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[BD] « The Nice House on the Lake » : le loft du cauchemar


Première moitié d’un diptyque déjà sacré par un Eisner Award (prix annuel de la BD aux États-Unis), The Nice House on the Lake est un récit haletant à la croisée des genres. (Photo : urban comics)

Une dizaine de personnes, sur l’invitation d’un ami commun, se retrouvent coincées dans une résidence de rêve alors que dehors, l’apocalypse frappe… James Tynion IV signe un thriller fantastique et énigmatique de très haute tenue. Immanquable.

L’histoire

Tous les conviés connaissent Walter – enfin, il le semble, en tout cas. Certains l’ont rencontré dans leur enfance, d’autres l’ont rencontré quelques mois auparavant. Et Walter a toujours été un peu… absent. Mais après une année difficile, personne n’allait refuser l’invitation de ce dernier dans une maison de campagne située à l’orée d’un bois et avec vue sur lac. C’est beau, c’est opulent, c’est privé – de quoi supporter les petites combines et les surnoms bizarres donnés par Walter. Mais ces vacances de luxe revêtent très vite des airs de prison dorée…

Il faut se méfier du titre et de la couverture, pourtant aguicheurs. Dans The Nice House on the Lake, il y en a effet une splendide villa qui surplombe un étang tranquille, au cœur d’un paysage à couper le souffle. Un palais de «milliardaire» aux espaces lumineux, mais aux intentions plus sombres. Elles pourraient tenir en une petite phrase, prononcée par l’hôte des lieux : «Et toi, tu l’imagines comment la fin du monde ?»

Cette question obsède Walter, qui l’a régulièrement retournée à ses ami(e)s, aussi bien à l’époque du lycée et de l’université que durant ses années à New York. Un mec certes un peu étrange, distant, effacé même, préférant laisser parler les autres, un peu comme s’il les étudiait, mais d’une fidélité remarquable en amitié et en amour. Tous les conviés le connaissent, et personne ne refuse son invitation à venir passer des vacances à la cool dans un endroit paradisiaque.

Messes basses, cachoteries, alliances, trahisons et autres crises…

Mais au terme de la première soirée, alors qu’ils s’installent à peine et que certains font connaissance, l’ambiance vire au cauchemar lorsqu’ils assistent sur les réseaux sociaux, impuissants, à la fin du monde ! Oui, la vraie, avec un ciel qui brûle, une pluie de flammes et en bas, des corps qui fondent. Walter savait et les a sauvés d’une mort certaine. Mais dans quel but ? Et surtout, qui est-il vraiment? Ils ne sont pas au bout de leur peine, ni de leur surprise.

Messes basses, cachoteries, alliances, trahisons et autres crises… Bienvenu au «loft», heureusement sans Steevy et Loana, mais avec James Tynion IV, auteur brillant qui, tel un marionnettiste, s’amuse avec ses personnages. Il leur donne à chacun un statut («artiste», «comique», «médecin», «scientifique»…) et un sigle. De mystérieux attributs qui ne font que renforcer l’étrangeté de l’histoire, sorte de huis-clos sous tension posé dans une atmosphère idéale : une maison pleine d’énigmes, entourée d’un immense parc aux sculptures bizarres.

Et toi, comment l’imagines-tu la fin du monde?

Première moitié d’un diptyque déjà sacré par un Eisner Award (prix annuel de la BD aux États-Unis), The Nice House on the Lake est un récit haletant à la croisée des genres, loin des «blockbusters» lucratifs (Batman Joker War) dans lesquels s’illustre James Tynion IV. On y trouve en effet un peu d’Agatha Christie, de la série Lost et bien sûr, du Stephen King pour ce qui est de l’atmosphère, un peu pesante, voire carrément glauque. D’ailleurs, au final, c’est le thriller façon fantastique qui donne le ton de l’histoire, plus que l’horreur et l’épouvante.

Ici, le frisson prend tout son temps pour se diffuser, au gré des flashback, des révélations et des difficultés de la vie en groupe. Au sein de la «nice house», les esprits s’échauffent et les questions se bousculent : que faire quand, dehors, tout s’écroule? Lutter ou faire semblant? Quitter, coûte que coûte, cette «prison dorée» ou continuer de vivre? Un malaise soutenu par la touche superbe et les traits réalistes d’Alvaro Martinez Bueno. Mais tout n’est pas si sombre que ça : en effet, le second tome, et conclusion de l’histoire, est prévu pour le 31 mars. La fin du monde attendra bien jusque-là.

The Nice House on the Lake, de James Tynion IV & Alvaro Martinez Bueno. Urban Comics.

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