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Médecins sans frontières : un travail humanitaire toujours plus indispensable


"Le changement climatique a indiscutablement un énorme impact", résume le président de Médecins sans frontières, Bechara Ziade. (Photos : alain rischard)

Entre la guerre en Ukraine, les inondations au Pakistan dues au changement climatique et le travail humanitaire chronique, la pression s’accentue sur Médecins sans frontières.

«L’année 2022 a été… spéciale», commente avec pudeur le président de Médecins sans frontières (MSF) Luxembourg, Bechara Ziade. Impossible bien sûr de ne pas faire référence à la guerre en Ukraine lorsqu’arrive l’heure de tirer le bilan de l’année qui vient de s’écouler. L’ONG était déjà présente dans le pays avant l’invasion de la Russie en février dernier.

Mais l’éclatement du conflit armé a évidemment mobilisé des forces supplémentaires : 685 locaux et 116 employés internationaux sont intervenus en Ukraine en 2022, essentiellement pour soigner des blessures de guerre, évacuer loin du front des civils blessés, mais aussi fournir des soins de santé mentale. «Nous avons identifié des gros besoins dans ce domaine, car cette guerre touche un grand nombre de civils, il y a donc beaucoup de traumatismes psychologiques», fait savoir Thomas Kauffmann, le directeur général de MSF Luxembourg.

Mais cette nouvelle crise à laquelle il a fallu faire face – et qui continuera indubitablement à nécessiter une forte mobilisation en 2023 – a en plus eu des répercussions terribles sur d’autres pays, d’Afrique notamment, comme les pays du Sahel, où l’inflation et la pénurie de nourriture engendrent des famines. Or ces pays sont eux-mêmes déjà en proie à d’autres difficultés et en outre frappés de plein fouet par le changement climatique, l’un des nouveaux défis auxquels MSF se retrouve confrontée.

Le changement climatique, la double peine

«Le changement climatique a indiscutablement un énorme impact, d’autant que c’est un cercle vicieux : par exemple, la chaleur et l’absence de pluie engendrent la sécheresse, s’ensuivent la mort du bétail et des terres arables qui ne peuvent plus être cultivées, ce qui provoque de la violence et des déplacements de population», résume Bechara Ziade. «Nous sommes en train de créer des générations de plus en plus dépendantes de l’aide internationale.»

Thomas Kauffmann.

Au Kenya, les «pluies courtes» ont remplacé la saison des pluies. Au Pakistan au contraire – pays responsable de moins de 1 % des émissions de gaz à effet de serre mais l’un des plus fortement touchés par le changement climatique –, des pluies diluviennes en août ont provoqué des inondations qui ont fait au moins 1 700 morts et affecté 33 millions de personnes.

Des centaines de milliers d’habitations ont été détruites, ainsi que 1,8 million de terres agricoles. «Nous avons pu intervenir rapidement au Pakistan pour garantir aux personnes sinistrées l’accès à un abri, à l’eau potable, ainsi qu’à des soins appropriés, et limiter la propagation de maladies, comme la dengue et le choléra», témoigne Thomas Kauffmann, qui précise cependant : «Nous sommes encore dans une forme d’urgence au Pakistan, la situation demeure grave au vu de l’ampleur de la catastrophe. Vingt-huit mille enfants y souffrent de malnutrition, dont 23 % de malnutrition aiguë.»

Avec les conséquences du changement climatique et la multiplication des crises, le besoin en ressources s’accentue donc pour les ONG, mais pas question pour autant pour MSF de diminuer, suspendre ou abandonner ses autres missions lorsque vient s’ajouter une crise – l’ONG, qui intervient dans plus de 70 pays à travers la planète, reste présente «même là où il n’y a plus personne».

Sauvetage en mer

MSF, qui dispose d’un bateau, le Geo Barents, a sauvé environ 81 000 migrants de la noyade en 2022. «Nous sommes des médecins, si une personne est en danger, c’est notre devoir de l’aider, et ce, quelque soit son origine ou sa situation», insiste Bechara Ziade. Mais «on ne nous facilite pas la tâche. La nouvelle politique migratoire, surtout en Italie, rend notre chemin en mer de plus en plus difficile», déplore-t-il, assurant que «laisser mourir les migrants en Méditerranée et tout faire pour les dégoûter de venir en Europe ne les empêchera pas de tenter la traversée. Il faut plutôt prendre le problème à la racine, en développant le pays d’origine, en y améliorant les conditions de vie».

Les activités se poursuivent en Afghanistan

MSF assure ainsi toujours des soins en Afghanistan, notamment de santé maternelle et infantile, et fournit une assistance aux réfugiés à Hérat. Mais la situation dans le pays est extrêmement «délicate», au point que MSF s’est fixée une ligne rouge : «Seules les femmes peuvent soigner les femmes en Afghanistan. Or, si elles n’ont plus le droit de travailler avec nous sur le terrain, cela signifie que nous ne pourrons plus soigner de femmes. Nous ne pouvons accepter de ne plus soigner tout le monde. Si ça arrive, on partira», fait savoir Bechara Ziade.

Fin décembre, les Afghanes ont en effet reçu l’interdiction de travailler pour des ONG. Mais en tant qu’ONG de santé, présente depuis de longues années sur ce territoire, MSF parvient pour l’instant à poursuivre ses activités, tout en restant très «vigilante».

«Lors de mes vœux de bonne année, j’ai souhaité que l’on se retrouve au chômage humanitaire, surtout celui d’urgence. Mais c’est bien loin d’être le cas. Dans beaucoup de pays, nous sommes d’ailleurs en urgence chronique : en Haïti, au Nigeria, au Yémen…», soupire Bechara Ziade.

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