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[Festival de Cannes] Avant-gardes et évolutions du cinéma national


Le Film Fund a souligné avoir la tête tournée vers le futur, lors de la traditionnelle journée luxembourgeoise à Cannes, qui accueillait pour la première fois le couple grand-ducal.

Il est peu dire que cette année, au pavillon luxembourgeois du festival de Cannes, tous les regards et les honneurs étaient tournés vers la prouesse réalisée par Les Films Fauves. Avec trois films dans trois sélections différentes – la compétition officielle pour Jeunesse (Le Printemps) de Wang Bing, Un certain regard pour Los delincuentes de Rodrigo Moreno et la Quinzaine des cinéastes pour Conann de Bertrand Mandico –, le producteur Gilles Chanial a même été salué comme un «wunderkind»; pour le directeur du Film Fund Luxembourg, Guy Daleiden, il est même «le Superjhemp de l’année».

Vendredi soir, à la veille de la traditionnelle journée luxembourgeoise, l’opéra queer et expérimental Conann avait triomphé dans l’enceinte du Théâtre Croisette, offrant au producteur la fin rêvée de trois jours de projections intenses. «On a tous envie d’être à la place des Films Fauves», soulignait Xavier Bettel, leur présence à Cannes étant à elle seule garante de «la richesse de notre communauté».

Et alors que les principaux acteurs de l’industrie nationale du cinéma se sont succédé au micro, l’intervention de Gilles Chanial avait quelque chose de prophétique, sinon définitif, quant à imaginer l’avenir du cinéma luxembourgeois : «Le point commun de ces trois films, c’est qu’ils font exception. Cette exception, on peut la défendre grâce au soutien que l’on reçoit, mais elle reste un travail constant à tous les niveaux : de la part des producteurs, des cinéastes, des talents…»

Comprendre, donc, que le Luxembourg s’engage plus que jamais dans un art qui lui confère son identité – ce qu’il compte poursuivre à l’avenir. Guy Daleiden avait déclaré vendredi, dans la revue professionnelle Écran total : «Il y a une trentaine d’années (…) On se focalisait sur les dépenses économiques réalisées au Luxembourg. Aujourd’hui, nous regardons les dépenses en créativité et en éléments culturels.» Des propos auxquels a fait écho le Premier ministre et ministre de la Communication et des Médias : «On ne veut pas financer du box-office, mais de la culture, donc de la réflexion.»

Trois axes pour l’avenir

Le soutien politique de cet engagement n’est, lui non plus, pas à prouver, ainsi que le suggérait la présence du couple grand-ducal sur la Croisette. Xavier Bettel peut bien nous resservir la même formule à chaque festival de Cannes («Les films ne sont pas dépenses mais un investissement»), tant que l’on peut constater qu’elle se confirme toujours plus, année après année.

Cette journée luxembourgeoise ne joue donc pas d’effet de surprise. «Le secteur se porte très bien et a connu des succès internationaux» ces douze derniers mois, dit Guy Daleiden. À tel point que l’envie de s’émanciper du fonctionnement policé d’une telle industrie a fait ses petits : en plus des quatre films soutenus par le Film Fund, le cinéaste et producteur Cyrus Neshvad (sélectionné cette année aux Oscars pour son court métrage La Valise rouge) a «investi seul» dans le film iranien Terrestrial Verses, d’Ali Asgari et Alireza Khatami, en compétition à Un certain regard.

On le sait, le covid a «complètement transformé le secteur, en Europe et à l’international», rappelle Guy Daleiden. Le moment est venu de «regarder vers l’avenir» plus sérieusement, ce que le Film Fund traduit à travers trois axes : «la transition entre précurseurs du cinéma luxembourgeois et la jeune génération»; la «diversité hommes-femmes-non-binaires et la diversité des cultures»; et «la durabilité du secteur».

Des mesures sont déjà en place, Cannes étant l’endroit où elles devaient se confirmer : c’est le cas d’un programme signé avec l’Irlande pour «développer le travail des femmes scénaristes et réalisatrices», initiative que le Film Fund entretient aussi avec la France, par l’intermédiaire d’un travail avec le collectif 50/50, qui vise à la parité hommes-femmes dans le milieu.

Il en va de même pour la «discussion avec les associations, techniciens, producteurs et réalisateurs» qui vise à établir cette fameuse transition vers le futur du secteur – comprendre : le développement de la réalité virtuelle, secteur sur lequel le Luxembourg est à l’avant-garde en Europe (lire encadré), mais aussi l’inclusion des plateformes de streaming et des nouveaux moyens de diffusion dans le modèle économique.

Le 10e Filmpräis en novembre

Quant à la volonté du secteur d’être durable, Guy Daleiden a suffisamment de coproductions derrière lui pour être clair : «Attirer d’autres pays pour des échanges de services n’est pas très écologique, ni même efficace.» L’affaire reste à suivre. Car si «de plus en plus de monde nous représente, au Luxembourg comme à l’international», tel que l’a proclamé Donato Rotunno, nouveau président de l’Union luxembourgeoise de la production audiovisuelle (ULPA), alors la question écologique doit être traitée urgemment, comme partout où elle se pose.

La journée luxembourgeoise étant l’occasion de célébrer la vitalité du cinéma «made in/with Luxembourg», on en profite pour «teaser» quelques nouvelles. Yann Tonnar, président de la Filmakademie, nous apprend que la 10e édition du Lëtzerbuerger Filmpräis, qui a lieu tous les deux ans, se tiendra le 11 novembre prochain, tandis que Guy Daleiden glisse travailler à deux nouveaux accords, l’un avec Israël, l’autre avec la Palestine.

Et le Luxembourg creuse encore son aide à la production cinématographique ukrainienne : trois mois après que le Film Fund a participé au fonds de soutien européen pour les films ukrainiens, le Premier ministre est allé rendre visite au pavillon de l’Ukraine, les assurant du soutien du Grand-Duché. Le Luxembourg, on aime le rappeler, est un petit pays; son cinéma contribue à en faire un grand.

Objectif jeu vidéo

Tous les acteurs du secteur cinématographique luxembourgeois sont d’accord sur un point : la réalité virtuelle (VR) est une force au Luxembourg, faisons en sorte que le pays qui est aujourd’hui à l’avant-garde de cette nouvelle manière d’appréhender le cinéma en soit, demain, l’un de ses illustres représentants.

La décoration de Myriam Achard, directrice du Centre PHI à Montréal, est à voir comme un signe. En recevant, samedi, l’ordre de Mérite du Grand-Duché de Luxembourg des mains du Grand-Duc Henri, celle qui occupe au Luxembourg le rôle de curatrice du Pavillon VR du LuxFilmFest renouvelle l’engagement passionné qu’elle a su apporter depuis le Québec, partenaire de choix du pays pour opérer une transition vers les nouvelles possibilités de l’industrie.

Le secteur de la production VR se porte à merveille, annonce Mark Mertens, venu représenter l’Association luxembourgeoise des producteurs d’animation et d’expériences immersives (ALPA/XR), à tel point que «la qualité luxembourgeoise est vue et reconnue internationalement». «Évidemment, le succès que l’on connaît aujourd’hui doit continuer», poursuit Mark Mertens

L’intérêt que ce medium suscite auprès des sociétés de production du pays devrait résulter autant comme un moyen d’étendre le champ de vision du spectateur que de multiplier les apports de cinéastes affirmés qui s’intéresseraient à de nouvelles techniques pour expérimenter leur art.

La prochaine étape, pour les professionnels du cinéma immersif, c’est le jeu vidéo. La réalité virtuelle a suffisamment fait ses preuves pour que le Luxembourg s’essaye à cette autre technique, toujours dans l’optique de trouver de nouveaux chemins narratifs et esthétiques. Mark Mertens reconnaît qu’il y a encore long à faire pour y parvenir, mais, plus qu’une envie, la transition vers le jeu vidéo est un objectif qui se joue dès maintenant. «Nous devons chercher des réponses à ce monde changeant», lance-t-il. Avis aux «gamers»…

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