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La géante chasse au loup qui divise la Suède


Comment le pays peut-il autoriser la chasse d'une espèce qu'il classe lui-même comme «très menacée» ? (photo AFP)

Sur 460 loups vivant en Suède, le pays a autorisé les chasseurs à en tuer 75 en même temps qu’il a classé le loup comme «espèce menacée». De quoi susciter un débat qui, malgré les avertissements de l’UE, continue de faire rage.

Lars Björk montre des traces de prédateurs dans la neige, dans une forêt maculée de blanc. Dans ce coin du centre de la Suède, comme dans une vaste partie du pays, une chasse au loup, la plus importante de l’ère récente, a lieu dans la plus grande controverse. «Nous avons pas mal de loups ici», explique ce spécialiste des carnivores au sein de la Fédération suédoise des chasseurs. «On se trouve en fait dans un nouveau territoire du loup, précisément là où nous sommes en ce moment», dit-il en s’installant dans une petite cabane de chasse à quelques kilomètres de la ville de Västerås.

Cette année, la Suède a autorisé les chasseurs à en tuer 75, soit plus du double de la saison dernière, sur une population estimée à 460 individus par l’autorité environnementale. Un niveau inédit depuis que la chasse au loup a été réautorisée en 2010 dans le royaume, en conséquence du retour du canidé, exterminé jusqu’à sa quasi-disparition au XXe siècle. Depuis l’ouverture de la chasse le 1er janvier, une cinquantaine de spécimens ont été tués, et le quota ne sera sans doute pas atteint avant la fermeture, demain, au bout d’un mois et demi.

Comment un pays qui affiche depuis des décennies son souci de l’environnement peut-il autoriser la chasse d’une espèce qu’il classe lui-même comme «très menacée» ? Le débat fait rage entre pro et anti, dans un pays où la chasse apporte élans, cerfs et même viande d’ours sur la table du dîner. «Le but est simplement de limiter les problèmes qu’il cause dans les zones plus rurales», plaide Lars Björk.

Longtemps considéré comme une plaie, comme ailleurs en Europe, le loup suédois a fait l’objet jusqu’au milieu du siècle dernier de primes d’État pour chaque animal tué. Protégé depuis les années 1960, il avait commencé à réapparaître au cours des années suivantes, avec une accélération depuis les années 1990. Les éleveurs, inquiets des attaques contre leurs bêtes – des moutons principalement, mais aussi des rennes dans le nord –, ou encore les propriétaires de chiens de chasse sont les plus grands avocats de la chasse au loup.

Ours bruns, lynx et gloutons, bien qu’eux aussi classés menacés, font également l’objet de quotas de chasse depuis des années. «C’est incroyable que la Suède continue à prendre de telles décisions», tempête Marie Stegard Lind, vice-présidente de l’association Jaktkritikerna («Les critiques de la chasse»). Ces chasses se poursuivent «bien que la Commission européenne ait été très claire sur le fait que ces chasses sont en réalité illégales», dit-elle depuis son bureau à Stockholm.

Depuis sa réapparition après les années 1960, la seule attaque mortelle d’un loup pour l’homme en Suède remonte à 2012

Les adversaires de la chasse avancent que les loups sont nécessaires à la biodiversité en jouant leur rôle de prédateurs d’autres espèces. En 2015, Bruxelles avait averti que la chasse au loup suédois violait la directive européenne sur les habitats, jugeant que la population de l’animal «n’avait pas atteint le niveau garantissant la conservation de l’espèce».

Alors que la Suède exerce jusqu’en juin la présidence de l’UE, la question divise dans plusieurs autres États membres, dont la France, entre ceux qui défendent l’essor du loup au nom de la biodiversité et ceux qui appellent à protéger les troupeaux européens. Pour Kjell-Arne Ottosson, un député du parti chrétien-démocrate membre de la coalition au pouvoir, le pays nordique a raison de résister aux rappels à l’ordre de l’Europe. «Les loups sont une menace pour ceux d’entre nous qui vivent en zone rurale. Nous devons gérer ça, et sérieusement», insiste-t-il sans cacher son agacement.

Depuis sa réapparition, la seule attaque mortelle d’un loup pour l’homme remonte à 2012. Un gardien avait été tué par un loup en captivité dans le parc animalier de Kolmården, à deux heures au sud de Stockholm.

Le nombre acceptable de loups fait l’objet d’un débat sans fin. L’agence environnementale estime qu’il en faut au moins 300 pour assurer une population saine, des scientifiques évoquent 500 ou un millier, et le Parlement a fixé un plafond à 270. Quant à la fédération de chasse, elle en demande 150. Actuellement, les animaux sont surtout présents dans le centre et l’ouest du pays. «Le loup a sa place ici, absolument», affirme Lars Björk. «Mais pas avec le nombre et aux concentrations actuels», estime-t-il.

 

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