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[Le portrait] Mehdi Terki, l’homme qui ouvre les portes


«Tôt ou tard, une porte va s’ouvrir. Et quand elle s’ouvrira, il faudra être prêt», lui répétait son père. (Photo: archives Editpress/Gerry Schmit)

Si le Swift devient champion du Luxembourg, son capitaine Mehdi Terki sera le premier Hesperangeois à soulever le trophée. Une rareté dans une carrière où les choses ont parfois tardé à arriver.

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Dans un club en mouvement perpétuel et où l’ancienneté est aujourd’hui une notion bien relative, comment s’y prend-on, tiens, pour désigner son capitaine ? À son retour à Hesperange l’été dernier, la question était d’autant plus aiguë pour Pascal Carzaniga qu’elle ne s’était pas trop posée auparavant : «Quand je suis arrivé à Dudelange (en 2013) ou au Swift (2020), c’était Joubert, et à Differdange (2016), c’était Jänisch.»

Quand il est revenu au Swift, c’était Jerry Prempeh, mais puisque le Ghanéen l’était plus «par obligation» que par vocation, le technicien a réattribué le brassard en fonction d’une colonne essentielle sur le CV de ses gars : l’expérience qui, couplée à sa position sur le terrain, «au cœur du jeu» et «dans la zone de l’arbitre», a fait de Mehdi Terki et 100 matches de D1 belge (play-offs inclus) un élu à demi-surpris seulement : «Avant, pendant et après l’entraînement, je bosse beaucoup.»

«Tôt ou tard, une porte va s’ouvrir»

Bosser, c’est ce que le milieu né à Maubeuge, une ville du nord de la France qui a vu naître le champion du monde 2018 Benjamin Pavard (Bayern), mais aussi le néo-international algérien et ex-Dudelangeois Kevin Van den Kerkhof (Bastia), s’est toujours efforcé de faire. Ce, dès l’adolescence, «conscient d’une chose» inculquée par son père : «Tôt ou tard, une porte va s’ouvrir. Et quand elle s’ouvrira, il faudra être prêt.»

Une histoire de portes qui s’ouvrent, plus ou moins tôt, et se ferment, parfois au mauvais moment : voilà une bonne manière de résumer la carrière d’un garçon lancé en équipe première de l’US Maubeuge, alors en Division d’Honneur (l’ancien nom du Régional 1, le 6e échelon du foot français), à tout juste 17 ans, fin 2008, mais qui aura été le dernier, chez les Espoirs du RAEC Mons, rejoints à l’été 2009, à se voir donner sa chance en D2 belge, en mai 2010 lors de l’ultime journée.

À Constantine, si tu prends un petit pont, ta séance d’entraînement est morte!

Mais Mehdi Terki était prêt, si bien que le coach montois de l’époque, Geert Broeckaert, lui a instantanément donné rendez-vous à la reprise. Six mois plus tard, le joueur de complément présumé est déjà installé dans l’entrejeu d’un RAEC qui sera promu en D1 en fin de saison. Sans lui : déçu de l’offre de contrat hennuyère, le Maubeugeois s’est mis d’accord dès l’hiver avec La Gantoise. Un frein plutôt qu’un tremplin.

Invitée à faire ses preuves chez les espoirs à son arrivée par un entraîneur (le Norvégien Trond Sollied) qui ne la connaît guère, la recrue se fait démolir la cheville dès son premier match amical et rechute à son retour trois mois plus tard. Si les journées chez le kiné sont l’occasion de glaner de l’expérience auprès de l’international belge Christophe Lepoint (aujourd’hui équipier de Timothy Martin à Seraing), la saison s’achève sans le moindre match. Son contrat pro, résilié, aussi.

Alors qu’il aurait pu la fréquenter dès l’été 2011 avec Mons, sa découverte de la Jupiler Pro League attendra février 2016. Le temps pour Terki de se refaire la cerise et se faire un nom à Dender, pensionnaire de D3 de son arrivée en 2012 à son départ trois ans et demi plus tard pour Lokeren. Une expérience entrecoupée d’une parenthèse de six mois en Algérie, le pays de ses grands-parents, au CS Constantine.

Un club «à la ferveur de fou» – «tu t’entraînes devant 10 000 personnes : si tu prends un petit pont, ta séance est morte !» – et dont Hedi Belameiri, son équipier au Swift, est une petite légende depuis qu’il lui a offert son second titre national en 2018, mais où son statut de pièce rapportée lui a coûté six mois de chômage technique. Rapatrié par le CSC à l’été 2013 après un premier passage réussi dans le club algérien, l’attaquant (maubeugeois, lui aussi) Mohamed Dahmane l’a convaincu de le suivre, mais découvre, à son arrivée, qu’il n’entre en fait pas dans les plans du coach local. «Il a pété les plombs, et le président n’a pas enregistré nos contrats et ne nous a pas payés.»

La porte de Dender grande ouverte

Si Dahmane repart, Terki reste pour s’entraîner avec le cadre et se fait pour cela affréter chaque jour un taxi à l’hôtel l’Ibis, où il loge avec un ami, mange «à (sa) faim» et «(vit) la belle vie». Jusqu’au jour où l’établissement lui présente «une facture de 5 000 ou 6 000 euros» : le duo plie les gaules et part quelques semaines à la découverte de l’Algérie, avant de rentrer en Belgique où le milieu trouve durant l’hiver une porte grande ouverte, celle de Dender, qu’il contribue largement à sauver.

Six mois plus tard, le club est racheté par des Indonésiens. Tandis que Terki, las de constater que «la porte ne va jamais s’ouvrir», est «en train de craquer» et file à Punta Cana pour des vacances entre amis qui, par la grâce des réseaux sociaux, se retrouvent étalées dans la presse, Dender place sur son banc un certain Emilio Ferrera, «un magicien». «Après quelques entraînements, il m’a dit « je vois en toi de grandes capacités. Écoute-moi, et tu vas réussir ». Quelques semaines plus tard, il demandait que je sois revalorisé et me donnait le brassard et le n° 10. Il m’a donné énormément de force.»

Emilio Ferrera m’a dit « écoute-moi, et tu vas réussir

Et a tenu sa promesse : à l’image du FCV, passé sous les ordres de l’éphémère coach dudelangeois (en 2019) de la zone rouge aux play-offs en un an, le nouveau capitaine «explose» et séduit Lokeren, alors entraîné par Georges Leekens (l’ex-sélectionneur de la Belgique). En Flandre-Orientale, Terki «(vit) un rêve», est élu recrue de l’année par les fans du club à l’été 2016, puis signe «une deuxième saison top» qui n’échappe pas à Zulte Waregem, alors qualifié pour la Ligue Europa.

«Quand j’y repense, si j’étais allé là-bas, ma carrière aurait été différente», regrette le milieu, bloqué par un Lokeren bientôt empêtré dans le scandale du Footgate, une affaire de fraudes et de matches truqués qui vaut à son coach, Peter Maes, d’être inculpé en octobre 2018, et même de passer une nuit en prison en février 2019.

Détour par la Grèce

L’Europe lui échappera une seconde fois, à Xanthi, où il atterrit en 2019 et se régale, entre «super stade, super temps, super salaire et villa à deux minutes de la plage». Et de quelle manière : longtemps 6e, une place qui lui aurait garanti une qualification, le club grec passe 7e juste avant la pandémie de covid, durant laquelle il écope d’une pénalité de 12 points et recule à l’avant-dernière place, synonyme de barrage à la reprise. Jouable : Xanthi en a passé six en Coupe à son adversaire.

À court de forme et plus payés, les joueurs se voient toutefois proposer une drôle de solution par leurs dirigeants : «Juste avant le barrage, ils nous ont dit « celui qui veut son argent rompt tout de suite son contrat ». Un seul joueur est resté. Ils ont fait faillite quelques mois plus tard en D2.» Le Français, lui, est à nouveau rentré en Belgique, à Molenbeek (D2) où Sofiane Benzouien, l’ex-directeur sportif du Swift, est venu le chercher en janvier 2022 avec une promesse : l’Europe.

Avec un an de retard, ses portes se sont enfin ouvertes. Celles de la vitrine du Swift devraient prochainement en faire de même, pour accueillir le premier trophée de champion du club – et son premier titre majeur sur le plan personnel. Si c’est le cas, Mehdi Terki sera le premier appelé sur scène, cette fois.

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