Arrivés premiers et deuxièmes des élections communales dans la capitale, les libéraux et les chrétiens-sociaux ont annoncé, hier soir, le début de discussions pour former une coalition.
En place depuis 2005, la coalition DP- déi gréng semble vivre ses dernières heures. Arrivés en tête du scrutin de dimanche avec 30,04 % des suffrages (9 sièges sur 27), les Bleus vont «entamer à partir de mercredi des négociations de coalition» avec le CSV, qui est arrivé deuxième du scrutin en récoltant 25,03 % des voix (7 sièges) devant déi gréng (19,26 % des voix, 5 sièges). Retour sur une journée postélectorale.
Il est 15 h, lundi, à l’hôtel de ville de la capitale. C’est l’heure de la séance du conseil communal. Les conseillers se retrouvent au lendemain des élections communales, au cours desquelles les électeurs ont placé le DP en tête (30,04 % des voix ; 9 sièges sur 27, un de moins qu’il y a six ans) et le CSV à la deuxième place (25,03 % ; 7 sièges, soit deux mandats de plus qu’en 2011) devant déi gréng (19,26 % ; 5 sièges).
L’heure est aux retrouvailles et aux embrassades après un mois de campagne électorale. Chacun se félicite, tous partis confondus ou presque, pour sa réélection. Les accolades sont chaleureuses par exemple entre Colette Mart (DP) et Maurice Bauer (CSV) ou encore l’échevine en charge de l’Éducation avec Cathy Fayot (LSAP). À 15 h 04, les cinq membres déi gréng (Sam Tanson et Viviane Loschetter, échevines, François Benoy, Carlo Back et Claudie Reyland), un peu en retard, font leur entrée dans la salle du conseil de l’hôtel de ville. Les congratulations se poursuivent encore quelques minutes.
«La surprise» de déi gréng
À 15 h 10, la séance du conseil communal débute. Laurent Mosar (CSV, réélu dimanche), Martine Mergen (CSV, non réélue) et Aramnd Drews (LSAP, non réélu dimanche) manquent à l’appel. «Je ne vais pas rentrer dans les détails des résultats des élections communales, commence Lydie Polfer, la bourgmestre de la capitale. La campagne s’est déroulée dans une ambiance correcte et démocratique. Les débats ont été nombreux et de bonne facture. Nous voulons le meilleur pour la Ville, c’est ce que nous avons fait ces dernières années et c’est que nous ferons à l’avenir.» Les points à l’ordre du jour défilent et la séance se termine peu avant 16 h, l’heure à laquelle Laurent Mosar (CSV) et Martine Mergen (CSV) arrivent. Trop tard.
L’heure aussi de revenir sur les résultats des élections communales de la veille. «Nous avons fait un super résultat, confie Sam Tanson (déi gréng), qui n’a pas reçu de coup de fil de la part de Lydie Polfer depuis la veille. Les électeurs nous soutiennent, ont confirmé que nous avons fait un bon travail et qu’ils veulent une politique verte dans la Ville.» Pour le reste, c’est un peu silence radio. Toutes les fractions des partis de la Ville (DP, CSV, déi gréng…) ont une réunion avec leurs membres à 18 h «pour analyser les résultats», avance Lydie Polfer, la bourgmestre et leader du DP.
Et l’information tombe à 18 h 46 par le CSV, puis elle est confirmée à 18 h 54 par le DP. Les deux partis vont «entamer des négociations de coalition à partir de mercredi», c’est-à-dire demain. La première réunion de négociations entre le DP et le CSV devrait, a priori, avoir lieu demain en fin d’après-midi.
«Nous avons constaté avec plaisir que le DP reste le premier parti de la Ville, précise Lydie Polfer. Nous avons également pris acte du bon score de notre partenaire actuel (NDLR : déi gréng), mais nous constatons aussi que le CSV, avec un gain de deux sièges (NDLR : de 5 sièges actuellement à 7), sort renforcé de ce scrutin.»
De son côté, déi gréng se disent par la voix de François Benoy, conseiller communal réélu, «surpris car, lors des trois dernières élections communales, nous nous sommes renforcés à chaque fois. Nous sommes aussi surpris qu’ils (NDLR : les Bleus) ne discutent même pas avec nous alors que avons travaillé ensemble de manière juste et correcte, lancé ensemble de grands projets étiquetés « verts » ces dernières années».
Peu après 20 h, Serge Wilmes, tête de liste du CSV et élu dimanche, confie que «le comité a décidé, ce soir (NDLR : hier), à l’unanimité d’entrer en négociations avec le DP pour former une coalition».
Le CSV «le seul vrai gagnant»
Le leader des chrétiens-sociaux de la Ville poursuit en rappelant que «nous sommes le seul vrai gagnant de ces élections en remportant deux sièges supplémentaires. Le DP, qui a perdu un siège par rapport à 2005, le reconnaît en nous contactant». Et le CSV a-t-il pensé à entrer en négociations en vue d’une coalition avec d’autres partis que le DP? «Notre ligne a toujours été claire depuis le début, répond Serge Wilmes. Nous respectons la volonté des électeurs. Si nous arrivions en tête du scrutin, nous aurions contacté le second et aujourd’hui c’est l’inverse qui se fait. Le choix des électeurs est respecté.» Et comment voit-il la suite? Serge Wilmes indique simplement que «si on entame des négociations pour former une coalition, ce n’est pas pour les voir échouées…»
Guillaume Chassaing et Erwan Nonet
Si la première coalition d’après-guerre, à Luxembourg, a été formée par le bourgmestre DP Émile Hamilius (DP) et le LSAP, en 1946, une nouvelle coalition se met en place, entre le DP et le CSV, dès 1959. Celle-ci tiendra jusqu’en 1963, date de l’élection du socialiste Paul Wilwertz au poste de bourgmestre. Le LSAP de Wilwertz s’associe alors au CSV durant l’intégralité du mandat du bourgmestre socialiste, qui arrive à échéance en 1969. L’arrivée de Colette Flesch (DP) au poste du bourgmestre socialiste, la même année, signe la fin de la coalition LSAP-CSV et ouvre la période des années d’or du DP au Knuedler. En effet, depuis 1969, soit depuis 48 ans, le DP se retrouvera au pouvoir dans la capitale et ce, de manière ininterrompue.
Le DP devient, dès lors, le parti incontournable auquel il faut s’associer pour prétendre être dans la majorité. Après une coalition de 36 ans avec le CSV (sous les bourgmestres Colette Flesch, de 1970 à 1980, Camille Polfer, de 1980 à 1981, Lydie Polfer, de 1982 à 1999, et, enfin, Paul Helminger, de 1999 à 2005), le DP signe un accord de coalition, en 2005, avec les verts de François Bausch, ce dernier devenant premier échevin de Luxembourg. L’adhérence relative du DP de Paul Helminger à la vision innovatrice de déi gréng, notamment concernant les thématiques de la mobilité douce ou de l’intégration des étrangers, mais également la crainte de voir l’avocat de Bonnevoie Laurent Mosar (CSV) gagner crescendo en popularité, inciteront finalement le DP à s’associer avec les écolos. Cette coalition inédite mettra fin à 36 ans de collaboration entre DP et CSV.
Depuis 2005, le DP des bourgmestres Paul Helminger, Xavier Bettel, et à nouveau Lydie Polfer, dirigera la capitale avec les verts. Soit au total 48 ans de règne sans interruption pour le DP. Et il devrait se poursuivre avec le CSV…
Claude Damiani