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Viol en réunion à Frisange : «On ne juge plus les mêmes hommes»


Les avocats des prévenus ont fait valoir que les quatre jeunes hommes ont repris leur vie en main depuis les faits dont ils sont accusés. (Photo : archives LQ/Julien Garroy)

Qualifiant leurs actes d’«immondes», la procureure a requis hier des peines particulièrement sévères contre les quatre jeunes hommes accusés de viol en réunion.

«Après avoir consommé de l’alcool et du cannabis, Angelo et Luc ont eu l’idée de s’amuser autrement en déshabillant Maria*, qui était en état de coma éthylique. Daniel les a rejoints, puis Tiago. Ils l’ont violée et ont abusé d’elle de manière dégoûtante», rappelle la représentante du parquet, en préambule de son réquisitoire. «Ils avaient planifié de recommencer le lendemain. Heureusement, Luc a eu mauvaise conscience et a prévenu la police, qui a mis un terme à la fête et a pu rassembler des preuves.»

Malgré l’évidence de certaines preuves – déclarations, vidéo réalisée par Angelo et traces d’ADN –, les prévenus continuent de nier les faits. Angelo en particulier qui, comme l’indique la magistrate, «essaye de se faire passer pour le bon Samaritain».

«Pourquoi filmer la vulve de la victime en gros plan si c’est juste pour prévenir sa meilleure amie de l’attitude de son copain?», interroge-t-elle. «Le but de la fête était de faire boire les filles et d’en abuser.» À trois, puis à quatre, ils ont violé et commis des attentats à la pudeur sur la jeune fille de 15 ans dans un appartement de Frisange le 26 juin 2016.

Les quatre prévenus «ont profité de la vulnérabilité de ces deux jeunes filles mineures sans aucun scrupule», s’emporte la magistrate. «Il n’y a rien de plus humiliant et dégradant que de montrer la vidéo à la victime qui a fui le Luxembourg pour éviter de croiser la route des nombreuses personnes qui l’ont vue.» Maria vit loin du Luxembourg depuis son agression.

«Il n’a pas fait semblant»

La procureure a retenu le viol en réunion, les attentats à la pudeur, les infractions à la loi sur la vie privée et la production en vue de la diffusion et la détention de contenus à caractère pornographique contre Angelo.

Quant à Daniel, «il n’a pas fait semblant, contrairement à ce qu’il prétend», poursuit-elle. Elle retient également le viol en réunion, les attentats à la pudeur contre lui ainsi qu’une tentative de viol pour un acte de pénétration digitale anale.

Tiago aurait violé une gamine de 13 ans avant, selon ses coprévenus et un témoin, de rejoindre les trois autres et de violer Maria à son tour, «même s’il feint une amnésie totale».

Luc est accusé des mêmes faits. «Bizarrement, mercredi, il est revenu sur ses aveux. Il dit qu’il n’a pas eu d’érection alors que la vidéo montre le contraire», précise la procureure, qui ne croit pas en «la position de victime qu’il essaye de se donner». Elle a requis des peines de 12, 10, 13 et 8 ans de prison contre les quatre jeunes hommes.

«S’il pouvait avouer, il le ferait»

Le premier avocat de la défense à prendre la parole, Me Schons, dit avoir «constaté un non-respect de la procédure pénale et de la Constitution» lors du procès. Les prévenus n’auraient pas eu droit «à la complétude de l’instruction audiencière» ni à «l’égalité de l’accusé face à la loi de procédure».

«C’est une accusation gratuite! Quelle conséquence juridique en tirez-vous?», demande le président. «En quoi vos droits ont-ils été violés?» «La défense a été rendue plus difficile», indique l’avocat, remettant indirectement en cause la manière du président de la 12e chambre criminelle de mener les débats.

Daniel, son client, n’a pas violé la victime et n’a pas non plus tenté de la pénétrer avec son doigt. «Mon client a toujours admis ce qu’il a fait», précise-t-il avant de demander l’acquittement sur ces deux faits et de rappeler qu’en tant que primo-délinquant, il a droit au sursis intégral. «Vous ne jugez plus le même homme» et «il y a une zone d’ombre quant au transfert de son ADN» sur le slip d’Angelo. Théorie sur laquelle le parquet fonde son réquisitoire.

Une analyse également condamnée par l’avocat d’Angelo qui conteste la pénétration et demande l’acquittement du viol et de l’attentat à la pudeur. «Il m’a dit que s’il avait commis ces actes, il aurait pris ses responsabilités et les aurait avoués», note Me Noël. «Il ne va pas contester l’incontestable. S’il pouvait avouer, il le ferait.»

Le sursaut de conscience de Luc

Effet de groupe, immaturité, alcool, stupéfiants, arme… «Une certaine pression a été exercée sur Luc» qui «ne doit pas être considéré comme auteur principal des faits», selon Me Lentz. «Il n’y a pas d’éléments objectifs suffisants au dossier pour démontrer qu’il y a bien eu une pénétration vaginale. On peut tout au plus retenir la tentative de viol.» En outre, par ses aveux, Luc aurait empêché que de tels actes se reproduisent.

Me Says, l’avocat de Tiago, conteste sa participation au viol de Maria et demande l’acquittement. «Les déclarations imprécises de ses coprévenus suffisent-elles à le condamner? Il n’y a pas de preuves au dossier», souligne l’avocat qui reconnaît qu’il a bien eu «une relation sexuelle avec une jeune fille de 13 ans» à la même fête. L’avocat réclame une peine inférieure à celle requise et demande au tribunal de lui faire bénéficier du sursis intégral auquel il a droit.

Tous les avocats ont invoqué le délai raisonnable, nié les circonstances aggravantes de violences ainsi que fait valoir le jeune âge des prévenus, leur absence de casier judiciaire, les mesures thérapeutiques suivies et les milieux défavorisés desquels ils sont issus. «On ne juge plus les mêmes hommes aujourd’hui», conclut également Me Noël.

Le prononcé est fixé au 17 novembre.

*Le prénom a été modifié

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