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Claudie Haigneré, première Européenne dans l’espace : «Je rêvais d’aller sur la Lune»


Le Pr Miguel Olivares Mendes, le directeur du groupe de recherche, a présenté le LunaLab à Claudie Haigneré.

L’astronaute Claudie Haigneré était en visite mercredi au Luxembourg. Elle y a découvert le LunaLab et rencontré des étudiants du master interdisciplinaire dédié au spatial.

Claudie Haigneré est la première Française et Européenne à être allée dans l’espace. Médecin, chercheuse et anciennement ministre, elle est aujourd’hui ambassadrice de l’Agence spatiale européenne (ESA).

Elle donne régulièrement des conférences, comme elle l’a fait mercredi au lycée Vauban, après avoir visité plusieurs écoles du pays ainsi que le LunaLab.

Vous venez de découvrir le LunaLab. Que vous inspire ce laboratoire ?

Claudie Haigneré : Depuis quelques années, je travaille avec l’ESA sur les infrastructures qui seront installées de façon permanente sur la Lune – ce qui va arriver très vite. Le LunaLab est une très belle plateforme pour travailler.

En plus, elle s’inscrit dans le cadre d’un consortium d’universités européennes, ce qui est très intéressant en termes de mobilité et va permettre de trouver des talents. Je ne pouvais pas manquer ça en venant au Luxembourg !

20221130.HM. L’astronaute Claudie Haigneré visite le LunaLab (simulation de la Lune pour les rovers) et rencontre les étudiants en Space Master et Space Law de l’Université. Photo : Hervé Montaigu

La mission Artemis III va signer le retour des hommes sur la Lune. Vous êtes vous-même allée dans l’espace il y a une vingtaine d’années. Regrettez-vous de ne pas avoir pu marcher sur cet astre ?

Pour moi, tout est né de juillet 1969 : j’avais 12 ans lorsque l’homme a posé le pied sur la Lune et je rêvais d’y aller moi aussi, cela a fait partie de mes motivations. Après, j’ai eu la chance d’effectuer deux missions spatiales (NDLR : en 1996 à bord de la station russe Mir et en 2001 à bord de la Station spatiale internationale (ISS)), j’ai passé dix ans de ma vie en Russie, travaillé sur des programmes expérimentaux et participé à leur développement…

J’ai eu une carrière riche et plusieurs vies après ma carrière spatiale. Et même si je dis toujours en riant que l’une de mes frustrations est de ne pas avoir pu marcher sur la Lune, je suis très impliquée pour permettre à la jeune génération d’y aller.

Peut-on espérer qu’une Européenne sera la première femme à marcher sur la Lune ?

Non, ce sera une Américaine. Artemis est la sœur jumelle d’Apollon, et il y a pour l’instant eu douze hommes sur la Lune. Artemis III, la mission qui se posera sur la Lune, est une mission strictement américaine, même s’il y a des contributions et des partenariats étrangers.

Il y a d’ailleurs eu de belles contributions de l’ESA dans le programme d’exploration, ce qui va nous permettre de consolider nos activités sur l’ISS, la construction de l’I-Hab et d’ESPRIT, les deux modules du gateway (NDLR : la station spatiale lunaire) autour de la Lune.

Les États membres ont aussi donné leur accord pour commencer les études sur l’Argonaute, l’alunisseur qui permettra d’apporter des charges utiles de 1,5 à 1,8 tonne. C’est une contribution importante de l’Europe dans la mission d’exploration lunaire.

Or plus les contributions sont importantes, plus l’Europe aura d’impact sur la définition de standards et de normes ainsi que sur la présence d’astronautes. Pour l’instant, nous avons négocié trois vols d’astronautes européens, plutôt en orbite autour de la Lune.

Les jeunes filles se sont senties plus autorisées à candidater. Peut-être parce que j’ai incarné quelque chose pour des jeunes Françaises

L’invasion russe complique-t-elle la tenue de certains programmes ?

Sur le plan de la coopération scientifique et des objectifs de recherche, il y a quand même pas mal d’échanges et la coopération à bord de l’ISS fonctionne bien. Mais tout le reste a été interrompu : Soyouz, l’atterrisseur Kazachok pour aller sur Mars, les sondes lunaires…

Il y a toutefois une leçon à en tirer pour l’Europe : il faut qu’elle soit plus autonome dans ses capacités et plus résiliente, c’est-à-dire savoir changer de supports et de partenaires.

Nous sommes par ailleurs aussi très attentifs à ce qui se passe en Chine, qui vient de réussir son premier transfert d’astronautes en orbite et qui compte utiliser sa station (NDLR : Tiangong) de façon permanente. Elle veut déposer son premier équipage sur la Lune en 2030. Il y a donc une course avec les missions Artemis.

La dernière promotion d’astronautes de l’ESA, présentée il y a quelques jours, est quasiment paritaire : sur les 22 000 postulants issus de tous les États membres, 17 candidats ont été retenus, dont huit femmes. Les femmes s’ouvrent-elles à la filière astronautique ?

Lorsque j’ai été sélectionnée, en 1985, il y avait 10 % de candidatures féminines et une seule astronaute parmi les sept retenus. Pour la promotion de Samantha Cristoforetti (NDLR : l’Italienne est la première Européenne à avoir pris le commandement de la Station spatiale internationale), il y en avait 14 %. Cette fois-ci, il y a eu 24 % de candidatures féminines : c’est un beau progrès.

Photo : Hervé Montaigu

Je pense en effet que les jeunes filles se sont senties plus autorisées à candidater. Peut-être parce que j’ai incarné quelque chose pour des jeunes Françaises, Samantha pour des jeunes Italiennes, etc. Il faut aussi savoir qu’à la fin du processus de sélection, il y avait 40 % de candidates retenues. Ce qui signifie que non seulement il y avait plus de femmes intéressées, mais aussi qu’elles étaient excellentes !

Ce qui est également intéressant dans cette promotion, c’est la diversité des profils : il y a des pilotes civils et militaires, des ingénieurs biomédicaux, roboticiens, électriques, des astrophysiciens, des médecins, des chirurgiens… À mon époque, il n’y avait presque que des militaires, des pilotes de chasse et des pilotes d’essai. On a ouvert le spectre, cela va encourager des jeunes gens à envisager cette carrière.

C’est un message que vous essayez de faire passer en allant dans les lycées et en donnant des conférences, comme ici au Luxembourg?

Oui, j’essaye d’incarner le métier, ce que la science et la technologie peuvent apporter sur le plan personnel, mais aussi pour la société. Ce sont des métiers passionnants et stimulants, qui donnent le pouvoir d’agir, des métiers d’ouverture et de coopération, qui permettent de rencontrer des tas de gens différents.

LunaLab : le Luxembourg à la pointe

Mercredi, Claudie Haigneré a pu découvrir le LunaLab de l’université du Luxembourg. Le laboratoire, situé au sous-sol du campus Kirchberg, consiste en une pièce noire de quelque 80 m², dont le sol est recouvert de basalte et agrémenté de faux rochers. Il est censé simuler les conditions lunaires afin de tester et développer des programmes de navigation pour les robots lunaires.

C’est l’un des onze laboratoires de l’université nationale, en pointe en matière d’études spatiales et qui compte déjà plusieurs partenariats commerciaux dans le domaine. Depuis 2019, un master interdisciplinaire (Interdisciplinary space master), sélectif, y est dispensé, axé sur l’aspect tant technique que commercial du domaine spatial.

L’université fait partie d’«UNIVERSEH», un projet européen qui vise à construire une «université européenne» axée sur le secteur spatial, aux côtés de l’université de Toulouse Midi-Pyrénées (France), l’université de Lulea (Suède), l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf (Allemagne) et l’université des sciences et des technologies AGH (Pologne).

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