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Le risque de désert médical existe au Luxembourg


Selon l'ALEM, "il faut compter aujourd'hui deux jeunes médecins pour remplacer un ancien". (photo Isabella Finzi)

Un élargissement de l’offre de formation au Luxembourg doit contribuer à éviter un «désert médical» au Grand-Duché. Les étudiants en médecine sonnent l’alerte.

Le 23 novembre, la Commission européenne a publié avec l’OCDE le bilan de santé de la population européenne. Globalement, le Luxembourg était crédité d’une bonne performance, même si des choses restent à parfaire.

Parmi les critiques évoquées figurait une possible pénurie de médecins. «Malgré une plénitude des ressources financières, le Luxembourg compte moins de médecins par tête habitant que la moyenne européenne (0,7 médecin pour 1 000 habitants)», avait détaillé Juliane Winkelmann, de l’Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé.

Avec les nombreux départs à la retraite d’ici 10 ou 15 ans, le Grand-Duché devra anticiper la situation, faute de quoi les «déserts médicaux» vont devenir une réalité, avait de son côté mis en garde John Ryan, directeur en charge de la Santé publique auprès de la Direction générale de la santé (DGS), rattachée à la Commission européenne.

Contactée à l’époque par Le Quotidien, la ministre luxembourgeoise de la Santé, Lydia Mutsch (LSAP), avait de suite exclu tout «désert médical» au Luxembourg. «Au 31 décembre 2016, le Luxembourg comptait 505 médecins généralistes actifs. En 2000, ils étaient seulement 279», avait précisé la ministre dans nos colonnes. Le ratio reste donc positif pour les services du ministère de la Santé, malgré les mises en garde venant de la Commission européenne mais aussi de l’Association luxembourgeoise des étudiants en médecine (ALEM).

Déjà une formation de généraliste

Réuni vendredi dernier en assemblée générale, le nouveau comité de l’association estudiantine s’est vu assurer par la ministre de la Santé en personne une nouvelle entrevue pour évoquer la situation des médecins au Grand-Duché. «On va comparer nos chiffres respectifs et puis évaluer ensemble la situation. J’avoue qu’il faut avoir la situation à l’œil, mais pour l’instant, on ne peut aucunement parler de risque de pénurie», persiste Lydia Mutsch.

Du côté de l’ALEM, le son de cloche reste cependant plus alarmiste, même si la nouvelle équipe dirigeante autour de la présidente Myriam Feltgen se réjouit de l’ouverture proposée par la ministre. «Les conclusions formulées en 2011 par nos prédécesseurs dans le cadre de la publication de notre rapport sur la démographie médicale restent à nos yeux toujours d’actualité, explique Fabrice Glod, étudiant en médecine à Cologne en Allemagne et en charge des relations publiques de l’ALEM. Avec les départs à la retraite qui s’annoncent parmi les généralistes dans les cinq à dix années à venir, on risque bien une pénurie, d’autant plus qu’il faut compter aujourd’hui deux jeunes médecins pour remplacer un ancien.»

Il continue donc d’exister des doutes sur une possible pénurie. Le scénario d’un «désert médical» ne devrait cependant pas se réaliser, d’autant plus que le gouvernement compte renforcer et élargir la formation médicale au Luxembourg. Jusqu’à présent, l’université du Luxembourg – et avant elle l’ancien Centre universitaire – ne proposait en effet que la première année de formation avant d’envoyer les jeunes étudiants en médecine dans une des universités francophones de la Belgique.

Créer une « Medical School »

Depuis 2004 existe au niveau de l’université nationale aussi une formation spécifique en médecine générale. Juste avant les fêtes de Noël, ils sont une nouvelle fois 16 jeunes médecins généralistes à avoir prononcé le serment d’Hippocrate à l’auditoire François-Tavenas (NDLR : premier recteur de l’Uni, décédé en février 2004 peu après sa prise de fonction en septembre 2003). «Il s’agit de la deuxième fois d’affilée que le nombre record de 16 nouveaux diplômés en médecine générale est atteint. Je m’en réjouis, d’autant plus que la grande majorité des jeunes médecins ayant bouclé leur formation au Luxembourg reste dans le pays pour y ouvrir un cabinet médical», note la ministre de la Santé.

Forte de ces expériences positives, Lydia Mutsch s’est alliée au ministre délégué à l’Enseignement supérieur, Marc Hansen (DP), mais aussi à l’université du Luxembourg et aux centres de recherche publics pour mettre en place une véritable «Medical School» au Grand-Duché. «Finalement, on ne va pas lancer de suite une formation complète, même si cela reste une option à long terme», précise d’entrée la ministre de la Santé. «Le gouvernement a décidé de plutôt chercher des alliances avec les universités voisines de la Grande Région, notamment du côté français avec Nancy et Strasbourg, pour mettre en place un bachelor, soit une formation de base de trois ans, à l’université du Luxembourg», enchaîne-t-elle.

Lydia Mutsch évoque aussi la Grande Région comme un atout majeur dans ce dossier. «La coopération rapprochée avec les universités françaises, mais aussi allemandes et belges, nous permet de rester crédible, vu la taille de notre pays, mais aussi pour ne pas offenser les grandes universités qui entourent le Luxembourg. La Grande Région peut être une des clés dans ce domaine aussi», explique la ministre socialiste, qui tient toutefois à préciser que c’est bien son collègue Marc Hansen qui mène le jeu dans ce dossier.

Le paquet législatif prêt pour mars

C’est au mois de mars que les ministres en charge de l’Enseignement supérieur et de la Santé comptent saisir le Conseil de gouvernement pour faire adopter le projet de loi et aussi entamer la procédure législative. Avec un vote avant la fin de la législature en cours fin juillet pour ce qui est des travaux à la Chambre des députés ? «Je ne préfère plus trop m’avancer sur des dates précises», se contente de dire Lydia Mutsch, en faisant référence au grand retard pris notamment par le nouveau plan hospitalier.

Quoi qu’il en soit, elle aura posé avec ses collègues une solide base pour faire avancer la formation médicale au Grand-Duché. Reste à lancer l’opération, et ce, dans les meilleurs délais afin d’éviter toute complication pour le «patient» Luxembourg.

David Marques

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