Les problèmes ferroviaires sur la ligne transfrontalière Nancy-Luxembourg ne cessent de s’accumuler ces derniers mois. Une situation pas si nouvelle, reconnue et regrettée des deux côtés de la frontière, mais qui ne risque pas de s’arranger tout de suite…
Texte : Sophie Wiessler / Vidéo : David Weichert
Bis repetita. Après deux années rythmées par la pandémie, le quotidien des frontaliers empruntant la voie ferroviaire pour se rendre au Luxembourg semble à nouveau revenir «à la normale». Une normalité toute relative, qui s’apparente plutôt ici à un retour aux galères quotidiennes.
Trains bondés ou en retard, temps de trajet allongés… Ces dernières semaines ont été particulièrement difficiles et ont suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. «Je n’ai jamais vu ça en 20 ans», «c’est de pire en pire» : les ressentis sont vifs et témoignent de la tension et de la lassitude présentes à bord des trains.
Catherine, membre de l’association des voyageurs du Metz-Luxembourg ne le cache pas : «Oui, c’est catastrophique. Depuis septembre, quasiment tous nos trains sont pleins. On laisse des usagers à quai à Hettange-Grande et même à Thionville maintenant, parce qu’ils ne peuvent plus monter à bord», explique-t-elle.
Une situation pas si inédite (NDLR : on se souviendra des images postées sur les réseaux sociaux en 2019 relatant les mêmes faits) et dont ont parfaitement conscience François Bausch, ministre de la Mobilité, et Régis Godderidge, directeur SNCF des lignes de Lorraine, interrogés à ce sujet.
Des perspectives positives
«Nous sommes revenus à une situation similaire à celle d’avant pandémie, nous le voyons dans les trains, mais aussi dans d’autres transports en commun», explique le ministre. Une analyse partagée par la SNCF, qui pointe également du doigt la crise énergétique, la fin du télétravail, mais aussi la pénurie de matériel roulant pour expliquer ce trop-plein à bord des trains.
On arrive. pic.twitter.com/YbiUSrafNh
— AVTERML-FNAUT (@avtermel) September 14, 2020
«Nous regrettons cette situation, nous ne sommes pas satisfaits du tout du résultat», ajoute la compagnie ferroviaire française, envisageant des «perspectives plus positives» à court et moyen terme : plusieurs régions françaises ont en effet envoyé des engins supplémentaires en Lorraine, tandis que les CFL misent beaucoup sur l’arrivée de 30 automotrices, plus grandes, d’ici à 2024, pour accueillir le flux de frontaliers qui ne cesse d’augmenter d’années en années.
2022-2026 : une période «compliquée»
Outre les trains bondés, de nombreux frontaliers se plaignent des temps de trajet, devenus plus conséquents en raison des travaux de part et d’autre de la frontière. «Nous avons 15 % de temps de trajet supplémentaire à cause des travaux annoncés cet été», constate l’association AVTERML. «C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.»
Une frustration que dit comprendre François Bausch. «Nous avons eu un peu de malchance dernièrement. Certains chantiers ont pris du retard et ça n’a pas arrangé les choses», se désole-t-il, ajoutant : «J’ai expliqué, depuis plusieurs années, que la période entre 2022 et 2026 serait la plus compliquée : c’est la phase, côtés luxembourgeois et français, où il y a le plus de chantiers.»
Des travaux en cascade (NDLR : les CFL en comptabilisent 300 à l’heure actuelle sur leur réseau) qui expliqueraient donc les ralentissements plus conséquents. «Mais une fois que ces chantiers se termineront, année après année, ça va s’améliorer», martèle François Bausch.
Le covid a changé la donne
Côté luxembourgeois peut-être. Côté français, pas si sûr. Si la SNCF souhaite «trouver des solutions pour pallier les problèmes des frontaliers», elle annonce toutefois d’autres travaux à venir ces prochains mois et donc… de nouveaux ralentissements. En moyenne, sept minutes de trajet supplémentaires seront «à intégrer dans le plan de transport actuel» jusqu’à mi-mai. Une nouvelle qui ne ravira certainement pas leurs clients.
Des usagers qui en ont «ras-le-bol», encore. «La crise du Covid-19 a changé la donne : les gens ne sont plus prêts à subir cette situation comme avant. Nous sommes moins tolérants par rapport à tout ça. C’est un service public avant tout, nous voulons des trains !», clame ainsi l’association des voyageurs.
«On connait la situation», se défend la SNCF. «Cette ligne, c’est la colonne vertébrale de la région, on la supervise de manière permanente. Nous avons renforcé nos maintenances, nous suivons à la minute près ce qui s’y passe», promet le directeur des lignes de Lorraine, appuyé par un François Bausch, visionnaire : «Tout cela sera terminé en 2026. À partir de cette année-là, le Luxembourg aura le réseau de chemin de fer le plus performant d’Europe, tout sera modernisé. Tous les chantiers seront terminés, il n’y aura plus de surprises», promet-il. Alea jacta est…
Des annonces franco-luxembourgeoises à venir
Le président de la région Grand Est, Jean Rottner, s’est rendu cette semaine au Luxembourg afin d’y rencontrer François Bausch et d’évoquer avec lui les problématiques transfrontalières. «Nous sommes d’accord tous les deux pour voir le Luxembourg comme un partenaire et non pas un ennemi, comme beaucoup de politiques français le pensaient auparavant», a souligné le ministre de la Mobilité.
De cette entrevue doit émerger «courant janvier 2023», une conférence de presse commune franco-luxembourgeoise, à Metz ou Thionville, pour présenter les développements à venir. «Monsieur Rottner s’est beaucoup engagé pour développer un meilleur réseau ferroviaire : nous allons essayer de bien combiner nos approches et présenter tout cela aux principaux concernés, les frontaliers», appuie François Bausch.
La SNCF a également annoncé de son côté être en pleine phase de «recomptage» du nombre de frontaliers à bord de ses trains. Depuis de nombreuses années, la compagnie ferroviaire table en effet sur 12 000 voyageurs quotidiens.
Un chiffre qui, au vu de la hausse de fréquentation et du ressenti des usagers, ne semble plus vraiment coller à la réalité… Le chiffre exact, actualisé, devrait être dévoilé d’ici à la fin de l’année 2022.