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Santé : l’urgence d’une couverture des soins pour tous


Sans domicile stable ou compte bancaire, l’ouverture de droits sociaux comme l’accès aux soins est très compliquée. (Photo : archive/isabella finzi)

Alors que le projet pilote lancé en 2022 doit être évalué, Médecins du monde pointe l’urgence d’instaurer la couverture universelle des soins de santé au Luxembourg : trop de personnes en seraient toujours écartées.

Vulnérables, sans protection sociale, ils sont nombreux à ne figurer nulle part dans les statistiques officielles, exclus du système de santé par des barrières administratives et financières : auprès de ces personnes fragilisées et en manque de soins, Médecins du monde constate chaque jour l’urgence de déployer pour de bon le projet pilote de couverture universelle de soins de santé (CUSS) lancé en avril dernier par la ministre de la Santé.

L’accord de coalition 2018-2023 prévoit, en effet, de mettre enfin le Grand-Duché en règle par rapport à ses engagements internationaux, notamment en tant que membre de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), en matière d’accès aux soins pour tous. L’expérimentation a été confiée à cinq associations luxembourgeoises d’aide aux plus démunis, spécifiquement mandatées par l’État, et doit désormais être évaluée, en vue de sa pérennisation.

Une revendication de longue date de Médecins du monde – qui milite pour ce droit fondamental depuis une dizaine d’années – et qu’elle compte bien remettre sur la table alors que les élections législatives se profilent.

Car le Luxembourg continue de laisser au bord de la route des personnes malades ou en mauvaise santé, simplement parce qu’elles ne disposent pas d’une adresse officielle, indispensable pour l’ouverture de droits sociaux, ou n’ont pas de compte bancaire.

Or, comme le souligne l’association dans un rapport, les personnes sans domicile stable ne peuvent remplir ces conditions : parmi les 1 400 bénéficiaires pris en charge en 2021, seuls quatre sur dix considéraient leur logement comme «stable», quand plus de la moitié étaient hébergés par des proches, sans oser communiquer leurs coordonnées par peur d’un contrôle.

Sans adresse, et souvent sans emploi déclaré, pas de compte en banque, donc pas non plus de possibilité de s’affilier volontairement à la CNS (Caisse nationale de santé). Pourtant, la loi prévoit bien que toute personne résidente, même sans domicile fixe, a droit à un compte de paiement de base.

«Il est incompréhensible que dans un pays comme le Luxembourg, il n’y ait pas encore d’assurance maladie qui couvre tout le monde», dénonce Sylvie Martin, directrice de Médecins du monde. «La CUSS doit être légalisée et généralisée à toute la population actuellement exclue de l’assurance maladie», ajoute-t-elle, exhortant les différents partis politiques à s’emparer de ce thème et à l’intégrer dans leur programme électoral.

Des conséquences parfois irréversibles

Si le lancement concret du projet de CUSS l’an dernier représente un énorme pas en avant, il comporte toutefois des aspects qui restent problématiques pour une mise en œuvre la plus inclusive possible sur le terrain : pour bénéficier de cette mesure, les personnes ne doivent pas être affiliées à un système de protection sociale dans un autre pays, et justifier de plus de trois mois de présence sur le territoire – pour éviter des abus, selon le gouvernement.

Des adaptations pourraient être étudiées, alors que les chiffres collectés par Médecins du monde sont alarmants : 97 % des personnes accueillies vivent sous le seuil de pauvreté et 87 % déclarent n’avoir aucune aide pour payer leurs frais médicaux. D’où un manque de suivi médical et un état de santé fortement dégradé, avec des maladies à un stade avancé et des conséquences parfois irréversibles. La moitié des nouveaux patients présentent aussi une pathologie chronique nécessitant un suivi voire un traitement.

L’association révèle également que les difficultés d’accès aux soins ont tendance à s’inscrire dans la durée : «Les personnes vivent parfois de très nombreuses années au Luxembourg sans pouvoir aller chez le médecin alors qu’elles sont majoritairement atteintes de pathologies chroniques», explique Sylvie Martin. À peine 7 % des patients rencontrés disposaient d’une carte de la CNS, et une large partie ignorait si elle était encore active.

Enfin, pour que personne n’ait à renoncer à des soins, l’association plaide en faveur de la généralisation du tiers-payant à toutes les personnes vulnérables et ce, pour tous les actes médicaux, en attendant l’introduction du paiement direct immédiat, promis par le gouvernement au cours de ces prochains mois, et qui permettra de ne plus avoir à avancer le montant remboursé par la CNS chez son médecin ou son dentiste.

Les femmes davantage exposées

Si deux tiers des bénéficiaires de Médecins du monde en 2021 étaient des hommes, âgés de 30 à 49 ans pour la plupart, la proportion de femmes accueillies croît d’année en année, tandis qu’elles cumulent les difficultés : ainsi, 65 % se retrouvent dans une situation de dépendance en étant hébergées par de la famille ou un ami, faisant grimper le risque de d’abus. 62 % n’ont ni activité ni ressource et 85 % aucune prise en charge de leurs frais médicaux. Enfin, l’association observe que ces femmes accèdent difficilement à la médecine préventive (dépistages, frottis, contraception) quand 70 % auraient besoin d’un traitement régulier pour soigner une pathologie.

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