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Le blues du « Grand Bleu » de Guillaume Néry, plongeur confiné


Guillaume Néry songe à ce moment très précis où il pourra renouer avec son élément. (Photo : AFP)

« J’ai revu Le Grand Bleu, après j’étais traumatisé ! » : privé de son élément vital, la mer, l’apnéiste Guillaume Néry ressent le manque de l’eau comme jamais.

« Ça ne me mine pas le moral consciemment mais ça vient s’inscrire quelque part et me perturbe le sommeil », confie le champion des profondeurs dans un entretien téléphonique , depuis son domicile à Nice d’où il voit la mer. « Ce matin, j’ai eu du mal à me réveiller, plein d’épisodes d’insomnie. Je sens que la privation de liberté au niveau du corps a vraiment un impact fort. Ce qui est fou c’est que ça se manifeste de manière inconsciente, j’ai l’impression que j’arrive à bien le gérer au quotidien, je n’ai pas l’impression d’en souffrir mais ça s’exprime d’une autre manière. »

Guillaume Néry a le sommeil perturbé depuis le début du confinement. Coupé de la mer mais aussi de la montagne du parc national du Mercantour, « les deux univers dans lesquels j’aime m’exprimer, où il n’y a pas vraiment de limite », dit-il. « Je suis privé de ces deux sources essentielles à mon équilibre », explique le plongeur de 37 ans, descendu pour la première fois à 87 m en 2002. Auteur de quatre records du monde, dont le dernier à 126 m en 2015, il a le cœur serré quand il regarde par la fenêtre la mer, qu’il pourrait rejoindre en seulement 10 minutes.

« C’est un sentiment très ambivalent, la mer c’est mon horizon depuis toujours, c’est mon repère. Là il y a une envie de la regarder mais pas trop quand même parce que ce n’est pas facile », explique le champion des océans, qui dès qu’il a les yeux rivés vers la Méditerranée s’imagine dans l’eau. « Et là c’est dur ! » Confiné, il s’est plongé dans son univers en proposant à sa fille de 8 ans de regarder pour la première fois Le Grand Bleu, le film culte de Luc Besson sur la vie de l’apnéiste Jacques Mayol (interprété par Jean-Marc Barr).

Capable de tenir le souffle coupé pendant près de 4 minutes

« Après j’étais traumatisé ! Je me voyais au coucher de soleil sur les rochers, la mer plate, je me voyais en train de plonger, cet élan de liberté que je ressens quand je suis au contact de la mer… », raconte-t-il. « Dans Le Grand Bleu, il y a une scène où l’oncle de Jean-Marc Barr est dans sa baignoire avec son masque. Oh mon Dieu ! Je me suis dit que si j’avais eu une baignoire, je me serais fait quelques petites apnées au fin fond de ma baignoire. Ça a surgi dans un coin de ma tête. »

Bien évidemment, il songe à ce moment très précis où il pourra renouer avec son élément. « Et de plus en plus. Waouh… Un moment qui va avoir une saveur particulière. J’ai fait pas mal d’expérience de privation. L’apnée c’est une expérience de privation, on s’arrête de respirer et quand on re-respire pour la première fois même si dans le temps c’est très court, cette première inspiration a une saveur particulière. » Le Niçois, capable de tenir le souffle coupé pendant près de 4 minutes quand il descend au-delà des 100 mètres, se remémore alors ces six semaines qu’il avait passées l’année dernière sur un bateau en Antarctique.

« C’était presque un entraînement pour la gestion de ce confinement. Je me souviens des derniers jours avant de mettre pied à terre à Ushuaïa (à la pointe sud de l’Argentine), il y avait une espèce de montée, d’impatience et d’attente. Je savourais tout, un oiseau qui faisait ‘piou piou’, le premier café que j’ai pu boire, le premier croissant, marcher sur une distance supérieure à la longueur du bateau. C’était extraordinaire. Je m’imagine que ce premier retour à la mer aura cette saveur-là. Je pense que ça va être assez fort. » Peut-être même plus que lorsqu’il a débuté l’apnée. « La première fois finalement c’est un peu une découverte, on ne sait pas, là je sais exactement. Il y a une attente et elle peut potentiellement décupler le plaisir. »

LQ/AFP

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