Des tests à grande échelle sur la population sont indispensables pour lutter contre la propagation du coronavirus. Mais des tests menés à partir des eaux usées fournissent également de précieuses informations.
Des chercheurs du collectif Research Luxembourg ont présenté jeudi à la Maison du savoir à Esch-Belval leurs méthodes de travail et l’avancée de leurs recherches concernant la propagation du coronavirus sur le territoire du Grand-Duché. Une conférence également retransmise en direct (et toujours disponible) sur le page Facebook de science.lu.
Parmi les études exposées jeudi, celle du Dr Henry-Michel Cauchie, de l’Institut des sciences et technologies du Luxembourg (LIST), intitulée «Coronastep», qui propose une approche peut-être encore méconnue du grand public : la détection du coronavirus dans les eaux usées, celles de nos toilettes. «Si le coronavirus a comme porte d’entrée le système respiratoire, il n’en est pas moins excrété au niveau des selles et parfois de l’urine», rappelle le Dr Cauchie.
Un virus qui n’est toutefois «vraisemblablement plus infectieux à son arrivée dans les stations», précise le chercheur, puisqu’il «se dégrade très vite». «Il ne représente donc pas de risque pour le personnel des stations d’épuration, ni pour l’environnement avec le rejet des eaux usées», assure-t-il.
Les eaux usées de plus de 70 % de la population analysées
En prélevant un échantillon d’eau usée à l’entrée de chacune des sept stations d’épuration partenaires à ce jour (Schifflange, Pétange, Hesperange, Beggen, Bleesbruck, Mersch et Bettembourg), les scientifiques estiment couvrir plus de 70 % de la population, le nombre d’habitants connectés à ces stations allant de 30 000 à 140 000 pour la plus grosse d’entre elles, celle de Beggen, à laquelle sont raccordées la capitale et les communes alentours.
Évidemment, comme le souligne le Dr Cauchie, la distinction ne peut être faite entre résidents et frontaliers, et les chiffres obtenus suivent l’évolution de la situation, avec la fermeture des frontières décrétées mi-mars.
Pour être le plus précis possible, les chercheurs ont par ailleurs commencé à collaborer avec certains hôpitaux afin de récolter des échantillons d’eaux usées directement à leur sortie, puisque celles-ci se retrouvent mêlées dans les stations d’épurations aux eaux usées de la population générale.
Le personnel des stations d’épuration remet donc régulièrement (une fois par semaine environ) aux chercheurs des bouteilles contenant 24 heures d’eaux usées. Les scientifiques séparent ensuite les virus du reste du contenu avant de détecter la présence du Covid-19 via la technique de la PCR, la même que celle utilisée dans les autres études, menées sur les individus, afin de «comparer ce qui est comparable».
Le virus est présent depuis mi-février
Résultat? Les informations obtenues suivent la même dynamique que celle observée au sein de la population : pic d’épidémie puis diminution progressive de la présence du virus aux mêmes moments. «Cela valide notre approche, on a bien une dynamique qui représente ce qui se passe dans la population», explique le Dr Cauchie.
Forts de ce constat, les scientifiques peuvent aller beaucoup plus loin dans leurs recherches. Ainsi, grâce aux échantillons disponibles depuis 2019 pour la station de Schifflange qui collecte les eaux usées d’Esch-sur-Alzette notamment (ce qui concerne plus de 68 000 personnes), les chercheurs «ont pu détecter que le virus est apparu entre le 12 février et le 24 février dernier».
«Avec cette méthode, nous avons la détection la plus précoce de la présence du virus dans la population luxembourgeoise», relève le Dr Cauchie. Les premiers tests menés sur la population se portent en effet sur les personnes symptomatiques et malades, puis sur les personnes symptomatiques, avant d’être étendus aux personnes asymptomatiques dans une troisième phase – un suivi qui prend du temps pour établir une prévalence de la maladie dans la population.
Surtout, en permettant une détection précoce du virus, cette méthode rapide (l’échantillon est traité en moins de deux jours) et très peu onéreuse, permettra une surveillance du pays sur le long terme, comme l’annonce le Dr Cauchie : «C’est une méthode collective, indirecte, complémentaire aux autres, qui permet de suivre l’évolution dans la population globale. Nous allons continuer cette surveillance au cours des années qui viennent et s’il y a des résurgences de ce virus – ou d’autres virus – nous pourrons les détecter très tôt.» Et permettre ainsi de prendre rapidement les mesures adéquates.
Tatiana Salvan