Ce mercredi soir, le Barcelone de Miralem Pjanic accueille le Dynamo Kiev de Gerson Rodrigues. Deux garçons passés entre les mains d’un Guy Hellers qui sera, lui, devant sa télé.
Même si certains ne considèrent pas Miralem Pjanic comme luxembourgeois depuis son choix d’opter pour l’équipe nationale de Bosnie, le Luxembourg va tout de même vivre un petit moment historique ce mercredi soir avec le déplacement du Dynamo Kiev de Gerson Rodrigues chez une équipe de Barcelone qui a accueilli Pjanic cet été. Jamais deux joueurs originaires de ce pays ne s’étaient affrontés à un tel niveau.
«Personnellement, je ne perçois pas « Miri » comme bosnien ni luxembourgeois. Je vois avant tout quelqu’un que je connais et que j’apprécie. Et je trouve ça assez impressionnant de retrouver deux garçons passés par notre école du foot de Mondercange face à face en Ligue des champions», sourit un Guy Hellers qui les a eus tous les deux sous sa coupe pendant la décennie qu’il a passé du côté de Mondercange.
«Ce sont des garçons avec des profils très différents. Gerson est plus puissant, a plus de vitesse, de percussion, mais « Miri » compense tout ça par son placement, son sens du jeu. Et puis une très grande intelligence de jeu ! Après, j’ai eu ce dernier bien plus longtemps que l’actuel joueur de Kiev…», continue l’ancien sélectionneur et directeur technique national.
Le quadruplé de Gerson, le roi de l’éclipse
Gerson Rodrigues, il ne l’a eu sous ses ordres que peu de temps. «On l’a récupéré quand il devait avoir 14 ou 15 ans, à son départ du FC Metz. « Nous, on n’a pas su s’y prendre avec lui », m’avait glissé Denis Schaeffer, l’ancien directeur du centre de formation messin. Je vous avoue que je ne le connaissais pas vraiment. Mais il m’est apparu assez vite comme un talent pur avec qui il restait beaucoup de boulot à accomplir. Mais pour vous donner une idée, il devait être chez nous depuis une dizaine de jours quand on a joué un de nos matches habituels du mercredi face à une équipe étrangère. Nos U15 l’avaient emporté 6-0 et il avait mis quatre buts…»
Si Hellers ne l’a pas plus côtoyé, c’est parce l’international aux drealocks a «disparu de la circulation peu de temps après». Avant de réapparaître lorsque l’ancien Standardman était en poste à Dudelange. «Il a demandé à venir s’entraîner avec nous. Il l’a fait un jour ou deux, avant de disparaître à nouveau. Avant qu’on le retrouve quelque temps plus tard au Swift…» Malgré cette fâcheuse habitude de disparaître donc, Hellers garde un bon souvenir de ce «gentil garçon avec son caractère mais qui acceptait les critiques». «Je n’ai pas eu le temps d’assez parler avec lui. Ce n’est pas en quelques semaines qu’on peut vraiment se livrer, réussir à franchir certaines barrières sur le plan personnel», continue l’ancien joueur aux 55 sélections. «Au niveau foot, il n’y avait pas de doute qu’un jour il puisse passer pro. Ces qualités-là, elles sautaient aux yeux. Mais pour le reste, c’était difficile à évaluer. Et il y a tant de facteurs qui entrent en compte dans une carrière…»
«Sans ses soucis, il serait encore plus haut»
Pjanic est passé par Metz, Lyon, l’AS Rome et la Juventus, avant d’arriver à 30 ans au sein d’un Barça où il commence à s’imposer. Rodrigues, lui, a bien plus galéré avec le Swift, Kayl/Tétange, le Racing, le Fola, Telstar en D2 néerlandaise, le Sheriff Tiraspol, le Jubilo Iwata en J-League japonaise ou encore Ankaragücü en Turquie avant de jouer cette Ligue des champions avec Kiev. «La différence de parcours tient à la famille, à l’entourage», glisse encore Guy Hellers. « »Miri » a toujours été très bien entouré. On avait un plan de carrière pour lui. Il est d’abord passé par Metz, ce qui lui a permis de grandir petit à petit tout en ne restant pas loin d’un cocon familial dont il avait besoin. Avant d’y aller étape par étape. Au final, son parcours ne m’étonne pas. J’avais dit à la fédération quand j’ai voulu qu’il soit naturalisé voici une quinzaine d’années qu’un garçon comme lui, on n’en aurait plus un sur les 100 ans prochaines années. Qu’il finirait au Real Madrid. Bon, ce n’est pas le bon club, mais je n’étais pas si loin», sourit l’ancien sélectionneur. «Gerson, lui, a été un peu seul, il a dû se démener. Mais il n’est pas toujours tombé sur les bonnes personnes. Il a parfois été au mauvais endroit au mauvais moment… Et il a eu son lot de malheurs.» Il est ainsi passé par le centre socio-éducatif de l’État à Dreiborn. «Sans ces soucis extrasportifs, il aurait connu un autre parcours. Je ne dis pas que le Dynamo Kiev, ce n’est rien. Mais il serait encore plus haut aujourd’hui.»
Julien Carette