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[Réfugiés du Luxembourg] Yolanda, sauvée de la dictature chilienne


"J'ai toujours très peur des contrôles d'identité, je ne sépare jamais de mes papiers, c'est un réflexe", avoue Yolanda Arellano. (Photo François Aussems)

Chaque semaine, cet été, « Le Quotidien » rencontre des anciens réfugiés qui ont (re)construit leur vie au Luxembourg. Aujourd’hui : Yolanda Arellano et sa famille ont fui la dictature chilienne d’Augusto Pinochet.

Les faits sont lointains, mais c’est pourtant les larmes aux yeux que Yolanda raconte son histoire. Elle remonte aux années 70 où elle vit une enfance heureuse au Chili, avec ses parents qui tiennent deux stations de radio. Le père est journaliste, il anime des émissions politiques, tient un rôle social et culturel dans le paysage médiatique chilien. Membre du Parti socialiste, il rebaptise le nom de la radio «Liberté» quand Salvador Allende est élu. Mais à l’époque de la guerre froide, les choses sont bien plus compliquées qu’aujourd’hui : «Nous étions dans un contexte où il fallait choisir son camp, et quand on était au Parti socialiste, on était vite taxé de communiste.»

En effet, les choses commencent vite à se gâter. La radio, qui se trouve sur la propriété familiale, est victime d’un attentat pendant l’été 1973. Yolanda a 17 ans. Le père demande une enquête qui, mystérieusement, n’avance pas… Puis, seulement deux mois plus tard, au petit matin, la famille est réveillée par des cris. La propriété est encerclée de soldats en tenue de camouflage. Nous sommes une heure avant le putsch officiel de Pinochet. La radio est détruite, l’émetteur dynamité : «À sept heures du matin il n’y avait plus rien.»

Si bien que la famille ne réalise pas immédiatement que le frère aîné, blessé, a disparu. Il a été emprisonné. Le père est également emmené trois jours plus tard. «Nous avons cherché à savoir pendant des semaines où étaient emprisonnés mon frère et mon père. Nous n’avions aucune nouvelle. Pendant ce temps, nous subissions un harcèlement continuel à la maison, avec des visites à toute heure de militaires. Ma mère a fini par nous envoyer moi et mes deux frères en « vacances » en Argentine chez un oncle.»

La pression internationale finit par marcher, et le Chili rend publique la liste (très longue) de ses prisonniers. Le père et le frère de Yolanda subissent des tortures de la part du nouveau régime. Puis, en été 1974, ils sont libérés, mais également expulsés de leur propre pays. Le Chili leur enlève leur nationalité chilienne, ils n’ont plus d’autre choix que de partir. Et c’est en Argentine que la famille trouve d’abord refuge. Les Arellano pensent pouvoir recommencer à zéro, s’installer à long terme dans le pays, mais le sort s’acharne, et un coup d’État s’abat sur l’Argentine en 1976.

Un vrai cadeau de Noël, rejoindre l’Europe

De nouveau, il faut partir. «C’était la terreur qui recommençait. Ma mère a pris la décision de partir d’Amérique latine : « Ça pue les bottes » de la dictature disaient mes parents. Un organisme de l’ONU a pris en charge notre dossier. Ils nous ont proposé, en attendant, de loger dans un hôtel réservé aux réfugiés, mais mon père a refusé, car nous pouvions payer le loyer de notre logement. Une chance car l’hôtel a été vidé en une nuit, on a jamais revu les résidents…»

Alors que la famille s’agrandit d’un petit frère né en Argentine, elle attend fébrilement de pouvoir rejoindre l’Europe. Si la Belgique et les Pays-Bas accueillaient déjà des réfugiés chiliens, c’est le Luxembourg qui décide d’accueillir les Arellano, en décembre 1976. «Un vrai cadeau de Noël, quand nous avons appris que nous allions pouvoir nous installer au Luxembourg. Nous avons déjà quitté l’Argentine avec le statut de réfugié en poche. Nous sommes passés par les Pays-Bas avec un laissez-passer spécial.»

Audrey Somnard

Retrouvez le témoignage de Yolanda Arellano en intégralité dans Le Quotidien papier de ce mardi

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