Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Un rapport de l’Unicef met en lumière «une société inégalitaire en matière de droit de l’enfant» au Grand-Duché. Un enfant sur quatre vit sous le seuil de pauvreté.
Sur le plan des revenus, de l’éducation, de la santé et de la satisfaction dans la vie, les inégalités ne s’estompent pas, voire se creusent, au Luxembourg. Pour y faire face, Unicef-Luxembourg fait certaines recommandations au gouvernement.
Bien que le Luxembourg figure toujours parmi les premiers pays au monde quant au PIB par habitant et que le salaire médian soit le plus élevé de l’UE, le rapport de l’Unicef constate une inégalité importante de bien-être entre les enfants du bas et ceux du milieu de la distribution.» C’est la première conclusion sur le Grand-Duché du rapport Équité entre les enfants de l’Unicef, qui présente une vue d’ensemble des inégalités de bien-être entre les enfants de 41 pays de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Cette étude, dans laquelle le Luxembourg se classe à la 29 e place, se concentre sur les «inégalités dans la partie inférieure de la distribution», c’est-à-dire l’écart entre les enfants du bas et ceux du milieu de la distribution, et cherche à savoir jusqu’où la société laisse le fossé se creuser entre les enfants en matière de revenus, d’éducation, de santé et de satisfaction dans la vie.
«Un enfant sur quatre sous le seuil de pauvreté»
« Un enfant sur quatre se trouve sous le seuil de pauvreté qui s’établit à 35 620 euros par an pour un couple avec deux enfants et à 27 139 euros pour un parent seul avec deux enfants , indique Anne-Catherine Guio, chercheuse à l’Unité des inégalités sociales et spatiales au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser). Ce taux de 25 % chez les enfants est plus élevé que celui de la population totale luxembourgeoise, qui oscille entre 15 et 16 %. »
En termes d’inégalités dans l’enseignement, «le Luxembourg se trouve à la 33 e place sur un total de 37 pays», souligne le rapport. « Concernant le domaine des mathématiques, au Grand-Duché, les 25 % d’enfants les plus défavorisés éprouvent un retard équivalent à trois années de scolarisation par rapport aux 25 % les plus favorisés », complète Anne-Catherine Guio.
Au niveau de la santé, «le Luxembourg figure parmi les pays où la santé des enfants du bas de la distribution s’est détériorée davantage par rapport à celle des enfants du milieu de la distribution, entre les années 2006 et 2014, avance le rapport. Près d’un enfant sur quatre au Luxembourg signale avoir un ou plusieurs problèmes de santé tous les jours.»
En termes de satisfaction de vie exprimée par les enfants, le Luxembourg se range à la 32 e place sur un total de 35 pays, «l’écart de satisfaction relatif étant de 30,04 % entre les enfants les moins satisfaits et ceux qui représentent la moyenne», souligne le rapport.
«Plus d’égalité est possible»
« Au Luxembourg, le statut socioéconomique demeure une variable explicative déterminante de l’état de santé, du niveau scolaire et du niveau de satisfaction d’un enfant à l’égard de sa vie , estime Anne-Catherine Guio. Les inégalités en résultant ont un impact sur tous les droits de l’enfant et empêchent les enfants très tôt de développer leur plein potentiel tout en restreignant leurs perspectives. »
La directrice d’Unicef-Luxembourg enchaîne en affirmant que « plus d’égalité est possible ». «L’Unicef-Luxembourg recommande que des efforts soient entrepris notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, ainsi que de façon générale dans le recueil de données et du suivi du bien-être des enfants» , poursuit-elle.
Dans le détail, Unicef-Luxembourg estime qu’au niveau de l’éducation, il faut «concentrer les efforts sur l’amélioration des résultats scolaires des élèves défavorisés et assurer que l’éducation puisse jouer un rôle d’ascenseur social». « On pourrait offrir gratuitement un soutien scolaire personnalisé, quotidien et de qualité à l’école ou en maison relais , indique Sandra Visscher. Assurer que les activités hors cours comme les excursions ou le théâtre organisées par l’école soient gratuites. »
Au niveau de la santé, Unicef-Luxembourg souhaite que le gouvernement promeuve et favorise un mode de vie sain pour tous les enfants. «Chaque enfant pourrait avoir accès à un repas complet de qualité gratuit à l’école ou en maison relais, avance la directrice d’Unicef-Luxembourg. On devrait aussi favoriser la participation des enfants les plus démunis à des activités physiques gratuites et à des cours de nutrition ou encore des ateliers de cuisine.» Des recommandations qui ont été transmises au ministère de l’Éducation nationale et à celui de la Santé.
Guillaume Chassaing
Les grandes lignes du rapport sur les 41 pays riches
Le rapport Équité entre les enfants de l’Unicef présente une vue d’ensemble des inégalités de bien-être entre les enfants de 41 pays de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Il se concentre sur «les inégalités dans la partie inférieure de distribution», c’est-à-dire l’écart entre les enfants du bas et ceux du milieu de la distribution, et « cherche à savoir jusqu’où la société laisse le fossé se creuser entre les enfants en matière de revenus, d’éducation, de santé et de satisfaction dans la vie », explique Sandra Visscher, la directrice d’Unicef-Luxembourg. Et globalement, la situation est inquiétante dans les quatre domaines étudiés.
Inégalités de revenus
Le rapport met en avant que «les écarts de revenus ont augmenté dans la majorité des pays riches (19 sur 37) depuis la crise économique». Et c’est à Chypre, en Espagne, en Grèce, en Italie et au Portugal que les enfants les plus démunis ont vu une baisse de leurs revenus médians, qui eux-mêmes ont également diminué.
Inégalités dans l’enseignement
Concernant l’éducation, le rapport se base sur les tests PISA. «Dans la majorité des pays étudiés, l’écart de réussite a diminué entre 2006 et 2012 à l’exception de la Finlande et de la Suède auparavant perçues comme des exemples de réussite et d’équité en matière d’éducation», indique le rapport.
Inégalités de santé
«De façon générale, les inégalités se sont creusées dans 25 pays depuis 2002, dont considérablement en Irlande, à Malte, en Pologne et en Slovénie, souligne le rapport. Dans les 34 pays examinés, la probabilité que les filles soient laissées pour compte en termes de santé est nettement plus élevée. Les écarts les moins importants au niveau de la santé ont été mesurés en Allemagne, en Autriche et en Suisse, tandis que les inégalités les plus grandes ont été trouvées en Turquie et en Israël.»
Inégalités en matière de satisfaction dans la vie
La «satisfaction dans la vie» est mesurée par l’enfant sur une échelle de 0 à 10. «L’écart de satisfaction dans la vie a augmenté dans plus de la moitié des pays depuis 2002, en particulier en Belgique, en Espagne et en République tchèque, affirme le rapport. Or les enfants du bas de la distribution se trouvent loin derrière leurs pairs – leur niveau de satisfaction étant généralement inférieur à la médiane de 2,5 à 3 points. Dans la tranche d’âge de 13 à 15 ans, les filles indiquent moins de satisfaction dans la vie que les garçons.»
