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[Le portrait] Laurence Moris (UC Dippach), défricheuse de talents


Laurence Moris est entraîneur et directeur sportif de l’UC Dippach depuis une bonne dizaine d’années. Rencontre avec une personnalité forte du cyclisme luxembourgeois.

Comme un cri du cœur! Aussi puissant que spontané. «Merci à Laurence Moris, mon entraîneur, qui m’a fait un plan précis et parfait pour être en forme le jour J», glisse, hilare, Mil Morang début janvier à Mamer, à l’issue des championnats nationaux de cyclo-cross qu’il vient de terminer à la deuxième place du haut de ses dix-huit ans. Au mois de juin, il avait tenu les mêmes propos à Nospelt lorsqu’il était devenu champion national juniors sur route.

«Elle m’a toujours bien soutenu et a toujours cru en mes capacités»

Michel Ries (24 ans), professionnel chez Arkéa-Samsic, qui s’apprête à disputer Paris-Nice, témoigne également de l’importance qu’a occupée Laurence Moris dans sa réussite.

«Laurence était mon entraîneur pendant toutes les catégories jeunes jusqu’à ce que je rejoigne Kometa (avant de rejoindre Trek-Segafredo en 2020) en 2018. Chez les débutants, puis chez les juniors, nous avions une très belle équipe à Dippach avec Luc Wirtgen, Colin Heiderscheid et Tristan Parrota. Je pense que l’engagement de Laurence n’y est pas étranger. Elle nous permettait d’effectuer un beau programme de course et de stages. Personnellement, elle m’a toujours bien soutenu et a toujours cru en mes capacités. Elle m’a donné confiance, ce qui m’a aussi permis de devenir pro. C’est forcément une personne importante dans ma carrière. Elle m’a beaucoup aidé et, aujourd’hui, elle poursuit sa mission auprès des jeunes coureurs de Dippach, je suis admiratif», explique ainsi Michel Ries.

«Quand le travail donne quelque chose, ça fait plaisir…»

Pareil message de reconnaissance va forcément droit au cœur de la principale intéressée. Elle ne le nie pas. «Quand le travail donne quelque chose, ça fait plaisir…», consent-elle seulement. Mais on comprend qu’elle ne s’y attarde pas plus que de raison. Sa vocation, car chez elle, il semble bien qu’il s’agisse de cela, reprend vite le dessus.

C’est le lot de bien des entraîneurs. Laurence Moris n’est certainement pas la seule à passer beaucoup de son temps libre à élaborer des plans, des programmes, à planifier des stages et des courses. Comme elle cumule les fonctions de directeur sportif, elle prend aussi le volant et se range avec naturel dans la file des directeurs sportifs. Ce n’est évidemment pas banal dans un sport longtemps teinté de machisme. «Il y a bien eu quelques réticences au début du fait que je sois une femme, mais généralement, c’est vu comme quelque chose de positif», sourit-elle.

La réputation de Laurence Moris dans le milieu du cyclisme n’est plus à faire. Pour mieux situer son parcours, il faut revenir aux origines. C’est son père, Jean Moris, «un fou de cyclisme», qui lui a transmis le virus. Elle file aux arrivées du Tour de Luxembourg. Suit à la télévision les plus grandes courses, et surtout Lucien Didier, le coéquipier luxembourgeois de Bernard Hinault, Greg Lemond et Laurent Fignon. Ce même Lucien Didier qui va l’introniser entraîneur de l’UC Dippach près de 25 ans après sa carrière. On y reviendra…

«J’ai participé à toutes sortes d’épreuves»

Cette employée des CFL (bureau d’études) a commencé le cyclisme à l’UC Pétange comme pratiquante. Bon an, mal an, elle roule jusqu’à environ 8 000 kilomètres par an, avec l’unique ambition personnelle de se faire plaisir. C’est sur les cols italiens du Stelvio ou du Gavia qu’elle emmagasine le plus de sensations. «J’ai participé à toutes sortes d’épreuves, des cyclo-sportives et aussi des courses sur route, mais à un moment, j’ai eu envie de me tourner vers la fonction d’entraîneur…»

Faute de coureurs à l’UC Pétange, cette habitante de Reckange-sur-Mess frappe à la porte de l’UC Dippach, où le maître des lieux n’est autre que… Lucien Didier. On y revient. Nous sommes en 2009.

«Le club m’a accueillie les bras ouverts. Lucien Didier, justement, m’a apporté sa confiance», assure Laurence.

«La personne idéale pour prendre la relève»

«Avec l’âge, je commençais à fatiguer et comme Laurence s’intéressait beaucoup à ce domaine de l’entraînement et à la fonction de directeur sportif, on a vite compris que c’était la personne idéale pour prendre la relève. Moi aussi, je suis admiratif de ses compétences et du temps qu’elle passe. Les coureurs ont confiance en elle. Elle suit nos coureurs des minimes aux espoirs. Elle organise les déplacements, les stages. Elle sait tout faire. Sa vie est orientée cyclisme», remarque la figure tutélaire de l’UC Dippach du haut de ses 73 ans.

Il n’est pas rare de les voir échanger dans les aires d’arrivée des courses ou le long des circuits de cyclo-cross. «Laurence me demande encore conseil de temps à autre, mais elle est largement compétente pour tout gérer elle-même», poursuit Lucien Didier.

La méthode de Laurence Moris a donc fait ses preuves. Depuis ses débuts, le domaine de l’entraînement, avec les capteurs de puissance et tous les outils mis à la disposition des sportifs, a bien sûr fait évoluer le secteur. On ne rentrera pas ici dans ces détails qui n’en sont pourtant pas.

«Le mieux pour nos athlètes, c’est de comprendre leur entraînement, d’apprendre à se connaître, à s’adapter…» Les échanges avec Lucien Didier, comme avec les entraîneurs nationaux, que ce soient Luc Nothum, Michel Wolter, Heiko Lehmann et désormais Jempy Drucker, nourrissent son appétit et sa constante progression.

«Créer une équipe junior de haut niveau»

«C’est la grande passion qui m’accompagne», confirme encore celle qui préfère le labeur à l’artifice. Elle ne s’est fixé aucune limite. Mais elle sait aussi que l’érosion fait partie des choses naturelles de la vie. «Je ne ferai pas ça jusqu’à mes 80 ans, c’est certain, coupe-t-elle. Quand je vois Lucien continuer à se dévouer, moi aussi, je suis admirative. Mais si à un moment, je ne vois plus de sens à ce que je fais, alors, oui, je pourrais m’arrêter.»

Nous n’en sommes pas là, fort heureusement. Laurence Moris poursuit inlassablement sa mission pour le plus grand bien de l’UC Dippach et plus généralement du sport cycliste luxembourgeois. «Je vois que le bon travail est apprécié. Nous proposons un programme de course, de stage, d’entraînement et un encadrement général. Les jeunes ont besoin de quelqu’un qui les écoute, les prenne au sérieux, réponde aux besoins. J’essaie de créer un environnement qui leur permet de se développer individuellement au bon rythme», poursuit celle qui prend actuellement sous ses ailes plus spécifiquement les coureurs U17 pour les faire accéder au palier juniors en 2024.

Elle regrette l’enchaînement des saisons, toujours dévoreur d’énergie et se force «à lâcher prise» en octobre ou en février. Ce qui est fort peu… Car elle a encore un rêve à transformer en réalité. «Créer une équipe junior de haut niveau et la faire courir les courses UCI Juniors en Europe.» Défricheuse de talents…

En bref

Laurence Moris, 53 ans, travaille dans un bureau d’études des CFL. D’abord licenciée à l’UC Pétange, elle a rejoint en 2009 le club de l’UC Dippach, où elle remplit actuellement les fonctions d’entraîneur et de directeur sportif.

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