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Le portrait du jeudi – Mario Mendoza : le temps, c’est l’agent


Mario Mendoza, ex-n°10 du CSG et du Spora, est à l’origine de la métamorphose du FC Metz.

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Mario Mendoza, le jeudi 15 janvier, au stade Saint-Symphorien. (Photo : Julien Garroy)

Les traits de son visage et son accent à couper au couteau emmènent son interlocuteur loin de Longeville-lès-Metz, du boulevard Saint-Symphorien et du stade du même nom. Jeudi dernier, 14h, on se pointe au pied de la tribune nord, les clients du Sport Palace quittent ce café-restaurant au compte-gouttes. Mario Mendoza, lui, prolonge l’instant, attablé qu’il est en compagnie de Dominique D’Onofrio, le directeur sportif du FC Metz, de Stéphane Mittelberger, l’intendant, de Juan Falcon et Guido Milan, deux des quatre Grenats dont il gère la destinée avec José Palomino et Federico Andrada.

Mario Mendoza est agent de joueurs. Du moins, pas tout à fait. Pas dans les faits. Non-titulaire d’une licence officielle, son nom ne figure pas dans les fichiers de la FIFA qui regroupent tous les agents enregistrés par les différentes fédérations nationales. Peu importe, à partir du 1er avril prochain, il ne sera plus nécessaire d’être détenteur du fameux diplôme pour exercer. En pratique, cela ne l’a jamais réellement empêché de bosser. En 2008, l’Argentin intègre Cofoot Management, société luxembourgeoise où l’on retrouve Renato Costantini et Roger Bambi, agent reconnu par la FLF. Manager à l’époque du FC Bleid, l’entrepreneur aurait inoculé à cet ex-n° 10, non pas le virus des affaires (« j’ai toujours eu ça en moi »), mais l’art de les mener. Une autre forme de dribble.

Novembre 2010, Mendoza est poussé vers la sortie par la nouvelle direction du club belge qui souhaite éviter « tout amalgame » entre son poste d’entraîneur adjoint de Fabien Matagne, l’actuel coach du RFCU, et sa fonction au sein de Cofoot. Quelques mois plus tard, après la D3 belge, il s’en va frapper à la porte du FC Metz, relégué en National, mais où a débarqué, l’hiver précédent, un ami : Dominique D’Onofrio. Une vieille connaissance pour un nouveau départ. Aujourd’hui donc, il est au cœur même du vestiaire messin : contre Montpellier, samedi dernier, la charnière centrale était 100 % bœuf argentin (Milan et Palomino), tandis que le Vénézuélien Falcon, meilleur buteur du club (4 buts), et Andrada, l’autre compatriote, faisaient leur apparition en seconde période.

> Videla, Caniggia et Mortensen

Depuis trois saisons donc, le club à la Croix de Lorraine a pris des cours accélérés d’espagnol. « Grâce à moi », lâche l’agent qui aconvaincu il y a plus de deux ans « (son) ami Dominique de faire un partenariat avec River Plate ». Un retour aux sources pour Mendoza. C’est qu’avant d’user les pneus de son Renault Koleos (« 60 000 kilomètres par an ») sur les routes d’Europe à la recherche de l’une ou l’autre perle tout en écoutant les chansons de Carlos Gardel (« un Uruguayen qui s’est fait connaître en Argentine »), Mario Mendoza n’a pas toujours vécu à Virton, où il réside. Ses premières années, il les passe dans la province de Tucuman. La plus petite du pays et dont la luxuriance de sa végétation lui vaut l’appellation de « Jardin de la République ».

La République, Mario Mendoza ne la connaîtra pas longtemps. En 1976, il voit Jorge Rafael Videla débarquer au pouvoir. Il a 8 ans. Un souvenir qui, aujourd’hui, ne fait naître chez lui aucune émotion particulière : « Ce n’était pas une période facile, mais on ne manquait de rien. Le nécessaire, on l’avait. » Chez Norma, mère au foyer, et Desidero, employé aux chemins de fer, Mario grandit avec ses quatre frères et ses trois sœurs dans un univers l’obligeant à faire travailler ses méninges. « Quand tu n’as rien ou pas grand-chose pour t’amuser, tu dois être créatif. » Très vite, il découvre les joies simples du fútbol. Ses idoles d’alors s’appellent Mario Kempes et Leopoldo Luque, têtes de gondole de l’équipe championne du monde 78.

Trois ans plus tard, Mario effectue son premier voyage. La famille vient d’arriver dans la province de Salta, à l’extrême nord-ouest du pays, et lors d’un tournoi avec son club de Metan, son pied gauche tape dans l’œil d’un recruteur. Quelques discussions plus tard, la décision est prise : direction Buenos Aires et le centre de formation de River Plate. El Niño débarque dans la capitale sans une thune en poche mais avec Hugo, son frère aîné. Les deux frangins vivent dans un logement mis à leur disposition par le club. En dehors des entraînements, Mario n’use pas ses fonds de culotte sur les bancs de l’école. Il laisse ça à son frère. Lui s’en va faire des petits boulots. Au black, pour des sponsors. Sur les chantiers, il n’est pas le seul à trimer et casse la croûte avec ses partenaires. Parmi eux, Claudio Caniggia et Pedro Troglio. Deux futurs finalistes de la Coupe du monde (1990) et champions d’Argentine avec River Plate (1986). Un sacre national auquel ne participe pas Mendoza, transféré quelques mois plus tôt à San Lorenzo, vainqueur de la Copa Libertadores en 2014, qui compte le pape François et l’acteur Viggo Mortensen parmi ses plus fervents supporters.

> Une boîte remplie de liasses de billets

La tunique Rojo y Azul, il ne la portera qu’une saison, avant de se retrouver en D2. À Godoy Cruz, club de la province de… Mendoza. « Un signe du destin », glisse-t-il encore amusé par le souvenir de ce match amical avec River Plate dirigé par César Luis Menotti. Encore une fois, sa patte gauche fait mouche. Jose Rubulota est dans les gradins. L’agent italo-argentin le branche immédiatement et lui propose deux destinations : le Chili ou la Belgique. Il opte pour l’Europe.

À la Louvière, il découvre les charmes du Vieux Continent et les francs belges. Mais aussi le froid, la neige et la solitude. Et souffre vite du mal du pays. Un soir, il est à deux doigts de tout plaquer. Mais une petite boîte va l’en dissuader. « Alors que je faisais ma valise avec l’idée de passer les fêtes de Noël chez moi, je tombe sur cette caisse. Et en l’ouvrant, j’ai compris que je devais rester… » À l’intérieur, des liasses de billets. Une partie de l’argent gagné depuis son arrivée. L’autre avait servi, entre autres, « à acheter une nouvelle maison à (ses) parents ».

Au plat pays, il sera fidèle à la Wallonie, puisque, après la Louvière, il s’en ira visiter les villes de Wavre, de Virton ou bien encore de Libramont. L’occasion lors de ces va-et-vient de se familiariser avec le négoce. Seul. « Je me débrouillais en français, je n’en avais donc pas besoin. » Sa destination la plus insolite, il la doit tout de même à un agent : Dirk De Vries. L’actuel agent d’Adnan Januzaj (Manchester United), entre autres, l’envoie à Xiamen, en Chine. « Financièrement, c’était très, très, très intéressant », insiste Mendoza qui rentrera bien vite auprès de Brigitte, son épouse qui venait de donner naissance à Ramiro, son deuxième fils.

De retour à Virton, il passe la frontière et se retrouve à Grevenmacher. « Le F91 de l’époque », glisse avec gourmandise celui qui, après un doublé Coupe-championnat avec le CSG (2003), s’en ira au Spora puis à Hostert tout en passant une partie de son temps libre à évoluer dans l’ombre de la DN. « À l’époque du « grand Dudelange », la moitié des joueurs était avec moi et un autre copain. » Lui aussi non officiel. Ce n’est qu’en 2008, lors de son arrivée à Bleid et Cofoot qu’il en fera son activité principale.

> « J’avais contacté Luisi et Delgado »

Sa carrière de joueur, Mario Mendoza la termine aux Ardoisiers de Perlé. Au club, de ses deux saisons passées comme entraîneur/joueur, on garde en mémoire davantage son aisance technique que ses troisièmes mi-temps. Daniel Wanderscheid, secrétaire du club : « C’est quelqu’un de très gentil, mais ce n’était pas le genre à rester à la buvette. » Le temps c’est de l’argent.

Jeudi dernier, cintré dans son pull grenat, Mendoza affirme ne compter « (qu’)une quinzaine de joueurs ». « Qui fait la crédibilité d’un agent ? Le joueur. Et si l’on veut que celui-ci soit performant, il faut du temps pour le mettre dans les meilleures dispositions pour qu’il le soit. » Du coup, il joue les agents de voyages mais aussi les psychologues. Histoire de réconforter si besoin l’un ou l’autre poulain en manque de temps de jeu ou d’efficacité. Guido Milan confirme : « Avant mon arrivée, il m’appelait tous les jours pendant quatre mois pour s’assurer que j’allais bien. Et aujourd’hui, dès que j’ai besoin de lui, il est là. » Parmi ses clients, pas un seul joueur luxembourgeois. À l’en croire, tout sauf un choix délibéré. « J’avais contacté Luisi (Differdange 03) et Delgado (Jeunesse), mais ça ne s’est pas fait. Peut-être un jour… »

D’ici là, le natif de Tucuman, qui fêtera ses 47 ans dans quatre jours et qu’un proche dépeint comme trop gentil (« pour lui, une parole donnée vaut autant qu’un contrat »), poursuit son petit bonhomme de chemin tout en se délectant des hasards de la vie. Comme celui de s’être retrouvé récemment à la même table que César Luis Menotti, le célèbre technicien, dans le cadre du partenariat entre River Plate et le FC Metz. « Un joli clin d’œil. »

Comme la perspective d’associer officiellement la famille dans son business avec Nando, son frère qui joue à Rodange, et ses enfants ? « Peut-être… »

De notre journaliste Charles Michel

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