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Luxembourg : les fractures sociales s’amplifient encore


Nora Back, la présidente de la Chambre des salariés, constate que «la richesse du pays est toujours inégalement répartie». (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Malgré sa richesse économique, le Grand-Duché ne parvient pas à réduire les inégalités sociales. Le risque de pauvreté reste à la hausse, même parmi les personnes disposant d’un travail.

L’équation n’est toujours pas résolue à l’approche des prochaines élections législatives. «Le Grand-Duché est l’un des pays économiquement les plus développés au monde, ce qui n’empêche cependant pas des failles sociales bien réelles. Alors pourquoi ce pays prospère ne parvient-il toujours pas à réduire significativement les inégalités sociales et la précarité», s’interroge Nora Back, la présidente de la Chambre des salariés (CSL).

Les constats du Panorama social 2023, publié jeudi, sont inquiétants. «La richesse du pays est toujours inégalement répartie et le taux de risque de pauvreté progresse encore, rendant des milliers de personnes vulnérables aux aléas de la vie. Pourtant, et malgré la crise sanitaire et la crise énergétique, le Luxembourg a gardé un dynamisme économique enviable», développe Nora Back. Plus que jamais, la cohésion sociale serait menacée : «La pauvreté et les inégalités touchent particulièrement certaines personnes et pas d’autres, rendant la cohésion sociale du pays de plus en plus fragile.»

Le taux de pauvreté grimpe à 18,1 %

Malgré tous les efforts entrepris par les gouvernements successifs, le Luxembourg ne parvient pas à sortir d’un cercle vicieux. Le premier facteur responsable du creusement continu des inégalités sociales est que le revenu des 20 % les plus riches est 4,6 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres (chiffres de 2021). La progression des salaires est également plus faible pour les travailleurs les moins bien rémunérés. Une des conséquences est que le taux de risque de pauvreté connaît une hausse quasiment ininterrompue, passant de 13,6 % de la population en 2006 à 18,1 % en 2021. Sans les prestations sociales – qui représentent presque la moitié du budget annuel de l’État – la pauvreté guetterait 42,9 % de la population.

Plusieurs facteurs viennent amplifier ce phénomène, dont l’inégalité des salaires. En raison d’un coût de la vie élevé – en premier lieu le logement – ce sont les familles monoparentales et aussi les familles nombreuses qui sont le plus menacées par la pauvreté. Pour ce qui est des monoparentaux, le Luxembourg figure, depuis 2006, dans le trio de tête de la zone euro en matière de risque de pauvreté (42,4 % en 2021, seules Malte et l’Espagne font pire). Les couples ayant deux enfants ou plus présentent désormais aussi un risque très élevé de pauvreté (40,3 %). Seule l’Espagne présente un taux plus élevé (41,4 %).

Des salaires trop bas

Seuls les couples sans enfant ou avec un seul enfant à charge, vivant en 2022 du salaire social minimum, disposent d’un revenu qui leur permet de s’éloigner du seuil de risque de pauvreté. Pour toutes les autres familles, surtout les monoparentales, le revenu mensuel est inférieur au seuil de pauvreté. La situation se complique encore pour les familles monoparentales avec un ou deux enfants, mais aussi les célibataires sans enfant, dont le revenu mensuel est à la fois inférieur au seuil de pauvreté et au budget de référence, soit un revenu qui permette de s’assurer un niveau de vie minimum adéquat et qui permette de participer à la vie en société.

Plus d’un tiers des locataires (35 %) vivaient en 2021 au bord de la pauvreté. Parmi les propriétaires, le taux de risque de pauvreté se situe à 11,6 %. L’écart de 23,6 points place le Luxembourg en quatrième position des pires élèves européens en la matière.

Un autre phénomène grandissant est celui des travailleurs pauvres. En 2021, près d’un salarié sur sept (13,5 %) était confronté au risque de pauvreté. Le Grand-Duché est, dans cette catégorie, le plus mauvais élève parmi les pays de la zone euro (moyenne de 8,9 %). En 2010, le taux de travailleurs pauvres pointait encore à 2 % de la population active.

Tout coup du sort risque d’encore amplifier les fractures sociales. Selon la CSL, un cinquième des ménages (21,5 %) se disait, en 2021, incapable de faire face à une dépense imprévue de quelque 2 000 euros. Le taux grimpe à 45,1 % pour les monparentaux et à 36,2 % pour les familles nombreuses.

Inquiétude sur les jeunes

La Chambre des salariés salue la baisse du taux de chômage à moins de 5 % de la population active. Un point précis inquiète néanmoins : la proportion de jeunes demandeurs d’emploi reste élevée.

Selon les chiffres présentés hier, les 15-24 ans ont un risque quatre fois plus élevé de se retrouver au chômage que les 15-64 ans. Le Luxembourg présente le ratio le plus élevé parmi les pays de la zone euro, où le ratio moyen est de 2,1. Le taux d’emploi des 15-24 ans (27,4 %) figure parmi les plus faibles. Ce chiffre est à relativiser, car de nombreux jeunes poursuivent encore des études, secondaires ou supérieures. Néanmoins, le nombre de jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) grimpe, en 2021, à 8,7 %, le taux le plus élevé depuis 2000, également supérieur à la moyenne historique, inférieure à 6 %. Un bond de 2 points est à déplorer par rapport à 2020.

Tous ces chiffres sont d’autant plus inquiétants que les 18-24 ans en situation de chômage présentent un risque de pauvreté (monétaire) et d’exclusion sociale (matériel) qui pointe à 53,7 %.

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