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Mobilisation pour le blogueur fouetté


Amnesty International se réjouit de la forte mobilisation des Luxembourgeois pour demander la libération de Raif Badawi, ce blogueur condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison en Arabie saoudite.

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Les militants d’Amnesty International Luxembourg demandent au gouvernement, silencieux jusqu’ici, de faire pression sur le régime saoudien. (Photo : Hervé Montaigu)

Hier midi, place Clairefontaine, ils ne sont qu’une quinzaine à se rassembler en signe de solidarité avec Raif Badawi et les prisonniers d’opinion saoudiens. Qu’importe, ces membres d’Amnesty International Luxembourg se savent soutenus dans cette cause, vu le nombre de clics sur leur pétition en ligne. Son directeur, Stan Brabant, a comptabilisé plus de mille signatures depuis mi-janvier : « On est là aujourd’hui pour remercier la population luxembourgeoise. On a vraiment senti une vague de sympathie et d’indignation contre ces attaques portées à la liberté d’expression en Arabie saoudite, qui n’est sans doute pas indépendante de l’attentat contre Charlie Hebdo. »

Incarcéré depuis juin 2012, condamné à dix ans de prison et à 1 000 coups de fouet (50 chaque vendredi durant 20 semaines) pour avoir tenu un blog incitant au débat public et à la libéralisation religieuse dans son pays, Raif Badawi est devenu un symbole de la liberté d’expression face à l’obscurantisme.

L’exécution de la sentence de flagellation a démarré le 9 janvier dernier, avec 50 premiers coups de fouet infligés en public, démultipliant les protestations internationales. « Les gens doivent savoir que leur mobilisation a de l’impact : depuis cet élan de solidarité dans le monde, les séances de flagellation se sont arrêtées », se félicite Stan Brabant, qui veut croire que la pression internationale pèse au moins autant que les raisons médicales officiellement invoquées.

> « Condamné comme le dernier des monstres »

Amnesty International se fonde notamment sur la Convention des Nations unies contre la torture, ratifiée par l’Arabie saoudite en 1997, pour demander en premier lieu l’arrêt des châtiments corporels. « Je suis horrifiée par le traitement abominable qui est réservé à quelqu’un qui a simplement voulu s’exprimer. Il est condamné comme s’il était le dernier des monstres, c’est inhumain, dénonce Marine, une militante de 29 ans. Cela nous rappelle à tous que notre liberté d’expression est précieuse. »

À la demande de Raif Badawi, l’ONG a élargi son mouvement pour réclamer la libération de douze prisonniers d’opinion, dont l’avocat de Raif Badawi, le défenseur des droits humains Waleed Abu al Khair, condamné à 15 ans de prison notamment pour « déloyauté envers le souverain », « atteinte au pouvoir judiciaire » et « création d’une organisation non autorisée ». « Nous avons mis en ligne une nouvelle pétition. Deux prisonnières ont été libérées récemment, c’est le résultat de la mobilisation, il faut absolument continuer », encourage le directeur d’Amnesty International Luxembourg.

L’ONG souhaiterait voir un maximum de dirigeants du monde mettre autant de zèle à parler de Raif Badawi au nouveau roi saoudien Salmane qu’à aller pleurer la mort de son prédécesseur Abdallah, le 23 janvier dernier.

Les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et l’ONU ont notamment réagi. Le 12 février, le Parlement européen a voté une résolution très claire réclamant la libération sans condition de Raif Badawi, relevant « la doctrine d’intolérance et d’interprétation extrémiste du droit islamique prônée par le royaume » saoudien.

> « Si le Grand-Duc pouvait parler au roi… »

Si 460 eurodéputés ont voté ce texte, 153 ont voté contre et 29 se sont abstenus, notamment au sein du Parti populaire européen (droite). « Tous les députés européens du Luxembourg l’ont voté, sauf Viviane Reding qui s’est étrangement abstenue », relève Stan Brabant.

Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, a demandé officiellement l’arrêt des châtiments. « Il y a des contacts réguliers sur ce cas précis, observe Stan Brabant. Mais nous n’avons pas encore entendu le gouvernement luxembourgeois, c’est dommage. »

Amnesty a pourtant adressé un courrier au ministre des Affaires étangères et au président de la Chambre des députés. Mais ni Jean Asselborn ni Mars Di Bartoloméo n’y ont répondu. « Nous n’avons pas l’impression que le gouvernement ait fait grand-chose. Pourtant, ce serait utile, déplore le militant luxembourgeois. Même le Prince Charles a mené une démarche auprès du roi saoudien à ce sujet. Si le Grand-Duc pouvait faire de même, cela pourrait avoir un impact. »

Présente hier place Clairefontaine, Marthe, 70 ans, souhaiterait plus d’implication des dirigeants politiques : « La situation dans les pays du Golfe me choque. D’un côté, on a des relations économiques avec eux, de l’autre, les droits de l’homme sont bafoués. » Pour Stan Brabant, « avoir des relations économiques témoigne de relations saines, mais cela n’a pas de sens de faire du business en fermant les yeux sur les violations des droits humains. Cela décrédibilise un État démocratique de ne pas porter ces valeurs. On sait que le gouvernement luxembourgeois le fait avec l’Iran, en parlant notamment de la peine de mort : pourquoi ne le fait-il pas avec l’Arabie saoudite ? »

Le responsable ne se fait aucune illusion : « On ne va pas transformer l’Arabie saoudite en démocratie, mais on peut sauver des vies en agissant sur des cas précis. »

De notre journaliste Sylvain Amiotte

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