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Prostitution : le gouvernement hostile à une pénalisation des clients


Il y aurait entre 40 et 50 prostituées dans la capitale, d’après les chiffres des ministères concernés. (illustration Hervé Montaigu)

Les ministres Lydia Mutsch et Felix Braz expriment leur scepticisme quant à une application au Luxembourg de la pénalisation des clients. Instaurée début avril en France, cette mesure serait contre-productive selon eux, car elle pousserait les prostituées à exercer davantage clandestinement.

Faut-il pénaliser les clients pour lutter efficacement contre la prostitution ? La France a estimé que oui, en adoptant cette mesure au début du mois, tout en complétant sa stratégie par une lutte accrue contre la traite d’êtres humains, ainsi qu’un renforcement de la prévention et l’accompagnement des personnes qui veulent sortir de la prostitution (stratégie d’EXIT).

Au Luxembourg, le gouvernement plaide davantage pour un « modèle luxembourgeois » qui intégrerait les mesures françaises, excepté la pénalisation des clients, dans le cadre du premier Plan d’action national « Prostitution », qui « doit être présenté prochainement ».

Ainsi, après la Suède, la Norvège, l’Islande et la France, le Grand-Duché ne deviendra certainement pas le 5e pays européen à pénaliser les clients.

Dans une réponse à une question parlementaire de la députée François Hetto (CSV, les ministres Lydia Mutsch (Egalité des chances) et Felix Braz (Justice) justifient leur scepticisme :

« Ce modèle (ndlr : de pénalisation des clients) continue de soulever des réactions controversées en raison de son contenu contradictoire. D’une part, il abolit le délit de racolage ce qui correspond de jure à une légalisation de la prostitution. D’autre part, il pénalise les clients, alors que la prostitution n’est pas interdite.

Des associations comme par exemple Médecins du Monde ont exprimé leurs réserves face au texte, en raison du fait que les prostitué(e)s auront tendance à pratiquer la prostitution en s’isolant afin de protéger les clients devant la répression. »

Trop tôt pour évaluer l’impact de la législation française

Aujourd’hui tolérée dans certaines rues désignées de Luxembourg pendant certaines heures, la prostitution rentrerait dans la clandestinité, estiment les deux ministres. Selon eux, il serait dès lors plus difficile pour les forces de l’ordre de « garantir leur sécurité », et pour les services sociaux de leur « proposer des moyens de prévention » et « des voies de quitter la prostitution ».

« Croire qu’un modèle puisse être transposé tel quel dans un autre pays risque de s’avérer être un leurre », concluent les deux membres du gouvernement. Selon eux, il est encore trop tôt pour savoir si la nouvelle législation française entraînera un afflux de clients français au Luxembourg. Gouvernement, police et justice analyseront ces conséquences éventuelles « durant une période représentative ».

La pénalisation des clients en Suède avait en effet poussé la Norvège, confrontée à un nouvel afflux de clients, à imiter son voisin.

Le Quotidien / S.A.

3 plusieurs commentaires

  1. Sverker Häggs

    La procureure du parquet international de Stockholm Lise Tamm, la Chancelière des affaires juridiques suédoise, Anna Skarhed, le procureur Thomas Ahlstrand de Göteborg, toutes ces personnes assermentées ont démenti formellement que la loi aurait poussé à la clandestinité les personnes prostituées et sont surprises de la désinformation qu’il y a à l’étranger.

    Ainsi la Chancelière des affaires juridiques suédoise, Anna Skarhed, en visite en Allemagne, après avoir lu la presse allemande, déclara devant le Bundestag : «chez vous, de nombreux mythes circulent au sujet de la loi suédoise sur la prostitution… Quand nous avons fait cette loi, nous avions deux espoirs : arriver à dissuader des acheteurs, et que de moins en moins de femmes doivent se résoudre à la prostitution. Nous voulions aussi faire de la Suède un pays moins attrayant pour les trafiquants. Nous avons atteint ces objectifs.»
    Et elle ajouta : «Il ne s’agit pas d’une législation moraliste, mais de droits de la personne et d’égalité des sexes.» (Audience publique au Bundestag, mars 2014)

    Lisa Green, travailleuse sociale de Malmö, (Suède) a réfuté elle aussi le mythe que les prostituées auraient sombré dans la clandestinité et que les intervenants en travail social n’arriveraient plus à les atteindre. « C’est l’inverse », a déclaré Lisa Green : «Nous signalons aux femmes tout à fait clairement que la culpabilité et la honte ne sont pas dans leur camp, mais bien dans celui de l’acheteur. C’est pourquoi elles se confient à nous.» Et nous continuons à rejoindre les femmes là où elles se trouvent : dans la rue, dans les hôtels, sur Internet. (Audience publique au Bundestag, mars 2014)
    http://ressourcesprostitution.wordpress.com/2014/03/23/voie-suedoise-et-impasse-allemande-emma/

  2. Il est intéressant d’écouter ce que nous disent des personnes qui travaillent depuis longtemps avec cette loi en Suède (abolitionniste depuis 1999), et qui ne l’a pas abrogée malgré un changement de majorité. Eux aussi avaient ces craintes de clandestinité et mise en danger plus grand des personnes prostituées. Ils ont constaté le contraire.
    Mme Lise Tamm, procureure au Parquet international de Stockholm, devant la Commission française spéciale prostitution (5 novembre 2013) : « Que les clients deviennent plus violents, c’est aussi un argument qu’on entend. Aucune preuve. Aucune indication. Au contraire, je dirais. Si elles ont un problème avec un client, elles peuvent s’approcher, ou de la police ou des services sociaux et être aidées sans prendre de risque »
    Jonas Henriksson, commissaire au sein de la brigade antiprostitution de Stockholm : « Certains affirment qu’elle s’est simplement déplacée là où elle est moins visible, notamment sur le Net, mais, selon notre expérience, la prostitution ne peut jamais jouir d’une complète clandestinité : il arrive bien un moment où vendeurs et acheteurs entrent en contact, même si l’échange sexuel a lieu ensuite dans un appartement ou à l’hôtel. Si les acheteurs peuvent s’asseoir devant leur ordinateur et trouver cette prostitution dite cachée, alors les autorités aussi. »
    Quant à la Norvège, abolitionniste depuis 2008, elle n’a pas adopté le modèle nordique seulement parce que la prostitution suédoise se déplaçait en Norvège, mais par conviction que tolérer que des hommes achètent des actes sexuels est incompatible avec l’égalité femmes-hommes.
    La Norvège a même durci la loi d’abolition en la rendant extraterritoriale.
    Le Luxembourg est au carrefour de L’Europe et y occupe une place plus que symbolique.
    J’espère qu’il va profiter de l’élan par sa grande voisine la France, et prendre la voie abolitionniste.

  3. Il vaut mieux de taxer la prostitution. En plus les clients des prostituées ne sont pas peu des gens et en conséquence, les politiques doivent voir à leurs votes!

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