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Roundup, l’herbicide contesté qui a la vie dure


Le glyphosate est la molécule active du Roundup de Monsanto. Classé cancérogène par l'OMS, il reste l'herbicide le plus utilisé dans le monde. Le Luxembourg hésite encore à l'interdire.

Certaines grandes surfaces l’ont retiré des rayons. Mais le glyphosate, plus connu sous la marque Roundup, est toujours largement utilisé, et plus que jamais contesté. Le Luxembourg est encore hésitant.

En début de semaine à Bruxelles, un comité d’experts des 28 pays membres n’est pas parvenu à s’entendre sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate en Europe. Le Luxembourg s’étant abstenu lors du vote, les critiques ont fusé et les verts ont été pointés du doigt.

Les jardiniers et les agriculteurs ne vont pas commencer à utiliser l’eau de cuisson de leurs féculents pour la jeter sur les mauvaises herbes. Ils vont encore moins désherber à la main ou fabriquer leur purin d’orties, autre herbicide naturel efficace. Non, la plupart d’entre eux, sauf les producteurs bios, vont asperger les herbes indésirables de glyphosate, le fameux Roundup de Monsanto, la multinationale américaine spécialisée dans les biotechnologies.

Et que l’on ne pointe pas un doigt accusateur vers les seuls agriculteurs, les particuliers sont nombreux à compter des flacons de Roundup sur leurs étagères. Or plus personne n’ignore que ce puissant désherbant chimique est dangereux pour l’environnement et la santé. Il est d’ailleurs classé depuis tout juste un an «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un bras de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Bruxelles propose cependant de renouveler pour quinze ans son autorisation dans l’UE. Pas si simple. La Commission européenne a dû reporter, lundi, le vote sur sa proposition de prolonger l’autorisation du glyphosate faute de majorité. Plusieurs pays européens, représentés par des experts nationaux, se sont opposés à cette substance soupçonnée d’être cancérogène.

Bien sûr, une étude en chasse une autre et la Commission a fondé son avis sur celui de l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui, elle, a estimé «improbable» son risque cancérogène. Ce comité d’experts n’a finalement pas voté le renouvellement de l’autorisation, car la majorité qualifiée (55 % des États membres représentant 65 % de la population de l’UE), nécessaire à son adoption, n’a pas pu être atteinte. Un nouveau rendez-vous est fixé les 18 et 19 mai.

Le Luxembourg s’est abstenu, lors de ce vote. « C’est un dossier très technique, on a besoin de points de vue scientifiques et d’ordinaire on suit l’avis de l’EFSA », indique Fernand Etgen, le ministre de l’Agriculture. La Commission attend maintenant des propositions des États membres représentés par un comité d’experts nationaux.

« Le Luxembourg, après concertation avec la ministre de l’Environnement et la ministre de la Santé, analysera la proposition de la Commission, sans émotion. Mais renouveler pour 15 ans, c’est difficile », avoue le ministre. Donc, il faut laisser encore du temps à la discussion, l’échéance pour renouveler l’autorisation du glyphosate n’expire que fin juin. Une position qui satisfait pour le moment les verts au gouvernement.

Les Verts opposés

« C’est une histoire de lobbying. On a deux avis, il est important pour nous que cette commission technique ne prenne aucune décision. Notre position est archiclaire et comme nous, tous les ministres de l’Environnement disent non. Le gouvernement a le temps de finaliser son argumentation et nous les verts, nous avons le temps de tous les arguments et toutes les preuves dont on a besoin pour montrer que le risque pour la santé des gens est trop grand, c’est une évidence », explique Viviane Loschetter, présidente des Verts à la Chambre des députés. Car pour elle, il s’agit clairement d’opter pour l’interdiction du glyphosate.

Bien sûr, dans ce dossier, les verts au gouvernement sont montrés du doigt. « Nous avons reçu une multitude d’appels de gens qui ne comprenaient pas l’abstention du Luxembourg. Il y a une divergence de vues entre le ministre Fernand Etgen à l’Agriculture et Carole Dieschbourg à l’Environnement parce que les intérêts sont divergents », souligne la députée écologiste. En tout cas, les verts veulent informer ces deux prochains, avant la prochaine réunion du groupe d’experts fin mai.

Geneviève Montaigu

La pression des ONG

Greenpeace Luxembourg et l’association natur&ëmwelt ont pris position, le 9 mars, en priant le gouvernement de dire un non catégorique au renouvellement de l’autorisation du glyphosate au-delà de juin 2016. «La France, l’Italie, la Suède et les Pays-Bas ont placé les intérêts des citoyens au-dessus de ceux des lobbys agricoles, pourquoi pas le Luxembourg?», interroge Martina Holbach, de Greenpeace Luxembourg dans un communiqué.

Elle rappelle que l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) étudie les effets sur la santé du glyphosate en raison de la mise en garde de l’Organisation mondiale de la santé. Cette analyse sera achevée fin 2017.

«Si l’ECHA vient alors à la conclusion que le glyphosate peut provoquer le cancer ou autres dégâts sur le système hormonal, il ne pourra plus être vendu dans l’UE. Tant qu’il y aura de graves conflits dans l’évaluation scientifique, le glyphosate ne peut pas être autorisé dans l’UE», poursuit-elle.

Et de conclure qu’il ne fait aucun sens «de délivrer une nouvelle licence pour le glyphosate, aussi longtemps que son examen par l’Agence européenne des produits chimiques n’est pas disponible. Les pays de l’UE seraient mieux avisés maintenant de se passer de glyphosate.» Les agriculteurs bios ont eux aussi réclamé un non clair et précis à l’usage de glyphosate.

Les études divergent, mais les risques sont là

Les études du CIRC n’ont finalement pas eu beaucoup de poids face aux puissants lobbys.

Le géant de Saint-Louis tient bon et retarde l'interdiction.

Le géant de Saint-Louis tient bon et retarde l’interdiction.

Le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde aussi bien par les agriculteurs que par les jardiniers et les particuliers. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé cette substance comme cancérogène probable  : il existe des preuves «suffisantes» de son potentiel cancéreux pour l’animal de laboratoire, mais des preuves «limitées» chez l’homme. Le CIRC a réussi à provoquer la colère des industriels, Monsanto en tête, accusant le CIRC d’avoir ignoré certaines autres études. Bref, experts et contre-experts se renvoient la balle.

D’autant que l’institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) qui devait, au nom de l’UE, réévaluer le glyphosate, a conclu à aucun risque. «Sur trente études épidémiologiques, il n’y a aucune validation d’une relation significative entre une exposition au glyphosate et une augmentation du risque de lymphome non hodgkinien ou de tout autre type de cancer», explique l’institut allemand dont font partie des industriels, en réponse aux études du CIRC.

Seul contre tous

Et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a suivi l’avis des experts allemands. Et la Commission européenne suit l’EFSA. Exit donc le CIRC.

Ce n’est pas un hasard, pourtant, si le CIRC relève un risque accru de cancer auprès des jardiniers et des agriculteurs. Selon l’agence, ‹des études cas-témoins d’exposition professionnelle au glyphosate conduites en Suède, aux États-Unis et au Canada ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien, un cancer du sang». Concernant les expériences sur les animaux, certaines ont montré que l’herbicide incriminé induisait des dommages chromosomiques, un risque augmenté de cancer de la peau, de cancer du tubule rénal, d’adénomes de cellules pancréatiques.

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