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LuxFilmFest : cinéma virtuel et réalités humaines


Documentaire bâti autour d’une narration proche de la fable, «Container» offre une réflexion sur l’esclavage moderne et l’humain comme rouage du capitalisme. (Photo : Saltpeter)

De retour dans les salles voûtées de Neimënster, le Pavillon VR du LuxFilmFest propose des œuvres engagées, utilisant les techniques de demain pour raconter les dures réalités d’aujourd’hui.

Toujours plus fourni, toujours plus généreux : c’est le mot d’ordre qui semble être passé d’année en année au Pavillon réalité virtuelle (VR), inauguré mercredi soir, à la veille du coup de départ du LuxFilmFest.03

Cette sixième édition du Pavillon VR, bien implanté au cœur de Neimënster, ne déroge pas à ses principes : composée d’une sélection d’œuvres internationales déjà primées (Venise, SXSW, Thessalonique…), d’autres plus inaperçues, et, enfin, d’expériences immersives donnant à apprécier le savoir-faire luxembourgeois en matière de VR.

Soit onze œuvres, en tout, qui contribuent une fois de plus à placer le LuxFilmFest parmi les manifestations pionnières de ces nouvelles réalités et grâce auxquelles l’évènement se pose bel et bien en «lieu de rencontre des expériences visuelles de demain et du cinéma plat», selon l’expression que chérit le directeur du Film Fund Luxembourg, Guy Daleiden.

Il y a du grand spectacle : Éternelle Notre-Dame offre une immersion dans la cathédrale parisienne, et Space Explorers – Spacewalkers donne la possibilité au spectateur d’admirer notre planète depuis la Station spatiale internationale.

Les cinéphiles seront, eux aussi, servis avec le poétique et onirique All That Remains, ou la coproduction luxembourgeoise Missing Pictures, qui fait vivre des films jamais réalisés de cinéastes tels que Naomi Kawase ou Abel Ferrara. Si l’on doit néanmoins dégager une thématique, une se dessine en particulier, qui tire profit de la narration immersive pour mieux explorer la frontière entre fiction et réalité.

Histoire d’une civilisation

Le Pavillon VR avait déjà donné une place de choix à des œuvres engagées par le passé – Reeducated racontait la vie en camp de travail en Chine, The Book of Distance se penchait sur les questions d’immigration et de racisme, celles du genre et du droit à l’éducation étaient au cœur de Daughters of Chibok… –, et celles présentées cette année brillent par leur qualité.

À commencer par From the Main Square, expérience interactive à 360° dans laquelle le spectateur, très sollicité, observe le monde depuis la place centrale d’une ville qui se construit devant ses yeux, se développe, s’épanouit, se contredit et, finalement, fait face à la rupture sociale. Le réalisateur, Pedro Harres, né à Porto Alegre, mais basé en Allemagne, cache à peine s’être lancé dans une allégorie du Brésil de Bolsonaro. «Berlin devant les yeux, le Brésil dans le cœur», a-t-il précisé.

Dans ce film aux mille idées, basé sur une animation 2D au design à la fois simpliste et détaillé, le spectateur peut utiliser une longue-vue pour regarder ce qui se passe au loin, au balcon d’un appartement par exemple; chaque moment observé, partout autour du spectateur, fait avancer l’histoire à sa manière, souvent à travers des saynètes à l’humour noir ou absurde. Rarement une œuvre de VR n’aura été pensée, tant dans ses techniques de narration que dans son message, de manière aussi aboutie.

Ultraréalisme et rêve

Avec Kubo Walks the City, de l’artiste sud-coréenne Hayoun Kwon, on marche dans les pas de The Book of Distance, même si son dessin au trait épais et en noir et blanc relève plus du film noir. En marchant sur les traces de l’écrivain-flâneur Kubo, on découvre les différentes facettes du Séoul de 1934 sous occupation japonaise : le fossé entre une précarité qui subsiste et la modernité apportée par l’occupant, les différentes formes de résistance, notamment dans les arts, la presse et le sport…

Le film utilise la fiction pour dévoiler une réalité historique, dont la précision des détails relève du travail documentaire.

Plus proche encore du documentaire, mais au sein d’un concept qui joue lui aussi la carte de la métaphore, Container, des Sud-Africains Meghna Singh et Simon Wood, vise à montrer les corps invisibles qui sont les rouages de notre société de consommation.

Réflexion sur l’esclavage moderne à partir du naufrage d’un navire d’esclaves au XVIIIe siècle, le film prend place à l’intérieur d’un container à la forme changeante, tel un labyrinthe, dans lequel on présente des humains du bout du monde, soumis à la servitude du capitalisme, comme des produits.

Ultraréalisme et rêve cohabitent dans la même image dans Container, démontrant, aux côtés de ses pairs, la vitalité sans limites du cinéma de demain. Les œuvres sont à découvrir pendant toute la durée du LuxFilmFest et jusqu’au 19 mars, avec, à nouveau, la possibilité de louer un casque VR afin d’expérimenter à la maison.

Jusqu’au 19 mars.
Neimënster – Luxembourg.

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