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Le pouvoir des pétitions dans la vie politique luxembourgeoise


Quand «les idées paraissent raisonnables», selon la présidente de la commission des Pétitions, Nancy Kemp-Arendt, le gouvernement les fait siennes sans trop tarder. C’est une des forces des pétitions. (photo Fabrizio Pizzolante)

Parfois elles n’atteignent pas les 4 500 signatures qui ouvrent droit à un débat public à la Chambre des députés, mais retiennent toute l’attention des décideurs. Bilan illustré.

Toutes les pétitions qui ont eu du succès n’ont pas forcément débouché sur un débat public. Au cours de l’année écoulée, 271 pétitions publiques, dont 159 déclarées recevables, ont été enregistrées par la commission des Pétitions, qui a rendu mardi son bilan de la session écoulée. Si la Chambre a organisé sept débats répondant au succès d’une pétition, il s’est présenté des cas où la discussion s’est avérée inutile, le gouvernement ayant déjà donné un accord de principe aux revendications introduites.

La présidente, Nancy Kemp-Arendt, mentionne à titre d’exemple la pétition concernant les dix jours de congé de paternité qui avait dépassé le seuil des 4 500 signatures nécessaires pour aboutir à un débat public, idem pour les 3% de TVA sur les articles d’hygiène ou encore l’interdiction des plastiques à usage unique. Les pétitionnaires n’ont pas eu à venir défendre leur idée face aux députés, le gouvernement ayant déjà fait le nécessaire pour les satisfaire.

«Pendant le confinement, il y avait eu dans un premier temps une interdiction de circuler à moto, mais cette décision avait fait un tollé. Le lendemain, j’avais déjà trois pétitions sur le même sujet qui arrivaient sur mon bureau, mais le débat fut inutile, le gouvernement ayant rectifié le tir rapidement», illustre Nancy Kemp-Arendt.

Idées reprises dans les programmes

Quand «les idées paraissent raisonnables», selon la présidente, le gouvernement les fait siennes sans trop tarder. C’est une des forces des pétitions. Elles établissent un contact avec les citoyens et les députés et sont sources d’idées pour noircir les programmes électoraux ou gouvernementaux. La présidente l’admet, les pétitions ne tombent jamais dans l’oreille d’un sourd. Qu’elles récoltent des signatures ou non, elles sont toujours étudiées. Il arrive que des problèmes soient exposés pour la première fois aux députés, qui découvrent ainsi un quotidien jusqu’ici méconnu.

Pour retracer le bilan de l’année et éclairer le fonctionnement des pétitions, la présidente aime raconter des anecdotes éloquentes. Comme ce monsieur qui revendiquait des banquettes rabattables dans un certain nombre de toilettes pour handicapés pour qu’ils puissent se changer dans des conditions dignes et confortables. «Cette pétition avait atteint les 5 000 signatures et la presse en a conclu à juste titre qu’elle donnerait lieu à un débat public», explique la présidente de la commission.

Les journalistes se sont-ils trompés ? «Le chiffre qui est communiqué à la fin de la période de signatures est officieux, car la commission doit toutes les éplucher pour voir si elles sont bien valides», explique Nancy Kemp-Arendt. Le problème est qu’à y voir de plus près, quelque 700 signatures ne correspondaient à rien ou faisaient doublon, si bien qu’au final le seuil des 4 500 signatures n’était pas atteint et que le débat public annoncé prématurément ne devait pas avoir lieu. «Il a fallu annoncer tout cela au pétitionnaire et cela a été difficile, lui qui espérait venir défendre sa revendication, mais tout n’était pas perdu. J’ai posé une question parlementaire sur le sujet et des communes ont déjà installé ce type de banquette dans leurs sanitaires. Encore un succès sans débat.»

Le top 3 des thèmes

Cet exemple renseigne aussi sur une face moins connue des pétitions qui concerne les fausses signatures. «Parfois ce sont des gens qui résident vraiment loin et qui n’ont aucun lien avec le pays, aucun numéro national d’identification valide», poursuit-elle. Ce qui est plus ennuyeux encore, ce sont les gens qui renoncent à signer quand ils s’aperçoivent que le seuil des signatures est déjà atteint alors qu’en réalité elles n’ont pas encore toutes été validées. «Il faut continuer à signer, c’est important, car ce n’est jamais qu’un chiffre officieux qui s’affiche sur le site au cours de la période d’ouverture aux signatures», explique-t-elle encore.

Les thèmes des pétitions publiques restent similaires à ceux de l’an dernier, sauf que le sujet de la santé passe en tête de liste, «une conséquence de la pandémie», conclut facilement la présidente. L’année précédente, ce thème figurait dans le classement en quatrième position. À la suite, on retrouve les sujets classés société/vie familiale, travail et emploi et la mobilité. Arrivent enfin le commerce et l’économie, le logement, l’éducation et l’enseignement, l’international et finalement les institutions et la démocratie.

La pandémie a quelque peu inversé les priorités. C’est vraiment la santé et la vie de famille qui priment, mais les thèmes comme l’environnement, les transports et le logement restent forts.

Les pétitions demeurent un moyen que personne ne veut négliger de mettre en contact direct les citoyens avec les députés. «C’est un outil qui est vraiment utile et maintenant que le nouveau site est en trois langues, bien expliqué, qu’il montre des exemples de formulation, son usage est encore facilité», se réjouit la présidente de la commission des Pétitions.

Geneviève Montaigu

Les débats et leur suite

Quelques exemples de débats publics et de leurs succès parfois relatifs.

Le débat sur le déploiement de la 5G dont les pétitionnaires voulaient l’arrêt immédiat au Luxembourg : le gouvernement n’a pas renoncé à la 5G, mais le débat n’est pas clos, informe Nancy Kemp-Arendt. Les députés se sont engagés à tenir compte des nouvelles connaissances scientifiques en la matière. Un échange de vues au sein de la commission de la Digitalisation, des Médias et des Communications a eu lieu en début d’année pour préparer un débat approfondi.

Le droit au télétravail : la commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale qui suit le développement du télétravail au Luxembourg va élaborer un rapport écrit au sujet de la transformation du monde du travail à la suite de la pandémie du Covid-19 avec le ministère de tutelle.

La protection du patrimoine architectural : le débat est intervenu en plein examen de la loi si bien qu’il a permis d’intégrer certaines réflexions sur la protection du patrimoine culturel.

Pétition ordinaire ou pétition publique

Il existe deux formes de pétition.

La pétition ordinaire : elle consiste à expliquer dans une lettre vos idées et ce que vous aimeriez changer et de l’envoyer à la commission des Pétitions par voie électronique ou par courrier postal ou en la remettant en personne au président de la Chambre sur rendez-vous. La pétition sera examinée et la commission pourra demander une prise de position au ministre compétent, renvoyer la pétition à une commission parlementaire en charge d’un dossier afférent, entendre les pétitionnaires lors d’une de ses réunions, inviter tout organe ou expert concerné par la pétition ou encore faire des visites sur le terrain dans le cadre de l’instruction de la pétition. Le pétitionnaire est informé par courrier postal des démarches de la commission des Pétitions.

La pétition publique : il faut déposer la pétition publique sur le site ou via un formulaire. Si la pétition remplit les critères, le ou les auteurs disposent de 6 semaines pour collecter au moins 4 500 signatures. Si ce nombre est atteint, elle sera débattue dans le cadre d’un débat public. Vous serez invité à défendre votre cause devant les députés et les ministres compétents. Le débat public sera retransmis en direct.

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