Accueil | A la Une | Protection des droits humains : des entreprises bien peu engagées

Protection des droits humains : des entreprises bien peu engagées


Les entreprises d’État ne sont pas des modèles en ce qui concerne l’application du devoir de vigilance, déplorent Cédric Reichel, Nadine Haas et Antoniya Argirova, de l’ASTM. (Photo : didier sylvestre)

L’ASTM a évalué les politiques de 27 entreprises d’État en matière de protection des droits humains. Les résultats, dévoilés hier, montrent un engagement «très faible».

La conclusion de l’étude menée par l’ONG Action solidarité tiers monde (ASTM) est sans appel : les entreprises d’État qui opèrent dans des secteurs économiques à risque en matière de droits humains ne sont pas exemplaires en ce qui concerne la mise en place de règles visant à protéger ces droits, autrement appelées «devoir de vigilance».

L’ASTM a en effet dévoilé hier les résultats de son analyse concernant les politiques de 27 entreprises à risque dans lesquelles l’État luxembourgeois détient la majorité des parts (17 sociétés privées et 10 établissements publics) destinées à garantir le respect des droits humains tout au long de leur chaîne de valeur. Pour mener cette étude, l’ONG s’est basée sur les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (PDNU), adoptés en 2011 et dont le Luxembourg est signataire, ainsi que sur la méthode d’évaluation développée par la World Benchmarking Alliance, une association de plus de 200 organisations de la société civile et du secteur privé, qui ont permis d’établir 12 indicateurs portant sur les trois domaines principaux : les engagements politiques des entreprises à respecter les droits humains, le processus de diligence raisonnable et, enfin, l’accès à des voies de recours pour les victimes.

Si l’ASTM n’a pu effectuer ces analyses qu’en s’appuyant sur les informations rendues publiques par les entreprises (certaines d’entre elles étant susceptibles d’en faire plus, d’autres moins, que ce qu’elles annoncent), le bilan n’en demeure pas moins édifiant : sur les 27 entreprises étudiées, 18 ont obtenu un score de 0 sur 24 points – ces entreprises n’ayant publié aucun document faisant référence à la prise en compte des droits humains dans leurs activités – et aucune entreprise n’obtient a minima la moyenne.

Seules neuf d’entre elles déclarent ainsi disposer d’éléments de politiques en matière de droits humains, à l’instar du Forestry and Climate Change Fund (FCCF), de Cargolux ou de l’Office du Ducroire (ODL), qui arrivent en tête de ce classement. Mais aucune ne satisfait complètement les critères des PDNU et du benchmarking. Et une seule sur 27 a publié un engagement en matière de recours pour les victimes.

Dans son compte rendu, l’ASTM déplore donc de la part des entreprises «un manque de conscience des responsabilités qui leur incombent». «Certaines oublient complètement l’aspect humain dans le concept de durabilité et prennent uniquement en compte l’aspect environnemental», relève Antoniya Argirova, responsable Plaidoyer au sein de l’ASTM.

L’État, mauvais élève

Pourtant, les différents indicateurs de benchmarking ainsi que des formations proposées dans le cadre du Plan d’action national sur les entreprises et droits humains, arrivé à échéance en décembre dernier, peuvent aider les entreprises à mettre en œuvre une politique de «diligence raisonnable» et des voies de recours, ont rappelé les représentants de l’ASTM.

Quant au gouvernement luxembourgeois, il s’était engagé dans ce PAN à promouvoir la mise en place de projets pilotes en la matière au sein des entreprises où sa participation est majoritaire, «afin de donner le bon exemple», selon les termes du ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn. «Aucune information» à ce sujet n’a été trouvée dans la documentation publique fournie par les entreprises. «Comment l’État peut-il attendre d’entreprises privées de faire ce que lui-même ne fait pas?», interroge Antoniya Argirova.

L’UE planche actuellement sur une proposition de directive concernant le devoir de vigilance des entreprises, mais sa transposition au niveau national ne se fera sans doute pas avant plusieurs années. De plus, «les seuils d’application de cette directive, liés au nombre d’employés et au chiffre d’affaires, sont tellement élevés que les entreprises d’État du pays ne vont pas être concernées», prévient Antoniya Argirova. L’ASTM, à l’instar de l’Initiative pour un devoir de vigilance dont elle fait partie, le répète donc une fois encore : «L’engagement volontaire ne suffit pas, il faut une loi nationale contraignante!».

Les résultats complets de l’étude sont à retrouver sur www.droitshumains-entreprises.org.

Les entreprises analysées

Finances : BCL (0); FCCF (10) ; FSIL ; LMDF (2) ; LuxSE (0) ; LuxTrust (0) ; ODL (5) ; Spuerkeess (0) ; SNCI (0).

Logistique : ALSA (0) ; Cargolux (5,5) ; CFL (0,5) ; lux-Airport (0) ; Luxair (2,5) ; Luxtram (0) ; Port de Mertert (0) ; SNCA (0) ; WSA (0).

Construction : Fonds Belval (0) ; Fonds du logement (0) ; Fonds Kirchberg (0) ; NEG (0,5) ; SNHBM.

Services : LuxCongrès (0) ; Technoport (0).

ICT : LuxConnect (0,5) ; Post (1,5).

Le chiffre entre parenthèses est le score obtenu par l’entreprise sur un total de 24 points.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.