ce que l’on allait se rapprocher d’eux. Ils venaient au Limpertsberg depuis Diekirch ou Wiltz donc je savais qu’il y avait un potentiel, mais pas autant.
Plusieurs fois, j’ai dû fermer les réservations pour qu’ils ne soient pas débordés. J’ai sous-estimé la demande dans le Nord et je suis donc ravie de l’accueil. Pareil pour la commune qui a fait tous les travaux pour nous alors que l’on pensait devoir les faire nous-mêmes.
Alors que les conditions d’accueil des réfugiés se détériorent au Luxembourg, l’ouverture et le succès du restaurant sont-ils symboliques pour vous ?
Absolument. Je suis convaincue que Chiche! contribue à la sensibilisation du grand public par rapport aux questions de migration. Je dis toujours à mes serveurs et serveuses qu’ils sont les ambassadeurs et ambassadrices de tous les réfugiés au Luxembourg, que le contact avec les clients doit être très positif parce que cela peut avoir un impact sur leurs opinions par rapport aux migrants.
C’est pour cela que je voudrais continuer à ouvrir des restaurants pour que les gens puissent voir que ce sont des personnes qui veulent travailler, qui ont beaucoup de compétences et d’énergie. Ils sont trop contents de travailler, car beaucoup ont vécu des années sans travailler pendant leurs procédures.
Travailler leur donne de l’espoir et un avenir. Récemment par exemple, une dame ukrainienne serveuse qui était assistante dentaire a finalement retrouvé un emploi chez un dentiste. Ou encore l’année dernière, un employé pakistanais est venu me montrer son BTS en logistique mention «Excellent» alors qu’il était victime de traite humaine et qu’il avait obtenu ses papiers grâce à son travail au Chiche! en 2017.
Des gens viennent me demander un emploi en pleurant
Vous êtes désormais une figure reconnue dans le milieu social. Est-ce que vous croulez sous les demandes d’emploi ?
Oui, c’est incroyable. Je reçois jusqu’à dix CV par jour, toutes les assistantes sociales du pays m’envoient les cas les plus compliqués.
Actuellement, nous sommes 74 employés dans six restaurants et nous essayons de ne faire aucun bénéfice afin de pouvoir embaucher au maximum. Mais je suis tout le temps sous pression, des gens viennent me demander un emploi en pleurant. Ces derniers jours, j’ai encore fait des visites pour ouvrir d’autres restaurants.
C’est quand même difficile pour les migrants et les réfugiés de trouver un employeur ici. Si j’avais plus d’heures dans la journée, je créerais une crèche canine avec des réfugiés, un service de livraison ou un service de déménagement. Il y a plein de créneaux au Luxembourg pour lesquels on n’a pas besoin d’avoir beaucoup de diplômes, mais juste une volonté et une motivation pour travailler. Le problème est qu’il n’y a pas assez de personnes qui osent prendre ce risque.
Fidèle à l’esprit de Chiche!, l’équipe du restaurant du nord est internationale. La cuisine est dirigée par le chef Vrej, qui a la double nationalité libanaise et arménienne. Il est épaulé par Raghad (Irak), Yesenia (Venezuela), Saliou (Guinée), Mohammad Ali (Afghanistan), Taqi (Afghanistan), Sameer (Irak) et Binyam (Éthiopie).