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[Cinéma] Omar Sy dans l’horreur de la Grande Guerre


Tirailleurs est «un projet qui nous accompagne, Mathieu Vadepied et moi, depuis de longues années», dit Omar Sy, également coproducteur.

Un père et un fils arrachés à leur village peul et envoyés combattre en France durant la Première Guerre mondiale : dans Tirailleurs, en salle mercredi, Mathieu Vadepied raconte, par l’intime, les destins broyés de tirailleurs sénégalais.

Le film Tirailleurs, qui sortira mercredi, et deux jours plus tard au Sénégal, avait été présenté dans la Sélection officielle hors compétition du dernier festival de Cannes. Dix-sept ans plus tôt, au même endroit, un film sur des tirailleurs maghrébins durant la Seconde Guerre mondiale faisait sensation : Indigènes, de Rachid Bouchareb, qui a valu au casting – Jamel Debbouze, Roschdy Zem, Samy Naceri, Sami Bouajila et Bernard Blancan – un prix d’interprétation collectif.

Cette fois, Mathieu Vadepied a centré son récit sur les seuls tirailleurs sénégalais avec, dans le rôle titre, la star Omar Sy.  «Cette histoire lie les deux pays, le Sénégal et la France. C’est complètement mon histoire. C’est complètement aussi mon identité», avait-t-il déclaré fin décembre à Dakar lors d’une conférence de presse de présentation du film. L’acteur, pour sa part, a indiqué que le projet remonte à l’époque d’Intouchables, sur lequel Mathieu Vadepied était directeur de la photographie. L’idée de faire un film sur les tirailleurs sénégalais était «le fil rouge de notre relation», rapportait Omar Sy.

Tourné en partie au Sénégal, mais aussi dans les Ardennes, le film suit le destin d’un père, Bakary (Omar Sy), et de son fils Thierno (Alassane Diong), qui sont arrachés à leur famille et se retrouvent dans les tranchées de la Grande Guerre, sous uniforme tricolore. Au-delà de l’horreur de la guerre, le réalisateur met au centre de son film la relation difficile d’un père et son fils. Face à Bakary qui veut juste ramener son garçon vivant chez lui, Thierno, galvanisé par l’ambition militaire et la découverte de la France, menace de lui échapper.

«Nouveau
chapitre»

Si Tirailleurs est d’abord le combat d’un père pour sauver son fils de la guerre, la portée politique de ce film est sans équivoque. «L’idée, c’est de questionner. Questionner le rapport historique de la France à ses anciennes colonies, qu’est-ce qu’on dit de ça aujourd’hui, est-ce qu’on sait ce qu’on a fait?», avait déclaré Mathieu Vadepied en mai, lors du festival de Cannes.

S’il se défend d’avoir fait un film «frontalement politique», il espère qu’il permettra de nettoyer les «caries» du récit national. Et surtout, précise-t-il, «on ne fait pas comme si ça n’existait pas, on ne bouge pas sans. Ces histoires, il faut les raconter, les transmettre. Il faut que tout le monde les connaisse.»  Omar Sy, lui, dit ne pas s’«explique(r) pourquoi cette histoire des tirailleurs sénégalais, et d’autres tirailleurs issus de pays différents, ait été si peu racontée». «J’espère qu’avec ce film, on va ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de France et on va un peu plus se plonger dans cette question-là, sur tous ces soldats qui ont combattu pour la France, mais n’étaient pas considérés comme des Français, qu’on finisse par les reconnaître enfin et que l’on raconte leur histoire. C’est tout ce qu’on espère», a ajouté l’acteur et coproducteur du film.

«Pas là pour culpabiliser»

Créé par Napoléon III en 1857 au Sénégal, d’où son nom, le corps d’infanterie des tirailleurs s’est ensuite élargi dans son recrutement à des hommes d’autres régions d’Afrique occidentale et centrale conquises par la France à la fin du XIXe siècle. Les tirailleurs furent plus de 200 000 à se battre lors de la Première Guerre mondiale, 150 000 pour la Seconde Guerre mondiale, 60 000 en Indochine. C’est l’une des premières fois que leur histoire est portée à l’écran. «On n’est pas là pour faire culpabiliser, mais pour reconnaître des histoires douloureuses et s’en libérer», assure Mathieu Vadepied.

Oubliés des politiques français pendant des décennies, les tirailleurs sénégalais et leurs héritiers déplorent, encore aujourd’hui, un manque de reconnaissance, notamment du fait de retraites inférieures à celles de leurs frères d’armes français. «Aujourd’hui, notre génération a besoin de ce récit pour notre construction, de prendre l’histoire, de savoir comment on se construit par rapport à ces deux pays», a poursuivi l’interprète de Lupin.

Tirailleurs, de Mathieu Vadepied.

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