Mendicité à Luxembourg : patrouille en Ville-Haute avec «À vos côtés»

Touchée par la mendicité, la Ville-Haute voit, depuis deux mois, les membres de «À vos côtés» marcher dans ses rues pour adoucir les tensions.

À la mi-octobre, la bourgmestre de Luxembourg-Ville interpellait le ministre de l’Intérieur, l’appelant à trouver des solutions pour lutter contre la mendicité organisée. «C’est un problème qui est devenu inacceptable», martelait alors Lydie Polfer, avant d’illustrer ses propos via une mésaventure personnelle : «Moi, par exemple, il y en a un qui m’a jeté toute une boîte de pop-corn à la figure en pleine rue à 22 h en ville. Je n’ai pas été blessée, mais c’est le geste… Là, j’ai appelé la police.» Ce phénomène règnerait dans les rues de la capitale, notamment dans le quartier de la gare et dans la Ville-Haute.

Le témoignage de la bourgmestre n’étonne que très peu Giuliano Nardella, responsable du service «À vos côtés» de Bonnevoie et de la Ville-Haute. «On connait le terrain et ce type d’actes, nous y sommes régulièrement confrontés», explique-t-il.

Pendant dix ans, l’homme a exercé le métier d’éducateur avant de rejoindre, il y a un an et demi, l’association sans but lucratif Inter-Action. Dès 2020, celle-ci a mis en place le service «À vos côtés» avec l’aide financière de la Ville de Luxembourg. Objectif : répondre au sentiment d’insécurité exprimé par les habitants des différents quartiers de la capitale. 

D’abord présentes dans les environs de la gare puis à Bonnevoie et depuis septembre 2022, en Ville-Haute, les équipes du service se déplacent dans les rues, vont à la rencontre des habitants et des commerçants et tentent via diverses techniques de communication et de médiation d’apaiser les tensions au sein de ces zones.

Rassurer les citoyens

Ce jeudi, nous arpentons calmement les alentours de la Grand-Rue à Luxembourg. Vêtus d’une veste d’un vert très vif et marquée du logo «À vos côtés», Giuliano Nardella et son collègue Yuri Garcia ne passent pas inaperçus au milieu des artères commerçantes. Autour de nous, les passants flânent, s’arrêtent devant les vitrines ou accélèrent le pas pour se rendre à un rendez-vous.

À certains coins de rue, un mendiant, presque invisible, fait la manche, assis par terre. «Dans chaque quartier, nous avons défini une zone où nous circulons. Nous n’avons pas de chemin prédéfini», explique Giuliano. «Notre travail consiste à faire des tournées de prévention. Si les mendiants ne dérangent personne, c’est acceptable. Dans le cas contraire, nous intervenons en allant leur parler.» 

Par son expérience dans d’autres quartiers de la capitale, Giuliano décrit la Ville-Haute comme «plus vaste, plus commerçante que le quartier de la gare et attirant plus de mendicité et moins de consommateurs de drogues». Ici, sept personnes de «À vos côtés» sillonnent chaque jour les rues.

Pour couvrir le cadrant au maximum, une première équipe de deux agents entre dans le secteur dès 9 h du matin puis une seconde, également composée de deux ou trois membres, intervient dès 11 h 30. Une fois sur le terrain, chacune se lance dans huit heures de marche et de dialogues. 

Si une vendeuse veut se faire raccompagner, nous répondons présents 

Après seulement deux mois de présence en Ville-Haute, les vestes vertes sont encore en période d’imprégnation du terrain. Outre la nécessité de connaître les lieux fréquentés par les mendiants, Giuliano et ses collègues passent beaucoup de temps à s’adresser aux citoyens, aux commerçants, aux restaurateurs pour renseigner sur leur mission, leur présence. «Nous leur expliquons qu’en cas de besoin, ils peuvent nous appeler. Par exemple, si une vendeuse souhaite se faire raccompagner pour prendre le bus, nous répondons présents», décrit l’agent de 32 ans. 

«En cas de dérangement ou de harcèlement, nous intervenons en allant leur parler. Pour la suite, il y a différents cas de figure. Soit les mendiants décident de partir, de changer de lieu et d’habitude, soit ils choisissent la provocation. Grâce à notre présence, ils finissent souvent par céder.»

Du côté des mendiants et des sans-abris, l’équipe de «À vos côtés» fait le nécessaire pour se faire voir et pour avoir des bons rapports avec eux. La clé de cette bonne entente est la communication. Malgré les efforts du service pour engager des personnes polyglottes, il n’est pas toujours facile de se faire entendre.

«La même personne que l’on retrouve coopérante le matin, pour être totalement différente l’après-midi et tirée sur l’agressivité après l’absorption de substances». Dans l’ensemble, les premiers mois se passent bien et commerçants comme mendiants ont déjà repéré les allers et venues des vestes vertes.

Adaptation permanente

«Nous n’avons pas encore commencé à distribuer les flyers avec nos coordonnées que les commerçants nous appellent déjà», souligne Giuliano Nardella. Signe de la nécessité d’une action comme celle de «À vos côtés». Maurice Bauer, CSV et responsable des affaires sociales de la Ville de Luxembourg, se félicite des retours des citoyens quant au travail effectué dans les quartiers dans lesquels intervient le service.

L’arrivée du service de médiation en Ville-Haute est d’ailleurs une réponse au déplacement d’une certaine population depuis les quartiers de la gare et de Bonnevoie. «Les tournées dans ces secteurs ainsi que l’arrivée du tram ont eu pour conséquences de faire se déplacer les activités des consommateurs de drogues vers la Ville-Haute», explique Christof Mann, chargé de direction à la Ville de Luxembourg pour les services sociaux.

Il nous faudra un ou deux ans pour nous intégrer dans le tissu social

«À vos côtés» se veut proche du terrain pour s’adapter au mieux aux changements de situations. «Du côté de la gare, les équipes arrivent plus tôt car les sans-abris sont présents dès le matin. Concernant la Ville-Haute, il nous faudra un ou deux ans pour nous intégrer dans le tissu social d’un quartier», explique Giuliano Nardella.

La ville, elle, s’aligne et promet de renforcer les effectifs si besoins. Elle compte aussi sur la collaboration entre la police et le service, qu’elle décrit comme «excellente».

Outre l’action bénéfique menée par les vestes vertes, le problème de la mendicité dans la capitale reste difficile à gérer. «Les conséquences du phénomène ne sont pas que sociales, mais aussi sanitaires. Il nous faut encore optimiser le processus», conclut Christof Mann.