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FC Differdange / Progrès : « Et dire que s’ils y sont, c’est grâce à nous »


Liés par un même destin continental, le Progrès de Marochi et le FCD03 de Bei? En attendant de savoir si les deux clubs se retrouveront au 2e tour de l'Europa League, ils se soutiennent mutuellement. (photo Mélanie Maps)

EUROPA LEAGUE (1er TOUR RETOUR). Le Progrès Niederkorn de Fabio Marochi aspire, mardi, sur la pelouse des Shamrock Rovers, à marcher sur les traces de son glorieux voisin du FCD03 et de son président, Fabrizio Bei. Lequel jouera sa qualification deux jours plus tard, contre Bala Town. C’est donc toute une ville qui tire dans le même sens, mais surtout sans perdre de vue la «saine rivalité» des deux clubs.

Convier ces deux-là à un entretien croisé, c’est s’exposer à des chamailleries de cour de récréation. Ils aiment faire semblant de se détester, même si, dans le fond, ils s’aiment assez pour avouer «un très profond respect».

Ça a pris quelques années au Progrès pour se mettre à hauteur de Differdange en championnat et maintenant qu’il y est presque, il s’attaque directement à l’autre chasse gardée du voisin rouge et noir  : l’Europe. Cela a été la carte de visite du FCD03 depuis cinq ans, Niederkorn veut la même, dès cette saison si possible. Et sur la durée tant qu’à faire.

Le Quotidien : Fabrizio, quand vous voyez que le Progrès fait légèrement plus de public chez vous, au Parc des Sports d’Oberkorn, contre les Shamrock Rovers (1  451 spectateurs), que vous contre Bala Town (1  233), ça ne vous chatouille pas un petit peu ?

Fabrizio Bei  : Non, ça ne me fait pas chier. ( Malicieux ) Peut-être ont-ils tout simplement plus d’invités que nous… Non, sérieusement, je crois que c’était dû à la chaleur.

Fabio Marochi  : Moi aussi. Si nous avions inversé les deux rencontres, eux auraient eu plus de monde.

F.  B.  : Moi, de toute façon, ce que je regarde, c’est la moyenne de spectateurs sur une saison de DN. Et cette saison, on était juste derrière la Jeunesse et ça, ça me satisfait.

F.  M.  : Et puis, regarder les matches européens, c’est une chose, mais si on regarde les derbies differdangeois, on se rend surtout compte que le nombre de spectateurs est supérieur à celui des derbies eschois et cela, c’est un signal très important!

F.  B.  : Ça c’est vrai! Et même s’il y a encore beaucoup à faire, on peut dire que Differdange est LA ville de football au Luxembourg. Je ne suis pas nostalgique, on ne retrouvera plus les affluences d’il y a quelques décennies, mais Fabio l’a dit  : Differdange est au-dessus d’Esch.

À quel point l’Europa League, justement, a pesé sur ce retour de flamme du public differdangeois de toutes obédiences?

F. B. : Ah c’est sûr que pour le capital sympathie, pour l’attachement des gens partout dans le pays, l’Europa League… Dans tout le Luxembourg, on me félicite encore pour notre victoire contre Utrecht (NDLR  : en 2013). Notre 2 e place en DN cette saison, tout le monde s’en fout! Vous vous souvenez de qui comme 2 e dans l’histoire du sport, à part Poulidor?

F. M.  : Quand je suis à l’étranger et que je parle foot, les gens connaissent Dudelange et Differdange grâce à leurs exploits européens. Le Progrès ne revient jamais dans les conversations. Les gens sont marqués par quoi? Par leurs parcours européens. Passer un tour de Coupe d’Europe, c’est franchir un pas, c’est se faire connaître. Nous, avec le Progrès, on est là où on voulait être : au 1 er tour. Maintenant, s’il y en a un deuxième…

F.  B.  : Et dire que s’ils y sont, c’est grâce à nous, puisqu’on gagne la Coupe…

F.  M.  : Ah oui tiens, je dois te remercier.

F. B. : De rien, c’est gentil.

F.  M.  : Mais j’ai été l’un des tout premiers à te féliciter de votre victoire en Coupe, par SMS.

F.  B.  : Et je t’ai d’ailleurs répondu immédiatement.

Vous êtes en fait bien plus amis, bien plus proches que les petits jeux de rivalité locale ne le laissent deviner.

F.  B.  : Differdange a besoin de cette rivalité. Il y a de la place pour deux clubs dans cette ville et j’espère que cette rivalité va même gagner encore en vigueur. Même si je ne peux que me féliciter que nous ayons gagné les deux derbies cette saison.

F.  M.  : C’est juste, mais l’an passé, on en a gagné un et sur le deuxième, vous nous battez à la dernière minute et cela vous offre l’Europe. Là, c’est toi qui pourrais me remercier!

F.  B.  : Ben non, tu ne me l’as pas offert quand même!

L’annonce du calendrier, juste avant vos rencontres européennes, cela vous a intéressé quand même un petit peu?

F.  B.  : Moi, j’ai juste regardé la première journée et le derby.

F. M. : C’est le 19 octobre, c’est ça?

F.  B.  : Non, le 18 je crois (NDLR : effectivement, pour le compte de la 9e journée).

F.  M.  : Faudra qu’on pense à le bouger d’ailleurs…

F.  B.  : Pour répondre à la question, non, cela ne m’a franchement pas intéressé.

F.  M.  : Moi non plus. J’ai regardé la même chose que Fabrizio et je me suis rendu compte qu’on jouait le F91 et le Fola l’un derrière l’autre, c’est tout. Mais c’est quand même drôle : nos rencontres de la première journée sont juste l’inverse de l’an passé. On avait débuté par le Fola et là c’est vous. Vous aviez commencé par la Jeunesse, et là c’est nous. D’ailleurs, un ancien m’a fait remarquer que la dernière fois que le Progrès avait terminé son championnat par une rencontre contre la Jeunesse, c’était en 1981 et on avait été champions. ( Il regarde en direction de Fabrizio Bei ) Il ne répond rien…

F.  B.  : (Qui le regarde mi-amusé, mi-dépité ) Non, il m’a cloué le bec…

F.  M.  : Mais leurs ambitions, à Differdange, sont plus hautes que les nôtres.

F.  B.  : Ça y est, ils commencent déjà à pleurer! Nous, on ne va pas se cacher : on a fini 2e et on y va pour faire mieux. Et si le Progrès veut faire vice-champion, je n’ai rien contre!

F. M. : Là c’est lui qui m’a cloué le bec!

On vous aide à le remettre sur la défensive  : vous ne trouvez pas, Fabio, que Differdange, outre son exceptionnel parcours sportif qui ne doit rien à personne ces cinq dernières années en Europa League, a une chance phénoménale au tirage pour ce qui est des 2 e ou 3 e tours, en héritant toujours d’adversaires marquants?

F.  M.  : Si, parce qu’en plus, ce genre de chance-là, ça ne se provoque pas. J’avoue, en Suisse, quand j’ai vu leurs adversaires potentiels, je me suis dit « putain, ils ont quand même un de ces bols! ». Alors oui, il faut être là (NDLR : au 2 e tour) mais quand on voit leur historique… J’en ris, mais quelle chance ils ont! Pareil en Coupe de Luxembourg, ils jouent toujours à domicile!

F.  B.  : Ah, pas cette année! On n’a joué qu’une fois à Oberkorn. Bon là, effectivement, on tire Trabzonspor qui, oui, a deux ou trois vedettes…

F.  M.  : Et peut-être bientôt Mario Balotelli!

F.  B.  : Mais moi, je vous envie votre tirage! Si vous passez, votre 2 e tour (NDLR : si le Progrès bat les Shamrock Rovers, il jouera vraisemblablement contre les Norvégiens de Odd Grenland), ce sera difficile, mais il y a un peu d’espoir. Nous, contre Trabzonspor, c’est presque impossible.

Comme l’était Utrecht il y a deux ans.

F.  B.  : Par expérience, je ne veux pas en parler. On doit déjà aller au pays de Galles en ayant pris un but bête chez nous. J’appelle ça la petite faute luxembourgeoise. Mais même la fédération m’a déjà contacté pour savoir ce qu’on fait au 2 e tour, où on joue. Non! Parlons du présent! ( Avec un sourire plein de malice ) Même si j’espère que dans deux semaines, Ante Bukvic s’amusera à bousculer Balotelli…

F.  M.  : Moi, je les suis de très près ces dernières années, les Differdangeois. J’avoue, puisqu’on me pose souvent la question de savoir pour qui je suis quand le FCD03 joue en Coupe d’Europe, que je suis avant tout differdangeois. Je croise toujours les doigts pour eux. Ils nous ont fait vibrer contre Utrecht ou le PSG, c’était des trucs de dingue. Alors moi, quand mes membres me disent « si on passe le 2 e tour, on tire Dortmund ou Liverpool », je signe tout de suite!

Pensez-vous qu’on puisse, dans quelques années, voir très régulièrement des clubs luxembourgeois au 3 e tour de l’Europa League, c’est-à-dire pas loin des portes des phases de poules?

F.  M.  : Mais cela fait déjà quelques années qu’on y est!

C’est arrivé seulement une fois au FCD03!

F.  B.  : Eh bien justement  : on l’a montré. Et au fur et à mesure, les clubs luxembourgeois vont se retrouver de plus en plus près des phases de poules. Moi, j’ai énormément perdu sur un seul penalty (NDLR : il fait référence au tir raté de Philippe Lebresne lors de la séance des tirs au but contre Tromsø, au 3 e tour de la C3 en 2013, qui aurait permis au FCD03 d’aller au 4 e tour, puis en poules, puisque l’adversaire de Tromsø, Besiktas, avait été écarté de la compétition pour actes de corruption). Il m’arrive encore d’en rêver et dans ce rêve, je m’adresse à Lebresne et je lui crie « Philou, ne tire pas! ».

F.  M.  : Differdange et Dudelange n’étaient pas si loin. Mais comme nous sommes structurés au pays, je ne sais pas si ce serait un cadeau. Vous maintenant, à Differdange, vous avez l’habitude, mais nous, on a pas mal souffert pour organiser un seul déplacement en Irlande. Alors toute une phase de poules…

F. B. : Moi, je te jure, je n’aurais pas craché dessus il y a deux ans!

F.  M.  : Mais comment tu aurais géré ça avec des bénévoles et des joueurs amateurs qui ont des boulots?

F.  B.  : J’espère que la question se posera très bientôt.

F.  M.  : En fait, je suis sûr qu’elle se posera. On évolue bien plus vite que d’autres pays, qui eux, sont carrément en régression. Les gens qui viennent en visite au Grand-Duché et voient le niveau de la Division nationale repartent tous surpris. Oui, je vois bien un club grand-ducal en phase de poules de la C3.

Lequel?

F.  M.  : ( Avec un grand sourire ) J’espère le Progrès…

F.  B.  : Alors lui, il a une boule de cristal! Je suis assez d’accord avec ce qui vient d’être dit, mais je pense qu’on ne peut en tout cas pas donner d’échéance. Annoncer qu’on veut passer trois ou quatre tours européens au moment du tirage au sort, le 22 juin, c’est cavalier.

F. M. : Il faut quand même un peu rêver.

F. B. : Je dirais même que ne pas rêver, c’est dangereux.

Mais avec tout ce que le FCD03 a accompli ces dernières années, il a gagné le droit d’être regardé un peu différemment sur la scène européenne, non?

F.  B.  : Cela fait sept ans désormais que je vais dans les locaux de l’UEFA à Nyon tous les étés et la seule qui me reconnaît, c’est la dame de l’entrée. J’ai bien vu la tête des Gallois quand ils ont tiré Differdange  : ils ont commencé à rigoler! On nous prend toujours pour les petits Luxembourgeois. Et même carrément pour des bleus! Mais c’est réciproque! On était contents de tirer les Gallois.

Alors que le Progrès aspire à marcher sur les traces de son voisin, vous lui donneriez quoi comme conseil pour y arriver, Fabrizio?

F.  B.  : Y aller pour gagner parce qu’ils ont le potentiel pour ça. Le Progrès, c’est une équipe de contre-attaque. Il suffit de lancer Menaï une fois pour faire la différence.

F.  M.  : J’espère qu’on ne sera pas puni de ne pas avoir fait la différence au match aller.

Menaï, puisqu’on en parle, a été approché ce printemps par le FCD03. Maintenant que les deux clubs boxent presque dans la même catégorie, une guéguerre s’annonce pour aller piocher régulièrement dans l’effectif du voisin?

F. M. : Je sais que Menaï a effectivement été en tractations avec Differdange. C’est de bonne guerre, puisqu’il était en fin de contrat. Mais il est finalement revenu vers nous…

Mais vous étiez intéressé par Er Rafik de votre côté, non?

F.  M.  : Non, je ne suis pas au courant.

F.  B.  : Oh, il parle comme un bon papa… C’est peut-être vrai, je ne sais pas. Mais ça fait partie du business et c’est flatteur. Moi, à mes joueurs, je leur dis la même chose qu’à ma femme  : « Tu sais ce que tu as à la maison, mais tu ne sais pas ce que tu trouveras ailleurs ». On aime pourtant bien voir sa femme courtisée, sauf si elle finit par partir avec un autre…

F. M. : En tout cas, ces dix dernières années, à mon sens, il y a seulement Jorge Ribeiro qui soit passé chez nous et ait signé chez vous (NDLR : cet été). Tu te souviens d’un autre cas, toi?

F. B. : Non.

Vous vouliez aussi engager Kettenmeyer cet hiver…

F. M. : Ah oui, Kettenmeyer, oui.

F.  B.  : Et moi, je leur aurais bien pris Paul Bossi. Vous imaginez, le porte-étendard du Progrès à Differdange?

F.  M.  : Moi, si on me demande quel joueur du FCD03 je veux, je les prends tous : ils sont tous bons.

De toute façon, un joueur qui quitte le Progrès ou le FCD03 de son propre gré, c’est une rareté. Comment faites-vous pour fidéliser à ce point?

F.  B.  : Les joueurs de Niederkorn restent pour les beaux yeux de Fabio et à Differdange, c’est pour mes beaux cheveux!

F.  M.  : J’ai eu peur, j’ai cru que tu allais dire que c’était pour mes beaux cheveux… Ce qui les fidélise, c’est qu’on est un club social, humain où on ne toque pas à la porte pour 50 euros de plus. Chez nous, on se fait un devoir de ne pas parler d’argent au premier rendez-vous. Le joueur qui parle salaire après trois phrases, il ne revient plus. Et croyez-moi, il y a de très bons joueurs du pays qui auraient pu venir chez nous et qu’on n’a pas pris parce qu’ils se sont comportés exactement comme ça.

F. B. : Moi, il y a des joueurs que je ne sentais pas du tout après dix minutes passées dans mon bureau. Et ceux qui m’ont quitté pour l’argent n’ont jamais fait une belle carrière.

Jeudi soir, il y aura peut-être deux clubs d’une même ville au 2 e tour et on imagine assez facilement que le Progrès aimerait arriver dans ce domaine à la même régularité que le FCD03. Cela ne posera pas des problèmes d’organisation au niveau des infrastructures, cet été ou dans le futur?

F . B. : Ah mais nous, au FCD03, on est les derniers à pouvoir prendre la moindre décision. Tout dépend de l’UEFA et de son planning. Si on passe et qu’on doit aller au Barthel parce que les Turcs peuvent drainer 3  000 à 4 000 supporters, on ira au Barthel. Et le Progrès qui joue chez nous, je n’ai rien contre.

F.  M.  : Naturellement, nous, on préférerait jouer chez nous, au stade Jos-Haupert, mais c’est pareil : si tu me dis qu’on peut faire 2 000 spectateurs au 2e tour, le choix est vite fait et je vais jouer à Differdange!

Pas envie de demander, même naïvement, que le Jos-Haupert soit aménagé, puisque le Progrès semble parti pour s’installer à ce niveau?

F. B.  : Nous, on est mal placés pour demander quoi que ce soit à la commune. On peut juste les remercier pour notre stade dans lequel on se sent de plus en plus chez nous. Maintenant, si elle veut nous offrir un grand stade pour les deux clubs, on n’a rien contre.

F.  M.  : On a loupé le bon moment pour ça! Ils ne vont pas refaire un autre stade maintenant. Mais peut-être est-il possible d’adapter le Jos-Haupert…

Entretien réalisé par Julien Mollereau

Mardi 7 juillet, 21h : Shamrock Rovers / Progrès Niederkorn (aller 0-0)

Jeudi 9 juillet, 20h : Bala Town / FC Differdange 03 (aller 1-3)

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