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Les lunettes aussi s’achètent en quelques clics


L'opticien prend en compte plusieurs paramètres pour faire une paire de lunettes qui s'adapte parfaitement à son client. (photo François Aussems)

Les opticiens en ligne se multiplient pour vendre des lunettes low-cost. Au Luxembourg, ophtalmologistes et opticiens ne sont pas encore vraiment confrontés au phénomène. Mais pour combien de temps?

Ceux qui ont des problèmes de vue le savent : changer de lunettes peut coûter cher, très cher. Évidemment, il y a la Caisse nationale de santé (CNS) qui rembourse un peu (un minimum de trois ans d’intervalle est requis pour changer de lunettes), et les mutuelles aussi pour que la douloureuse passe mieux. Alors, forcément, quand on voit sur internet que l’on peut y trouver des lunettes à quelques dizaines d’euros, on s’interroge.

Premier problème, ces sites demandent tout un tas de mesures qui sont un peu du chinois pour le commun des mortels. Il faut donc restituer fidèlement ce qui est inscrit sur l’ordonnance de l’ophtalmologiste, si ce dernier n’a pas commis d’erreur. Ensuite, les sites demandent la mesure de l’«écart pupillaire», mais de quoi s’agit-t-il? C’est la mesure entre le milieu du nez et le milieu de la pupille afin que les verres des lunettes soient bien centrés. «Mais ça c’est la mesure de base, 80 % des gens ont une phorie (NDLR : les deux yeux regardent vers le même point – donc pas de strabisme –, mais si on masque un œil, il se dévie. C’est-à-dire que sa position «de repos» est déviée), les yeux ne sont pas tout à fait parallèles. Les opticiens doivent tenir compte de beaucoup de paramètres», estime le Dr Marc Theischen, ophtalmologiste et secrétaire général de la Société luxembourgeoise d’ophtalmologie (SLO).

Et même si l’écart pupillaire suffisait, au Luxembourg il est de toute façon quasi impossible de l’obtenir. Les ophtalmologistes refusent de le faire. «Les opticiens ont des appareils plus sophistiqués, nous les laissons faire leur métier», estime le Dr Theischen. Et évidemment, les opticiens n’ont aucun intérêt à prendre les mesures de quelqu’un qui veut commander ses lunettes… ailleurs. Au Luxembourg, le phénomène reste pour l’instant marginal. La fédération des patrons opticiens et optométristes du Grand-Duché de Luxembourg ne sent pas encore les effets de cette concurrence low-cost. En France, une loi du 18 septembre 2014 oblige (non sans mal) les ophtalmologistes à inscrire l’écart pupillaire sur les ordonnances de leurs patients, ce qui rend la concurrence plus aisée. Même chose en Belgique.

L’écart pupillaire sur ordonnance

En Allemagne, le phénomène de vente sur internet a amené les opticiens à réagir : «Nos confrères allemands avaient beaucoup de retours de lunettes apportées par des clients qui les avaient commandées sur internet. Du coup, ils ont proposé un forfait, car il n’est pas juste de devoir reprendre gratuitement le manque de travail des autres», estime Paul Alliaume, président de la fédération des patrons opticiens et optométristes du Grand-Duché de Luxembourg.

Ce dernier explique qu’outre des mesures plus précises, l’opticien est là pour guider le client en l’aidant à choisir les verres et les montures les plus adaptées : «Le choix des verres se fait une fois qu’on a choisi sa monture, selon la correction. Quatre-vingt-dix pour cent des verres sont maintenant en matière plastique, pour gagner en poids. Je suis en mesure de pouvoir dire à mes clients l’épaisseur du verre selon la monture choisie. Par exemple, pour une petite dioptrie pour les myopes, il n’y a pas besoin de prendre des verres trop amincis. Et il faut aussi voir avec l’écart du nez pour que les lunettes tombent bien, que les branches tombent bien également derrière les oreilles, certaines montures n’iront pas.» Et c’est bien en boutique que l’on peut se rendre compte de cela.

Si le Dr Theischen avoue à demi-mot que pour des corrections légères avec des verres monofocaux la commande sur internet «peut éventuellement fonctionner», le médecin et l’opticien sont d’accord pour décourager les éventuels clients de verres progressifs sur internet. Comprendre ceux qui doivent être corrigés pour leur vision de près et de loin avec la même paire de lunettes. «Là, les mesures sont encore plus sensibles car nous devons inscrire une indication de hauteur sur le verre pour la partie lecture. Je ne vois vraiment pas comment on peut faire des verres progressifs sur internet qui soient parfaitement adaptés à l’anatomie du client», note Paul Alliaume. «Pour les corrections compliquées comme pour les lunettes progressives, le travail de l’opticien est indispensable. Parfois, des patients viennent me voir juste parce que leurs lunettes sont mal réglées, cela peut provoquer yeux rouges et maux de tête», ajoute le Dr Theischen.

Audrey Somnard

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