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«L’Europe et le Luxembourg ont des opportunités à saisir à Cuba»


«Les relations de Cuba avec les Européens et les Américains doivent se faire sur la base du droit international, c'est-à-dire dans le respect de notre indépendance, de notre souveraineté, de notre droit de déterminer ce que nous voulons faire», explique Norma Goicochea Estenoz. (photo Hervé Montaigu)

Norma Goicochea Estenoz est ambassadrice de Cuba accréditée au Luxembourg. Elle explique pourquoi l’Europe a tout à gagner à resserrer ses liens avec Cuba.

Cuba s’ouvre aux investisseurs étrangers. Ce mouvement s’accélère depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis, en décembre 2014. Pour autant, Cuba entend maintenir le cap du socialisme et garder la maîtrise de l’évolution de son économie.

Depuis octobre 2014, Norma Goicochea Estenoz est ambassadrice accréditée au Luxembourg, en Belgique et chef de mission de Cuba auprès de l’Union européenne. Elle est basée à Bruxelles.

Le Quotidien : Les dirigeants européens se succèdent à La Havane à un rythme élevé depuis la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis, en décembre 2014. Pourquoi cet empressement?

Norma Goicochea Estenoz : Il faut tout d’abord rappeler que les relations entre l’Union européenne et Cuba ont commencé bien avant les nouveaux développements que nous connaissons avec les États-Unis. Mais il est vrai que depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec Washington, il y a plus de visites de haut niveau de représentants de l’Union européenne à Cuba. Mais malgré les sanctions et la position commune (NDLR : qui conditionne depuis 1996 les relations de l’UE avec Cuba à des avancées dans le domaine de la démocratie), on a toujours eu des relations avec les pays européens. Le Luxembourg en est un bon exemple : le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, était venu à Cuba en 2011. Le Luxembourg est d’ailleurs un pays qui n’a jamais suivi les sanctions contre Cuba.

Norma Goicochea Estenoz était le 4 juin à Luxembourg, à la brasserie de l'Arrêt, lieu de rendez-vous incontournable de la communauté cubaine, pour la remise d'un don en faveur d'un hôpital à Santiago de Cuba. (photo Hervé Montaigu)

Norma Goicochea Estenoz était le 4 juin à Luxembourg, à la brasserie de l’Arrêt, lieu de rendez-vous incontournable de la communauté cubaine, pour la remise d’un don en faveur d’un hôpital à Santiago de Cuba. (photo Hervé Montaigu)

Les Européens ne cherchent-ils pas juste à profiter des opportunités d’affaires qui s’ouvrent à Cuba?

Le premier investisseur étranger à Cuba est déjà un pays européen, c’est l’Espagne. Je pense qu’il faut mettre en perspective ces relations, mais c’est vrai que tout le monde veut aller à Cuba maintenant.

Est-ce le signe d’une concurrence entre Européens et Américains pour la conquête de marchés à Cuba?

Pourquoi une concurrence? Comme je viens de le dire, les Européens sont déjà là. Le blocus américain a une dimension extraterritoriale et il y a des entreprises européennes qui en souffrent. On se souvient de l’amende de près de neuf milliards de dollars infligée à BNP Paribas par les États-Unis, parce que la banque avait contourné des embargos américains, notamment celui sur Cuba. Voilà pourquoi je pense qu’on ne peut pas parler de concurrence. L’Union européenne doit être prête à défendre les relations commerciales et économiques qu’elle entretient déjà avec Cuba.

Est-ce pour Cuba une manière de limiter les conséquences d’une arrivée massive de capitaux américains dans l’île?

Il y a des personnes qui pensent que maintenant que les relations avec les États-Unis se rétablissent, cela va impacter négativement Cuba. Je ne le pense pas, parce qu’il n’y a pas de privilège. La position de Cuba est qu’il n’y aura jamais de dépendance par rapport à un seul marché. Voilà pourquoi l’Europe aura toujours des opportunités à saisir. Il y a une nouvelle loi sur l’investissement et il faut que l’Union européenne en profite.

Le fait-elle suffisamment?

Cuba est un pays sérieux et il faut en profiter. C’est un pays où la loi est toujours présente et encadre les affaires. Il ne faut pas être effrayé de faire des affaires avec Cuba.

En tant qu’ambassadrice accréditée au Luxembourg, cherchez-vous à attirer spécialement les investisseurs du Grand-Duché?

L’année dernière, une délégation d’entreprises luxembourgeoises est allée à Cuba. Cette année, on a fait une présentation ici à Luxembourg sur le développement économique à Cuba. Nous nous sommes dotés d’une zone spéciale de développement économique qui peut être très intéressante pour les entreprises du Luxembourg. Il y a un réel intérêt pour le Grand-Duché à approfondir ses échanges économiques et commerciaux avec Cuba. Nous travaillons actuellement à une présence luxembourgeoise à la prochaine foire du Commerce à La Havane, au mois de novembre.

Cuba veut attirer les investisseurs étrangers et, dans le même temps, on sent bien que l’île ne veut pas se laisser imposer son rythme par l’extérieur.

Les relations de Cuba avec les Européens et les Américains doivent se faire sur la base du droit international, c’est-à-dire dans le respect de notre indépendance, de notre souveraineté, de notre droit de déterminer ce que nous voulons faire. Et nous savons ce que nous voulons, quand nous voulons le faire et comment le faire. Ce sera en fonction de nos réalités et de nos besoins, car nous voulons continuer à construire une société juste pour tout le monde, pour le développement du pays, pour la population cubaine. C’est la base de notre système.

Et quels sont les besoins de Cuba par rapport aux Européens?

Nous ne définissons pas nos besoins par rapport aux autres, mais par rapport à la population. Il faut tout d’abord que le blocus américain soit levé parce que c’est ainsi que nous aurons la possibilité d’avoir des marchés, des capitaux, des équipements. Notre but est de maintenir notre système social dans le cadre de l’actualisation de notre modèle économique. Il nous faut continuer à être libre, indépendant, maintenir l’unité du pays. Nous tenons à préserver les résultats de la révolution.

La décision américaine de rétablir des relations diplomatiques apparaît comme un geste pacifique. Pourtant, le blocus demeure. Pourquoi est-ce si difficile de le lever?

Ah ça, il faut le demander aux Américains. Le président Obama avait adopté un paquet de mesures favorisant le rétablissement des liens, mais en ce qui concerne la levée du blocus, il est limité par le Congrès. C’est lui qui peut lever l’interdiction faite aux Américains de voyager à Cuba. Un autre point important est que dans les échanges commerciaux, Cuba doit payer une avance, c’est contre les normes internationales du commerce. Mais Obama ne peut pas le changer, ça relève de la compétence absolue du Congrès.

[…]

Fabien Grasser

L’intégralité de cet entretien est à lire dans Le Quotidien de ce lundi 13 juin.

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