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Politique – Robert Mandell : « Le TTIP bénéficiera à tous » (Interview)


Arrivé en octobre 2011, Robert Mandell, ambassadeur des États-Unis, quittera le Luxembourg le 27 février. Il revient sur ces trois années de collaboration.

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Robert Mandell va rejoindre Washington. Ses projets restent indéfinis, tout comme le nom de son successeur. (Photo : François Aussems)

> Que retenez-vous de votre mission diplomatique au Luxembourg ?

Robert Mandell : Ma mission a été de faire en sorte que nos relations bilatérales restent excellentes. Le Luxembourg est un grand allié des États-Unis. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous nous écoutons et nous respectons. Ce fut un travail très intéressant. J’ai notamment signé l’accord Fatca (NDLR : pour l’échange informatique d’informations entre les deux administrations fiscales) avec le ministre Pierre Gramegna, dans le but de promouvoir la transparence.

> Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?

D’abord l’accueil du Grand-Duc a été extraordinaire. En mai 2012, j’ai passé cinq jours en Afghanistan avec les troupes luxembourgeoises et américaines. Ce fut une très bonne expérience. J’ai aussi été fasciné par le mariage du Grand-Duc héritier et de la Grande-Duchesse héritière. Nous n’avons pas de royauté aux États-Unis. Voir tous ces costumes et rencontrer tous ces princes et princesses a été quelque chose d’exceptionnel. J’ai aussi apprécié, en février 2014, la visite informelle de cinq membres de la Cour suprême des États-Unis, dont son président, auprès des membres de la Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg.

> Vous avez également visité l’ensemble des établissements secondaires du pays. Pourquoi ?

C’est très important de rencontrer la jeunesse. J’ai beaucoup aimé échanger avec les lycéens, leur parler de l’histoire des États-Unis et du Luxembourg. Il est indispensable qu’ils sachent ce qui s’est passé il y a 70 ans, avec la bataille des Ardennes qui a libéré le Luxembourg, faisant 89 000 morts américains. C’est une chose qui n’est pas forcément approfondie dans les cours. Durant les six derniers mois, j’ai participé à une dizaine de commémorations et j’ai été très touché de rencontrer les vétérans américains, qui ont accompli un vrai sacrifice. Depuis mon arrivée, j’ai aussi noué une amitié sincère avec les enfants du foyer Kannerland, proche de l’ambassade. J’ai passé avec eux les fêtes de Pâques, de Noël et d’Halloween. Je me suis déguisé, on a fait de la peinture…

> Quel est votre regard sur la situation politique et économique du Luxembourg ?

Le Luxembourg jouit d’une très grande stabilité financière depuis des années. S’il obtient la plus haute note de la part des agences de notation, c’est que le gouvernement fait son boulot comme il faut. Ce fut le cas avec Jean-Claude Juncker qui a une grande intelligence politique et qui pourra désormais avoir plus d’influence comme président de la Commission européenne, ce qui bénéficiera au Luxembourg. La nouvelle coalition mène un programme de réformes ambitieuses et pragmatiques, avec des idées fraîches. Le gouvernement est allé très vite sur les relations entre l’Église et l’Etat, sur la légalisation du mariage homosexuel, sur une politique fiscale plus saine. Il agit avec beaucoup de courage, notamment sur les réformes fiscales.

> L’évasion fiscale est-elle un problème mondial aujourd’hui ?

Oui. Barack Obama a lancé un appel pour ramener de l’argent et faire revenir le secteur industriel aux États-Unis. Concernant LuxLeaks, il n’y a pas que des multinationales américaines qui sont concernées, de même que le Luxembourg n’est pas le seul à faire des tax rulings. La transparence est importante et le Luxembourg essaie de faire en sorte que les mêmes règles s’appliquent à tous, en Europe et dans l’OCDE. La question est de savoir comment attirer des compagnies étrangères dans son pays. Les tax rulings font partie du jeu et ne violent pas la loi.

> Les États-Unis et l’Union européenne négocient le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP). Que pensez-vous des reproches quant à l’excès de pouvoir qui serait accordé aux multinationales ?

Le Luxembourg aura un rôle important à jouer en tant que futur président de l’Union européenne à partir de juillet. Nous devons expliquer à chacun que ce traité bénéficiera aussi bien aux États-Unis qu’à l’Europe. Ensemble, nous rassemblons 800 millions de personnes et produisons près de la moitié du PIB mondial. Le monde sera un endroit plus sûr si les démocraties travaillent ensemble. Plus les États sont prospères, plus ils sont stables. Un accord permettra d’envoyer un message au reste du monde. 80 % des entreprises américaines sont des PME, comme en Europe. Le TTIP facilitera l’installation d’entreprises américaines en Europe, et vice-versa. Nous avons une longue histoire économique avec le Luxembourg. Les entreprises américaines emploient des milliers de personnes ici. Dans les nouvelles technologies, les biotechnologies ou les satellites, il existe une grande symétrie entre nos deux pays.

Concernant les réticences, des questions similaires sont aussi posées aux États-Unis, pas seulement en Europe. [Quant à la création de tribunaux arbitraux], il s’agit de créer un mécanisme d’ultime recours pour résoudre les disputes commerciales, car il n’y a pas d’autre instance aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’outrepasser les lois américaines ou européennes. Mais des problèmes ont en effet été identifiés et ils font partie des rounds de négociations actuels.

> Comment avez-vous réagi aux attentats de Paris ?

C’est une chose terrible. Aux États-Unis, on peut brûler un drapeau américain sans être condamné pour cela. La liberté d’expression est essentielle.

Entretien avec notre journaliste Sylvain Amiotte

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