Éclipsé par le transfert de Gerson à Troyes, l’éclosion de Sinani à Huddersfield et les miracles de son frère à Tiraspol, Olivier Thill effectue dans l’ombre un début de saison sublime au Vorskla, où il marque et fait marquer.
On aurait dû demander à la défense d’Inhulets ce qu’elle en pense, mais entendre Olivier Thill parler de son doublé du week-end dernier (3-0) comme de quelque chose de «pas exceptionnel, rien à voir en tout cas avec ce que « Séba » a fait contre le Real», laisserait sûrement ses victimes sans voix. Samedi, en sept minutes, l’ancien Niederkornois a expédié une volée du droit le long du poteau ponctuée d’une jolie révérence au public (77e) puis un plat du pied pleine course en lucarne opposée (84e). Alors oui, Inhulets n’est pas le Real Madrid, mais le cadet de la fratrie n’a pas à se cacher non plus.
Presque le plus efficace d’Ukraine
Ne serait-ce que parce que ses statistiques de début de saison avec le Vorskla Poltava sont tout bonnement exceptionnelles. En neuf matches de championnat, le voilà parvenu à cinq buts et quatre passes décisives. Il s’était élancé en visant cette saison… «cinq buts et cinq passes». Impliqué dans un but toutes les 84 minutes en Premier Liga, Thill enfonce de très loin la concurrence du haut de tableau au poste de meneur de jeu.
Dans son corps de métier, le seul qui parvient à suivre le rythme s’appelle Vladyslav Kochergin, du Zorya Louhansk, qui émarge à cinq buts et deux passes, mais a joué 112 minutes de plus. Et lui n’a pas marqué en cinq matches européens alors qu’«Oli» a lui frappé deux fois en deux rencontres. Le Dynamo Kiev et le Shakhtar Donetsk n’ont rien de mieux en magasin que ce Luxembourgeois qui est actuellement troisième (co)meilleur buteur d’Ukraine, à deux unités seulement du furieux Tsygankov, 7 buts dont… 4 penalties.
Comment en est-il arrivé là ? En faisant le chemin inverse de son frangin, Sébastien. Ce dernier a reculé sur le terrain et s’épanouit en sentinelle devant la défense, alors qu’il faisait les beaux jours de Niederkorn en meneur de jeu excentré. «Oli», lui, casse la baraque depuis que son entraîneur l’a installé pour de bon en soutien d’attaque : «C’est plus facile pour moi de faire des statistiques depuis que je joue tous les matches en 10. La saison passée, je changeais tout le temps.» L’air de rien, ce costume lui fait prendre une stature dingue, même si personne n’y fait vraiment attention. Pas assez en tout cas.
C’est que dans la famille, à l’heure actuelle, il intéresse moins que Sébastien, qui l’a «fait pleurer» après son but en Ligue des champions et intrigue moins que Vincent, «qui revient bien et devrait pouvoir rejouer d’ici un mois». D’ailleurs, «Vince» lui doit une fière chandelle, à son frère : «Mes dirigeants le voyaient jouer en regardant mes prestations en sélection. Ils n’arrêtaient pas de me dire en riant « dis à ton frère de venir chez nous ».» Et le voilà, coopté par le patron du Vorskla, dont l’obsession n’est pas de faire de la statistique, mais de finir sur le podium, «en sachant que les deux premières places, vu la qualité du Dynamo Kiev et du Shakhtar Donetsk, ce n’est pas possible».
«On doit les faire ch…»
Mais aux exceptions notables de Christopher Martins en Suisse avec les Young Boys et éventuellement d’Anthony Moris en Belgique avec l’Union Saint-Gilloise, il est le seul Roude Léiw qui joue l’Europe dans un championnat de taille significative. On est donc en droit de concevoir pour lui, très prochainement, un futur un peu plus clinquant. À 24 ans, ce serait logique de le voir franchir un palier.
«Je n’y pense pas du tout. Il me reste un an et demi, je suis bien et je vis au jour le jour et j’estime que si aujourd’hui je suis au Vorskla et pas plus haut, c’est aussi qu’il y a des raisons.» Demandons-lui quand même de se projeter, parce qu’arrivent deux matches costauds contre la Serbie (qui avait subi son réalisme à l’aller, malgré le 4-1 sans appel de Belgrade) et le Portugal et qu’on aimerait bien savoir si le déclic majeur qu’il a connu en club pourrait se répercuter aussi en sélection.
«Contre ces deux sélections, on doit surtout prouver qu’on devient dur à jouer, les faire ch… et pourquoi pas arracher un nul. Mais pour mes stats… Je suis content du rôle que j’ai en sélection. Je ne pense pas à y marquer comme en club. Juste à bien jouer.» Qu’il n’aille pas nous faire croire qu’avec le Luxembourg d’autres sont chargés de faire le boulot devant, parce que maintenant on sait de quoi il est capable !
Julien Mollereau