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[BGL Ligue] Frédéric Lamotte : «On n’est pas juste un vendeur d’images ou un simple loueur de caméras»


Frédéric Lamotte, époque Virton. Aujourd'hui chez Fuchs Sports, avec l'envie de révolutionner le football luxembourgeois. (Photo : Jean-Pierre Laurent/La Meuse)

Très prochainement, la Ligue va voter afin de dire qui de RTL ou de Fuchs Sports équipera les stades du pays de caméras, pour entamer ce qui pourrait être une véritable révolution technologique.

On peine à déterminer les contours exacts de cette volonté qu’ont eue les clubs de l’élite, à un moment de leur histoire où une épidémie les a fait passer à 16 (et où le référendum lancé par la FLF pourrait les y maintenir), de moderniser leur image en produisant, justement, des images. L’appel d’offres autour de l’installation de caméras dans les stades, avec toute la production de contenu(s) que cela sous-tend, a d’abord ressemblé à une lubie. Puis à du décorum. Ensuite à un outil intéressant. Et aujourd’hui, à la veille d’un vote dont on ne connaît pas encore clairement la date – mais qui ne devrait plus tarder –, les clubs sont parvenus à se convaincre et, un peu, à nous convaincre que cela pourrait finalement changer le rapport des supporters au football luxembourgeois.

C’est que pour une fois, RTL n’est pas le seul à répondre. Il y a cinq ans, c’est sans doute le genre de requête que le groupe aurait pris un peu par-dessus la jambe. De nos jours, il est confronté à l’arrivée sur le marché du groupe Fuchs Sports, adossé à Fuchs Finance, un groupe qui pèse 40 millions d’euros de fonds propres, qui gère annuellement 6 milliards d’euros d’actifs et qui a décidé de se diversifier. C’est finalement la lecture du projet qu’il a soumis aux clubs qui a fini de donner à l’affaire une tournure plus importante qu’il n’y paraissait de prime abord. Parce que mis en place, leur projet étofferait potentiellement considérablement la visibilité du football au pays. Aucun coût financier, revenu annuel fixe garanti, commissionnement de 20 à 50 % du chiffre d’affaires réalisé par l’équipe commerciale ? Des perspectives pas négligeables pour les clubs, en temps de crise. Caméras haute qualité, production de contenu, statistiques, coordination des réseaux sociaux ? Un pas en avant pour faire entrer la BGL Ligue dans une nouvelle ère.

«L’offre de RTL n’est pas forcément différente», indique-t-on à la Ligue. Il va donc falloir choisir entre un nouveau venu et l’historique. En sachant que la fameuse force d’inertie dont ses détracteurs veulent bien parer le football luxembourgeois devra composer avec ce que le projet de Fuchs aura apporté à celui de RTL, qui aurait sans doute été plus modeste sans lui. En un mot comme en cent, la saison 2021/2022 risque d’être celle de toutes les explorations et nouveautés, celle qui forgera peut-être un rapport plus intime et plus intense des suiveurs de ce sport avec leurs clubs et le championnat de DN. La période est excitante et pour bien la comprendre, nous sommes allé rencontrer Frédéric Lamotte, directeur développement et stratégie de Fuchs Sports, qui entend financer intégralement le projet pour une durée de 4 ans renouvelables, jusqu’en août 2024, donc. Son seul inconvénient, aux yeux de certains clubs : un passé commun avec Flavio Becca, du côté de Virton.

Il y a moins d’un an, vous étiez venu à la Cloche d’or présenter l’arrivée de Dino Toppmöller à Virton en tant que dirigeant du club gaumais. Comment vous retrouve-t-on, aujourd’hui, à défendre ce projet pour Fuchs Sports ?
Frédéric Lamotte : Un changement de piste. J’ai été journaliste télé, mais j’ai aussi travaillé dans plusieurs sociétés de stratégie et développement. Alors oui, j’ai travaillé deux ans à Virton avec Flavio Becca mais à la fin de l’année dernière, j’ai décidé de mener ce projet avec Jean Fuchs, à qui j’ai expliqué les manques des clubs et ici, au Luxembourg, c’est la médiatisation. Il vous manque de la visibilité. Je suis ainsi devenu directeur du développement et de la stratégie du projet. En quelque sorte le chef d’orchestre.

Et quelle partition comptez-vous jouer si la Ligue vous choisit ?
La télévision comme on la connaît aujourd’hui va encore évoluer. Les amateurs de sport consomment de plus en plus différemment et nous voulons être dans cette évolution, accompagner les clubs luxembourgeois pour amorcer la transformation digitale et numérique. Ça me fait rire quand j’entends des clubs nous dire qu’ils l’ont pris, ce tournant, en étant présents sur Facebook, Instagram… Non, nous nous proposons une vision à 360 ° grâce à notre captation d’images. Quand la Ligue de foot a lancé son appel d’offres, on y a répondu avec notre ADN, qui est de créer des opportunités.

On n’est pas là pour bêtement créer de l’image mais plutôt pour créer un modèle qui dépendra aussi de chaque club

Il faut beaucoup lire entre les lignes, là. Concrètement ?
On ne veut pas se limiter à faire du live streaming. On ne se bornera pas à fournir un résumé des matches. On veut aller bien plus loin. Parce que nous avons à côté de nous des partenaires actifs depuis des années dont un Luxembourgeois que je trouve génial : Clubee, une start-up qui a beaucoup d’atouts pour distiller du contenu sur les réseaux sociaux. On propose aussi l’intelligence artificielle pour la gestion des clubs, avec des caméras intelligentes. Bref, c’est une approche multidisciplinaire. On n’est pas juste un vendeur d’images ou un simple loueur de caméras. On n’est pas là pour bêtement créer de l’image, mais plutôt pour créer un modèle qui dépendra aussi de chaque club car tout le monde ne peut pas et ne veut pas avancer à la même vitesse. Nous devons interroger chaque club sur ce qui est sa réalité.

Une rumeur court : vous aviez déjà été désignés par la Ligue mais RTL a fait une contre-offre et la Ligue va s’autoriser à revoter.
Ah, les rumeurs… Disons qu’actuellement, il y a un gros travail d’analyse, de comparaison, mené par tout le monde. La Ligue doit prendre le temps. Et pas qu’elle, puisque le détenteur des droits, c’est l’organisateur de la compétition, c’est-à-dire la fédération qui doit aussi donner son avis.

Pourquoi ne pas avoir cherché à vous associer à RTL, qui occupe tout de même une position privilégiée et qui sera sans doute difficile à déloger ?
En fait, nous avons fait un pas vers RTL dès février, car nous sommes admiratifs de leurs compétences. Nous, nous possédons des caméras 4K, qui proposent une qualité d’image quatre fois supérieure à du full HD, des acteurs qui possèdent une certaine expertise… Mais on n’a pas su les convaincre, ni trouver un accord. Chacun son ADN, chacun sa vision, mais je ne cache pas que j’aime le travail d’équipe et quel que soit le résultat du vote, je n’exclus pas non plus de travailler avec eux, dans le futur. Mais RTL aussi, a une offre sérieuse.

Des alertes à chaque but sur chaque terrain, le montage des meilleurs moments moins d’une heure après les rencontres, des statistiques, de l’analyse, des émissions…

On n’a toujours pas compris très concrètement ce qui se passera pour le football luxembourgeois si Fuchs Sports est choisi.
Nous proposons une plateforme aux couleurs des clubs et de la Ligue. Ce n’est pas nous, un média, qui arrive avec sa propre plateforme, non : c’est la leur. Avec une grosse qualité d’image mais aussi du management qui va autour. On peut tout imaginer : des alertes à chaque but sur chaque terrain, le montage des meilleurs moments moins d’une heure après les rencontres, des statistiques, de l’analyse, des émissions… Nous serons en interaction avec les autres médias. Plus les images sont partagées, plus elles sont vues, mieux ce sera. Nous voulons créer une fan base, valoriser l’esprit d’après-match, produire du contenu pour les réseaux sociaux, mettre à disposition des bases de données avec un des meilleurs logiciels d’analyse vidéo sur le marché… Le foot luxembourgeois a déjà bien avancé ces dernières années, mais la digitalisation sera un acteur supplémentaire pour renforcer cette dynamique. C’est une philosophie totalement différente des streams habituels. L’approche financière aussi est différente : nous proposons des revenus aux clubs. Nous possédons notre propre régie publicitaire et il nous semble normal de rétribuer ceux qui produisent le spectacle.

Ce n’est pas parce que le Luxembourg n’a jamais connu de droits TV que nous n’allons pas payer

Parlez-nous de ce volet financier.
Le championnat luxembourgeois est un des seuls en Europe à ne pas avoir de droit télé. Nous proposons donc un droit de diffusion fixe pour tous les clubs. Nous souhaitons appliquer ce business-model. Ce n’est pas parce que le Luxembourg n’a jamais connu de droits TV que nous n’allons pas payer.

Combien ?
Les montants évoqués sont confidentiels. En tout cas tant que rien n’est finalisé.

La DN serait un terrain d’expérimentation pour vous ?
Non, nous avons déjà signé un contrat avec la fédération turque pour équiper 200 stades des troisième et quatrième échelons nationaux. Nous venons de finaliser également avec la fédération française pour digitaliser, avec plus de 150 caméras, le National 3 et le Régional 1, dans certaines régions. On discute d’ailleurs aussi pour le N2 et le N1. Nous sommes aussi actifs auprès de clubs féminins belges.

Si vous êtes choisis, serez-vous opérationnels le 23 août, pour la reprise supposée du championnat ?
Nous avons trois équipes techniques qui sont prêtes. Fuchs Sports, c’est dix personnes mais surtout une structure ouverte avec 150 intervenants.
Nous nous sommes engagés pour plus de 150 caméras en France alors je parle pour moi mais je dirais que nous avons les ressources et les compétences pour que tout fonctionne pour la première journée de championnat.

Entretien avec Julien Mollereau

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